m

Cher Monsieur Germain,

J’ai laissé s’éteindre un peu le bruit qui m’a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler de tout mon cœur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j’en ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur.

Mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers  qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève. Je vous embrasse de toutes mes forces.

Affectueusement,

Albert Camus

 

Lettre écrite le 9 novembre 1957 par Albert Camus après qu’il vient de recevoir le prix Nobel à son instituteur Louis Germain

 

 

Comments 5 commentaires

  1. 03/09/2013 at 10:30 Alain

    L’année du centenaire de la naissance de Camus – Est-ce un hasard ? – est celle de la refondation de l’école laïque voulue par le président de la République et mise en oeuvre par Vincent Peillon, à l’aube d’un quinquennat dédié à la jeunesse et à l’éducation. Comment la patrie reconnaissante peut-elle mieux rendre hommage aux bataillons des « Hussards Noirs de la République » qu’en faisant enfin entrer l’un des leurs, Louis Germain, dans le Temple laïque des Grands Hommes ? Comment, à travers eux, à travers lui, mieux honorer solennellement leurs dignes descendants, leurs successeurs chargés ici et maintenant, dans toute la France, de reprendre en ce début de XXIe siècle la bannière républicaine de l’école publique en péril ?

    La métaphore militaire d’instituteurs avançant en terrain hostile – avec pour seule arme l’instruction laïque pour tous – évoque une armée de soldats sans nom, à l’image de celui de la Première Guerre mondiale dont les restes reposent symboliquement sous une flamme jamais éteinte, à l’Arc de Triomphe. En dédiant son Nobel à Louis Germain, le mérite, la force, la grandeur de Camus ont été de donner en 1957 un nom, une identité au Hussard Noir inconnu de la IIIe République.

    Quand il apprit le 16 octobre 1957 qu’on venait de lui décerner le Prix Nobel de Littérature, le premier mouvement de Camus fut de déclarer : « Malraux aurait dû l’avoir. » Cinquante-six ans plus tard, il est grand temps de convoquer les mânes de l’auteur de La Condition Humaine pour déclamer enfin au Panthéon : « Entre ici Louis Germain, avec ton valeureux cortège ! »

  2. 07/09/2013 at 10:13 Alain

    Finkielkraut annonce ce matin sur France Culture que son émission de samedi prochain sera consacrée à Camus, avec deux invités dont… Henri Guaino. Le Malentendu ?

  3. 07/09/2013 at 20:59 citoyen

    Non, La Peste!

  4. 09/09/2013 at 08:29 alphonse

    Que tout le monde ait lu le Camus d’Onfray, ou s’apprête à le lire, ce sera déjà bien.

    Si ce ne fut pas le cas du temps des hussards noirs, – assez court -, il y a des décennies que la France est éduquée à la hussarde (à l’élitisme, en tout cas), avec des profs de maternelle et primaire, et bien au-delà, peu ou mal diplômés: et c’est à nouveau le cas, comme on l’évoquait encore ce matin sur Frinter.
    A cause de Sarkozy, cette fois, on est obligé de donner des classes à des « étudiants » après 5 jours d’observation dans la classe d’un prof « aguerri » (pour faire droit à votre métaphore militaire, cher Alain!)…

    Pas étonnant que des classes ressemblent à des quartiers où même les pompiers n’osent plus entrer…

    Cela s’assortit d’une politique d’extrême susceptibilité d’équivalence des diplômes, même au niveau européen. Depuis longtemps.
    Pourquoi ne pas faire un appel en ce moment à d’excellents jeunes profs allemands, hollandais, basques, andalous, catalans, flamands même..?! Anglais….suisses…slovènes…lituaniens…
    En France!

    Ne voilà-t-il pas un projet de civilisation qui mériterait une allure militaire..?

  5. 09/09/2013 at 11:05 alphonse

    Plus subtilement…camusien, serait même de faire appel, en France, à des profs algériens…qui supporte certainement la comparaison avec des autochtones en matière de culture française.

    Mais avant faudrait-il commencer à interroger au bac, après l’avoir enseignée, sur la guerre d’Algérie…de Sétif à Charonne……et non pas sur les guerres de Corée, ou des Malouines.

Répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel