Don d’organes : 18 000 vies peuvent être sauvées
En France aujourd’hui 18 000 personnes sont en attente de greffe. Depuis 1994, ce nombre a plus que triplé. En 2012, alors que 1286 personnes étaient ajoutées sur la liste d’attente, seulement 78 greffes supplémentaires par rapport à l’année précédente, ont pu être réalisées. Chaque année, ce sont des centaines de personnes qui meurent faute de greffe alors que les progrès de la médecine et de la chirurgie leur ont ouvert cette possibilité.
Plusieurs organes peuvent être greffés : rein, foie, coeur, rétine.. C’est le rein qui est le premier concerné et la greffe libère les malades d’insuffisance rénale grave de la très lourde contrainte de la dialyse rénale poly-hebdomadaire. Imaginons ce que peut être pour eux l’attente d’une greffe, pendant des mois, alors qu’on n’a aucune certitude que cette possibilité puisse aboutir.
Toutes les campagnes de communication réalisées par l’Agence de biomédecine, le magnifique travail des associations, et même en 2009, le choix du don d’organes comme Grande Cause Nationale, n’ont pas apporté les effets espérés. Il faut aujourd’hui modifier la législation en cours et c’est l’objet de l’amendement au projet de loi Santé que je porte avec Jean-Louis Touraine.
Beaucoup trop souvent la volonté d’une personne pour elle-même après sa mort n’est pas connue ni mentionnée nulle part. Quand on interroge les Français, 79% d’entre eux sont spontanément et sans réserve favorables au don d’organes et pourtant plus d’un tiers des familles (ou en tout cas, au moins un membre de la famille) consultées après la mort de leur proche sur ses intentions répondent par la négative.
C’est pour cette double raison (manque de greffons, conditions des refus des proches) que nous proposons de modifier la loi et de considérer comme accord tout ce qui n’est pas refus exprimé du défunt (inscription sur le registre des refus, port d’un document écrit…)
Cette demande aux familles après un décès brutal est extrêmement douloureuse et la réponse ne peut être sereine. Elle alourdit encore le deuil. Par précaution ou par crainte du geste, les proches répondent ainsi trop souvent par la négative. Ils ne savent pas ce que le défunt aurait dit et préfèrent donc s’abstenir (ce qui leur est demandé n’est pas leur avis, mais ce qu’ils savent de l’avis du défunt, qui comme chacun de nous est seul à pouvoir disposer de son corps).
Nous sommes tous les deux avec Jean-Louis Touraine médecins hospitaliers (lui-même est Professeur d’immunologie, spécialiste des techniques de greffe et du SIDA) et nous pouvons rassurer sur les conditions de prélèvement. Il se fait dans des conditions chirurgicales et dans un parfait respect de la dignité du corps. Seule sera visible une cicatrice. Seuls les prélèvements nécessaires sont pratiqués, c’est-à-dire des prélèvements compatibles avec un malade en attente. Le prélèvement est fait et l’organe transporté dans des conditions parfaites d’asepsie dans les heures suivant la mort.
Chacun demeure bien sûr libre d’exprimer son refus de son vivant et il est important de signaler qu’aucune religion ne désapprouve ce don. Des religieux catholiques ont cependant exprimé une réserve sur le risque de diminution de la place des familles mais aucun n’ont remis en cause le principe fondateur « on ne refuse pas ce qui peut sauver une vie).
Notre amendement reçoit un large soutien des associations dont l’association @greffedevie. Je souhaite profondément que la majorité de nos Assemblées s’y rallie. En commission des affaires sociales, il a été voté à l’unanimité avec l’approbation du Gouvernement.
Lors du passage à l’Assemblée, même unanimité, mais… modification du texte par un sous amendement du Gouvernement. Le voici affadi et dépourvu de la force que lui donne son sens profond : la présomption de générosité qu’on doit accorder à chacun.
Comments 9 commentaires
25/03/2015 at 15:06 Jean_Pierre B.
qu’en est il vraiment des religions ? Est ce que cela surpasse la loi ? Des précisions aussi pour les groupes philosophiques
25/03/2015 at 16:07 Klaus Fuchs
Toutes les religions monothéistes acceptent le don d’organes. Impossible de savoir ce qu’est la doctrine de tel ou tel secte. Les Témoins de jéhova laissent la décision à la conscience des adeptes; la situation n’est pas claire quant à la question de savoir si le tissu à greffer comporte encore du sang ou pas…
Quant aux « groupes philosophiques », il y en a un paquet! Pour un des plus connus, les francs-maçons, il n’y a pas le moindre problème, tout comme pour la Libre pensée, l’Union rationaliste. Mais je ne peux exclure que certains autres n’aient des réserves…
25/03/2015 at 16:58 Marie
Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale a réagi dans une tribune publiée sur le Huffington Post : https://www.huffingtonpost.fr/emmanuel-hirsch/conditions-don-dorganes_b_6937970.html
25/03/2015 at 23:22 Klaus Fuchs
La position d’Emmaniuel Hirsch est intéressante et éclaire un dilemme qui oblige chacun de se déterminer: ici la pénurie de dons d’organes et une proposition mettant l’intérêt des demandeurs de greffe et donc de la société en première place, et celle de Hirsch donnant la priorité aux valeurs de l’individu, son droit et celui de sa famille de ne pas se déterminer ou de refuser le don. On ne peut dire qui a « raison », c’est finalement un choix « politique ». Ce que je regrette c’est le ton parfois trop polémique de Hirsch en introduisant dans son texte par exemple le terme de « nationalisation des corps ». Cela nuit à son argumentation très nuancée. Je crois aussi que son reproche aux auteurs de l’amendement de ne pas avoir suffisamment approfondi la problématique n’est pas justifié. Le vote unanime de la commission montre une autre appréciation.
26/03/2015 at 11:19 Amy
Si on fait une déclaration écrite, comment ça se passe ?
26/03/2015 at 11:39 admin
Cette possibilité n’est pas d’ordre législative mais elle relèvera de dispositions réglementaires qui viendront comme habituellement après la loi si elle est votée. L’important est que ce principe « d’inversion de la preuve » soit admis et compris par tous. Notre objectif est bien sûr l’intérêt général et la santé. D’ailleurs l’assentiment à la loi dépasse de beaucoup les clivages partisans.
27/03/2015 at 15:47 alphonse
Une législation « normale » sur l’EUthanasie, avec le don d’organes prévu dans les déclarations de fin de vie et de non acharnement thérapeutique, permettrait d’augmenter le nombre d’accords explicites pour ces dons…
La France attend-elle d’avoir bu toute honte à ce propos?
La sédation profonde n’est pas une thérapie, mais plus que probablement de la torture.
30/03/2015 at 16:47 abc
Le plaidoyer sur les bienfaits qu’apporterait le libre accès aux greffons est scientifiquement et médicalement implacable mais la science et l’une de ses sous branches, la médecine, n’a pas à tout régler dans une société. Il existe d’autres contraintes, d’autres données dont il faut tenir compte.
Le corps humain est hors commerce et nul ne peut en disposer comme il le souhaite. Il n’appartient pas à la famille du défunt pas plus qu’à la société dans laquelle vivait celui-ci. Le corps sans vie appartient à une entité qui s’appelle mémoire ; mémoire de celui ou celle qui n’est plus, et celle-ci est sacrée.
Que chacun dise de son vivant ce qu’il souhaite ; que des campagnes de communication incitent à faire dons de ses organes post-mortem, mais que nul ne décide d’emblée, a priori.
Si telle ou telle personne est favorable au legs de son corps, qu’elle n’en fasse pas une obligation pour les autres. Convaincre, oui ; imposer, non.
Poussière tu étais, poussière tu deviendras. Si je souhaite déroger à cette règle, seuls les médecins le sauront le moment venu.
Prétentieux je suis de ne pas être un magasin de pièces détachées. Du moins, j’ai le droit de le faire accroire sans que nul ne sache la vérité de mon choix.
Question de philosophie, de condition humaine.
22/04/2015 at 15:06 Marc Loraison
Bien qu’ayant moi aussi des réserves sur votre amendement (qui ne relèvent pas de la raison je le reconnais) je ne supporte pas le terme de « nationalisation des corps » qui a été utilisé sur LCI lors de votre débat en face de lui.
L’Etat ne met pas des organes au frigidaire pour les vendre au plus offrant comme ce terme le laisse vaguement présupposer ! Au contraire les greffes (et donc les prélèvements) supposent un investissement humain et financier considérable dont nous devons nous réjouir.