Rangs de salades et lampions de fête à neuneu
Dominique Santagne, président du port autonome, me faisait remarquer hier que ce n’est pas Bordeaux qui a été classé au patrimoine mondial mais « Bordeaux, port de la lune ». Tout est dit, et en particulier notre obligation d’oeuvrer pour la conservation et pour l’avenir de ce site.
Modeste aspect de cet engagement : la décoration des quais. On ne aujourd’hui peut qu’être affligés par les dernières acquisitions des urbanistes, parisiens sans doute, qui font leurs armes sur nos quais. Les lampions de fête à neuneu qu’ils viennent d’y installer distillent à travers la passoire de grandes boites de conserves métalliques des lumières alternativement mauvasses et verdâtres, sans rime ni raison que de détruire la belle harmonie de l’illumination des façades. Abracadabrantesque, dirait Chirac si quelconque avait encore envie de demander son avis.
Ceci pour la nuit. Le jour n’est guère meilleur : les rangs de salade qui sont supposés verdir les quais sont parfaitement incongrus dans cet espace fait pour accueillir des bateaux, ou au moins parler d’eux même quand il n’y en a guère. Quel crâne d’oeuf a fait ce choix jardinier dans un site fait pour évoquer l’aventure et le grand large ?
Je fais au contraire amende honorable concernant le « miroir d’eau » qu’un de mes amis appelait avant sa réalisation « la flaque à moustiques » . Il ne sert en rien de miroir tant la foule s’y presse et en mouvemente la surface. Les enfants courrent, les chiens jouent et s’ébrouent, les bordelais s’étendent nonchalamment sur son pourtour. Tout cela n’est peut-être pas follement hygiénique, mais c’est un lieu de bonheur et de détente, détourné de son objet et finalement très réussi.
Pour les rangs de tomate et les lampions, j’aurai beaucoup plus de mal à me laisser convaincre.
Comments 12 commentaires
04/08/2007 at 16:41 Kikitou
Le succès du miroir d’eau montre le manque énorme d’équipements de loisirs à Bordeaux alors que l’attente des bordelais est importante en la matière.
Ce lieu est un bel exemple que l’on peut équiper la ville sans avoir à dépenser des fortunes dans des équipements qui ne durent que quelques semaines.
Espèrons que nos futurs dirigeants municipaux (oui, oui, les socialistes !) y penseront.
04/08/2007 at 16:52 Jean-François
S’il y un ou plusieurs dieux que ceux-ci nous attendent … Dans un mois nous seront à l’aube d’une campagne municipale dès plus passionnante mais aussi des plus dures. La "mère des batailles" comme une expression d’un de nos élus … La victoire de Michèle était déjà presque le graal, gagner le Palais Rohan en serait l’apogée
04/08/2007 at 17:12 Morgan
nous n’échappons pas à la pipolisation de la vie politique… Voilà que Michele a un légionnaire !
voir pour plus de détails :
http://www.sudouest.com/040807/r...
05/08/2007 at 10:55 michele
Hier, devant ma permanence, trois personnes se sont approchées pour me dire un peu ce qu’exprime les dernières lignes de mon billet. Aucune de ces trois personnes ne prenait les moindres vacances, faute d’argent. Ils m’ont parlé de celles de Sarkozy : "qu’il prenne des vacances, ça se comprend, mais pourquoi cet étalage du prix de la maison, est-ce pour narguer ?" . Ils en sont venus aux infirmières et à Cecilia, à la menace de la franchise… Leur analyse était posée, juste. Je pense que beaucoup la feront à la rentrée.
10/08/2007 at 15:14 denise Saint-jean
Il n’y a plus d’espaces verts à Bordeaux, plus de pelouses… On a le miroir d’eau pour écarter les orteils. ça leur apprendra, les quais sont à nous !
Le tout minéral règne en maître, imposé par ces crânes chauves, je crois en effet, venus d’une autre planète mentale. L’extraction des pavés 18è siècle sur les quais de Bordeaux est une mutilation irréversible de notre géographie historique. Je la croyais impensable mais le crime a été quand même accompli. Quelle rage ! Une vraie déchirure au ventre m’a blessée à jamais car c’est tout mon paysage d’évasion dans cet espace portuaire qui est anéanti et mon imaginaire est alors asphixié par la colonisation des concepts prétentieux de quelques urbanistes qui marchent à côtés de leurs pompes.
11/08/2007 at 18:04 Colette
C’est un point de vue, Michèle, et cette fois je ne partage pas votre regard sur le projet urbanistique et paysager des quais, que je crois assez réussis, jusqu’aux luminaires. Bien sûr, je regrette le temps du port, que j’ai peu connu, et je souhaite que des navires continuent à accoster sur le port de la lune. C’est cela qui fait vraiment rêver : voir des bateaux évocateurs de mondes lointains, de voyages, de transports qui prennent du temps. Et que des touristes découvrent ainsi Bordeaux, en arrivant par le fleuve. Cela doit être inoubliable. Je regrette de n’avoir jamais vu, et de ne pas pouvoir espérer voir, comme ce fût jadis le cas, jusqu’à 400 bateaux de tous types ( à voiles, godille, rames) dans le port. Je fais toujours une longue pose devant ce grand tableau exposé au musée des beaux arts et qui représente cela, au tout début du XIXème siècle. Mais cette vision, transfigurée par les grandes interventions du siècle précédent, n’était déjà plus du tout celle du moyen-âge, ce que l’on oublie. L’activité commerciale portuaire ayant de nos jours en grande partie disparu de Bordeaux , il fallait que la ville et ses habitants , ses passants résidents ou non puissent se réapproprier autrement les quais. Autrement, pour la promenade et le bien-être, dans le cadre d’ un projet contemporain. Pourquoi pas ? L’époque de Tourny et des Gabriel (qui n’étaient pas des bordelais) glorieuse et reconnue par le temps, s’est permis bien plus de liberté, de prétention et de dirigisme. Pour le coup, Denise, je ne trouve pas le concept actuel des quais prétentieux, mais assez sobre quoique ambitieux dans sa contemporanéité. Les promeneurs ne le boudent pas, et le lien est retrouvé avec le fleuve !
Notre époque aime fustiger, par principe, les architectes et autres concepteurs de la ville, urbanistes, paysagistes. C’est un peu systématique et facile, souvent gratuit, n’est que résistance au changement. Mais beaucoup s’accordent pour préférer malgré tout certains des nouveaux espaces, dont les quais. Je comprends cependant que vous ayez du mal à faire le deuil du port de votre enfance (?) mais ce port-là est fermé à jamais. Et le quai qui renaît, évidemment différent, après une longue période de latence, et des débuts difficiles, me semble donner une assez bonne image du Bordeaux nouveau, du moins en terme de paysage. Qui reviendrait au look des quais et de l’autoroute urbain qui les longeait il n’y a pas dix ans ?
Quant aux pavés, oui, bien sûr, je les pleure comme vous… Mais vous savez qu’on exige maintenant des voiries propres, tout en jetant des déchets qui salissent en permanence. Par ailleurs, si votre belle-mère tombe en se prenant le pied dans des pavés disjoints, ou sur un papier gras, vos déposerez peut-être une plainte contre la mairie ou la C.U.B. Handicapé en chaise roulante, vous demanderez à accéder facilement à l’espace public. Le public veut tout à la fois, et ce n’est pas possible. Alors que fait dans ce cas n’importe quelle collectivité ? Elle aplanit les sols, les rend facile à rouler, faciles à nettoyer avec les engins motorisés modernes… C’est le prix à payer pour répondre aux demandes actuelles. Il est très cher, effectivement.
13/08/2007 at 22:21 Marc
Je me permets deux réactions:
– à Colette, tout d’abord, concernant les pavés, il est possible de rénover des espaces pavés en posant des pavés retaillés (les mêmes, ou ceux d’un autre espace de Bordeaux).
Moins onéreux que les surfaces modernes, cela résout les problèmes d’inconfort ou d’insécurité et conserve l’identité 18è siècle.
Pour finir, la durée de vie des pavés et nettement supérieur aux revêtements modernes et beaucoup plus facile à entretenir.
– Bordeaux, Port de la Lune, j’espère que le projet de tunnel viendra remplacer le projet de pont qui fermerai définitivement notre port…
PS: sur les pavés, que deviennent les pavés arrachés, à une époque, ils étaient vendu à bas prix à des amis pour les cours des propriétés dans le Médoc…
13/08/2007 at 22:21 Marc
Je me permets deux réactions:
– à Colette, tout d’abord, concernant les pavés, il est possible de rénover des espaces pavés en posant des pavés retaillés (les mêmes, ou ceux d’un autre espace de Bordeaux).
Moins onéreux que les surfaces modernes, cela résout les problèmes d’inconfort ou d’insécurité et conserve l’identité 18è siècle.
Pour finir, la durée de vie des pavés et nettement supérieur aux revêtements modernes et beaucoup plus facile à entretenir.
– Bordeaux, Port de la Lune, j’espère que le projet de tunnel viendra remplacer le projet de pont qui fermerai définitivement notre port…
PS: sur les pavés, que deviennent les pavés arrachés, à une époque, ils étaient vendu à bas prix à des amis pour les cours des propriétés dans le Médoc…
14/08/2007 at 00:38 claude
Désolé Michelle, moi j’aime les luminaires des quais, et les plantations, salades, graminées , fleurs et autres. Un regret que les bancs ne soient pas à l’ombre, la plantation d’arbres est peut être prévue à l’automne .
14/08/2007 at 11:40 Lucas Clermont
Évidemment, je préférais avant. Quand il n’y avait personne sur les rives du fleuve. C’était un de ces lieux urbains abandonnés, où se libérer de la foule à toute heure du jour et jouir du spectacle sans cesse renouvelé de la Garonne. La poésie interlope des lieux urbains abandonnés.
Aujourd’hui les Bordelais semblent s’être appropriés les rives du fleuve. Je ne suis pas certain qu’il soit prudent de dénigrer des aspects de l’aménagement des berges. C’est risquer de passer pour quelqu’un de négatif tout en mettant en relief un succès (perçu comme tel) d’Alain Juppé.
Puisqu’il s’agit des élections municipales, une remarque évidente à propos de Godot que semblent attendre les Socialistes bordelais : Godot ne viendra pas ! Bonne chance !
15/08/2007 at 12:29 Colette
à Marc,
C’est aussi aux pavés retaillés que je faisais allusion : un pavé retaillé, bien net, bien lisse au-dessus, bien lifté, cela n’est pas, n’est plus vraiment le sol en pavés dont l’irrégularité fait le charme. La différence d’aspect est très nette, allez voir place de la Bourse, les deux ont été faits pour les raisons données. Le pavé scié est un intermédiaire possible, la moins mauvaise solution sans doute, mais il ne faut pas dire qu’il conserve l’identité du XVIIIème siècle, ce n’est pas vrai.
"Y’a pas photo", ou plutôt si, il est plaisant de faire une photo des rues ayant conservé leurs anciens pavés, à lumière rasante, pour justement jouer avec les bossages, les ombres, les jeux de couleurs.
Les pavés sciés, avec joints bien nets, permettent une marche plus sûre, un roulement plus facile, et le nettoyage aisé. Encore une fois, on ne peut tout avoir.
Pas trop de fantasmes sur les pavés vendus (par qui ?) aux amis : certains ont été entreposés pendant des années sans que (la CUB je crois) ne sache qu’en faire. On en retrouve, cherchez bien , sur des espaces publics secondaires : J’ai souri en en voyant, non sciés, fidèles à eux-mêmes, presque dans leur jus, sur des espaces tout neufs comme le centre commercial de la rive d’Arcins, en esplanade de café, ou pour former le léger trottoir qui entoure le cœur de ronds points, là où personne ne met les pieds ! Tout ça est un peu absurde, mais c’est comme ça. A tout prendre, il est préférable de les voir à un moment donné dans un autre grand espace que pour encadrer des parterres de jardins de banlieue où ils sont hors d’échelle et un peu pitoyables !
Oui, la durée de vie d’un pavé en pierre est très, très, très longue : quelques siècles, au bas mot. Le rapport coût de réalisation /durée de vie est donc excellent. C’est du développement durable façon monsieur Jourdain. Si nous étions beaucoup plus nombreux à accepter les défauts inhérents aux vrais pavés posés de manière traditionnelle, la gestion des sols serait autre.
15/08/2007 at 12:32 Colette
à Claude
je ne veux pas me faire l’avocat des intervenants mais quand même : "avant" il n’y avait pas d’arbre sur les quais, et peu se promenaient sur les berges de la Garonne. Il existe bien un programme de plantations arbustives en cours… Laissez leur le temps de grandir ! Soyons honnêtes : lorsqu’une mairie, quelle qu’elle soit, plante un arbre déjà grand et donc coûteux (c’est arrivé cours de l’Intendance, et, plus anciennement, place Saint Projet) tout le monde crie haro sur les dépenses publiques ! Et les quais sont quand même un ruban assez long à traiter !