Service civique : Intervention dans l’Hémicycle, le 4 février 2010
Je me réjouis aujourd’hui que le texte qui vient à notre examen soit issu d’une proposition de loi de la gauche et je crois que ce point mérite d’être souligné
Ce projet correspond à une véritable nécessité, après la suppression irréfléchie du service national en 2007, et la très insuffisante réussite du service civil, ne comptant que 3000 jeunes engagés alors que l’Allemagne en réunit 200 000.
Nous ferons de cette nécessité une authentique avancée à trois conditions :
Information et explication suffisante de la nature et des enjeux du service civique
Valorisation et en particulier valorisation universitaire
Statut européen
1- Le service civil a souffert d’un réel déficit d’information et de visibilité, de la lourdeur et de l’opacité des procédures, aussi bien pour les volontaires que pour les structures d’accueil.__
De nombreux jeunes – je pense notamment aux jeunes de quartiers fragilisés comme le Grand Parc à Bordeaux – passent à côté d’une opportunité et d’une aventure personnelle qui peut être, sinon déterminante, du moins un bon tremplin pour la suite de leur vie citoyenne, sociale et professionnelle.
Aujourd’hui il ne s’agit donc pas simplement de faire, Monsieur le Haut Commissaire, mais de faire savoir. Pas aux médias, aux jeunes concernés.
Pour cela il faut compter sur le vecteur précieux que constituent les associations agréées d’éducation populaire. Je pense à toutes les antennes de la Jeunesse Ouvrière, d’Unis-cité bien entendu, aux MJC et au CNAJEP qui les rassemble. Or les dernières lois de finances n’ont pas démontré un soutien suffisant de l’Etat aux politiques de jeunesse et d’éducation populaire, pratiquant au contraire l’amputation de 15 % en 2009 des crédits dédiés aux conventions avec les associations de jeunesse et d’éducation populaire. La mise en oeuvre du service civique va nécessiter un sérieux changement d’orientation.
Expliquer la nature et les enjeux du service civique, bien montrer qu’il ne s’agit en aucun cas d’un emploi au rabais mais bien d’un service et d’un service civique – et pas seulement civil – destiné à réaffirmer dans la pratique les valeurs républicaines de solidarité et de partage. C’est déjà le sens qu’ont su donner de nombreux volontaires à leurs projets au niveau local : Unis-cité à Bordeaux a ainsi mobilisé 24 volontaires sur un projet nommé « Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et lien intergénérationnel » que j’ai choisi de parraîner au sein de 3 maisons de retraites.
2- Pour toucher un public aussi large que possible, il faudra aussi garantir à chaque jeune, indépendamment de son niveau de diplôme, la valorisation de cette expérience sur son parcours. Nous sommes dans un système compétitif, donnons aux jeunes des armes d’un nouveau genre : cela valorisera leur carrière, cela valorisera surtout le sens d’un engagement civique.
Depuis début janvier, les étudiants de l’Ecole de management de Bordeaux peuvent effectuer un service civique de 6 à 9 mois, pris en compte dans leur scolarité. Un accord a été signé avec l’association Unis-Cité. Suivis par un tuteur, les volontaires participent à un projet de lutte contre l’exclusion, les discriminations, à une mission de solidarité entre générations ou de protection de l’environnement. Voilà un bon exemple. La solidarité est désormais pour eux à tous les sens du terme une unité de valeur.
Certaines universités ou écoles sont néanmoins frileuses. Souvent l’université, au delà de blocages psychologiques, n’a pas les moyens nécessaires de vérifier si l’intervention du jeune volontaire est sérieuse et si elle peut faire l’objet d’une valorisation sur le cursus. La question des moyens alloués par l’Etat aux Universités pour qu’elles puissent le faire et intégrer en pleine confiance le dispositif se pose maintenant plus que jamais.
Valoriser le service civique en allant à la rencontre des écoles comme vous le faîtes, Monsieur le Haut-Commissaire, est une bonne chose, mais il ne faudrait pas, là encore, que les universités soient laissées sur le bas côté. Le futur « service learning », déjà expérimenté à l’Essec et consistant à faire du service civique un outil d’enseignement avec une partie cours et une partie pratique, ne doit pas rester le privilège des seules écoles privées ou semi-privées.
Quels moyens serez-vous prêts à consacrer à la mise en oeuvre sur l’ensemble des campus universitaires du service civique ?
3 – Donner du corps à la dimension européenne du service civique
Là subsiste une réelle faiblesse du système que vous nous proposez
L’exposé des motifs mentionne la dimension européenne que pourrait avoir le service civique mais cette intention ne se traduit par aucune proposition concrète dans le texte. Nous pourrions pourtant aisément nous inspirer de modèles mis en place dans d’autres pays européens et qui sont des modèles de réussite. Le service volontaire italien par exemple parvient à mélanger des jeunes de toutes classes sociales : il serait pertinent de travailler avec leurs équipes.
Il faudrait également penser à créer un statut européen pour le service civique, qui permettrait une plus grande mobilité pour chaque jeune, quel que soit sa formation : la réussite des programmes tels que les double-cursus, Erasmus, Leonardo, les VIE et les VIA doit nous y inciter. Cet aspect ne peut être oublié par le service civique au risque d’en faire un projet figé à l’heure où nous souhaitons favoriser la montée d’une citoyenneté européenne, la maîtrise des langues et la connaissance des cultures étrangères.
Alors que Bordeaux est une métropole connue de nos partenaires européens, il est impensable qu’en dehors d’un cursus Bac+5 à l’IEP ou en école de management, les jeunes Bordelais ne puissent avoir l’opportunité de partir et d’acquérir une expérience à l’étranger s’ils n’ont pas les moyens financiers individuels de le faire.
Il faut offrir aux structures d’accueil l’opportunité de développer des partenariats internationaux et de proposer des projets d’intérêt public européen mais aussi élargis à la coopération décentralisée.
Ce projet de service civique, c’est avant tout l’opportunité de renforcer la cohésion sociale via l’engagement, de donner plus de corps à nos échanges européens, et par là même plus de chair et d’âme à la citoyenneté de demain : saisissons comme il se doit cette occasion.