Pour une société post-générationnelle
Nous nous enfonçons de manière très curieuse dans une culture de l’absurdité, séparant les générations, interdisant aux uns de s’occuper des problèmes des autres alors que les âges n’ont jamais été aussi proches et interdépendants.
Proches en effet. Les jeunes accèdent aujourd’hui beaucoup plus tôt à la sexualité, à l’information et aux connaissances de tous ordres. Ils ont les désirs et les besoins des adultes, un mode de vie souvent proche, beaucoup plus proche en tout cas qu’il y a 40 ou 50 ans où, jusqu’à la majorité et même au delà, régnait le « à ton âge, ça ne se fait pas ».
Les vieux ont rajeuni et continuent régulièrement de gagner en état de santé, capacité de participer à la vie sociale et sont de plus en plus « branchés » sur les mêmes modes d’information que leurs enfants et petits enfants. Mille exemples pourraient illustrer ce rapprochement des capacités et des possibillités entre les générations.
Et pourtant n’a-t-on pas entendu, sur les bancs de l’ump à l’Assemblée et dans nombre de médias les plus grognons s’offusquer que les jeunes descendent dans la rue pour manifester leur opposition à la réforme des retraites. Ce sont eux, non les groupes politiques, qui ont eu l’initiative d’un collectif « la retraite, une affaire de jeunes » et, même si elle leur parait éloignée, ils ont perçu qu’elle les concernait au premier chef puisqu’elle décide de la part du travail dans la durée de la vie et qu’elle pose la question de l’interdépendance et de la solidarité des générations entre elles; Pourquoi n’auraient-ils pas le droit d’y réfléchir au moins autant et sans doute davantage que ceux qui sont déjà en retraite ou le seront bientôt.
C’est à eux de dire quelle part ils comptent prendre de cette solidarité. Mais c’est aussi aux moins jeunes de ne plus réfléchir pour eux-mêmes mais pour ceux qui leur succèdent dans cette curieuse et inquiétante pyramide qui figure l’inéluctable succession des âges.
Le sentiment de l’interdépendance entre les âges est tout le contraire de la séparation entre eux. Je m’inquiète quand les jeunes expriment l’idée qu’ils sont une génération sacrifiée. Elle ne l’est pas davantage que celle des vieux qui s’abîment dans la solitude, bien souvent dans la privation ou en tout cas les maigres moyens alors qu’ils ont travaillé toute une vie. Ce qui est vrai c’est que les jeunes sont les premiers à prendre de plein fouet la paupérisation du monde et en particulier la désindustrialisation de l’Europe qui n’en avait pas l’habitude. Beaucoup de ceux qui ont un emploi le perdent, mais il est certain que la difficulté est maximale pour ceux qui n’en ont pas encore et qui s’inquiètent à juste titre de ce qu’ils vont faire de cette vie qu’il leur reste à construire. Une réalité est pour eux particulièrement difficile à percevoir : le travail n’est pas un gâteau que l’on découpe mais un moteur que l’on nourrit ensemble. Le travail des moins jeunes ne compromet pas l’embauche des plus jeunes, au contraire. Tout le montre, dans tous les pays. Expliquons, rassemblons, n’opposons pas.
Obama s’est voulu la personnalité emblématique d’une société post raciale. Il nous reste à trouver celle qui unira les générations et leur fera prendre la mesure de la continuité entre elles et de l’impossibilité que l’une se sauve sans les autres.
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