La spirale
Où en sommes-nous dans l’échelle de santé sociale dans notre pays ? En voici une appréciation, vécue hier lors d’une rencontre avec les représentants syndicaux de la prison de Gradignan et aujourd’hui avec le directeur d’un de nos hôpitaux.
Les salaires des fonctionnaires sont gelés pour la deuxième année consécutive, uniformément, également, quelque soit le niveau de salaire, et les plus bas ne sont pas exempts d’une mesure qui ne serait concevable qu’au dessus d’un seuil que nous pourrions arbitrairement situer entre une fois et demi et deux fois le smic.
Résultat : on laisse une frange importante de la population complètement démunie devant l’explosion du coût de la vie et la part expansive des charges contraintes (loyer, énergie ..) dans les petits revenus. Démunie et découragée, d’autant qu’elle fait souvent face à une augmentation de sa charge de travail. Un exemple parmi tant : le personnel pénitentiaire. Un gardien de prison gagne en début de carrière 1400 euros, travaille le dimanche ou la nuit suivant les roulements, subit la surpopulation carcérale et la violence qu’elle génère ; et apprend qu’il lui faudra attendre 3 ou 4 ans pour connaître une augmentation qui ne compensera pas celle qu’aurait dû lui apporter la seule revalorisation du point d’indice.
A l’hôpital et dans bien d’autres secteurs, le processus est identique. Il aboutit à une perte de confiance en la valeur de son travail et à une augmentation de l’absentéïsme. Celui-ci est en train de se développer un peu plus encore avec l’élévation du prix de l’essence. Nombreux sont les salariés qui sont obligés d’utiliser leur véhicule pour se rendre à leur travail. Chaque jour d’absentéïsme représente pour eux une économie sur les dépenses de carburant et le petit absentéïsme (un, deux ou trois jours) devient ainsi un recours pour dépenser moins.
Un autre phénomène monte en puissance : le petit métier parallèle. Ceux qui savent ne pas pouvoir boucler la fin du mois avec leur salaire cherchent à le compléter. Travail de nuit dans une clinique pour cette aide-soignante employée à l’hôpital, remplacement « au pied levé » ici ou là, gardes de malades à domicile au noir… Double travail qui génère de la fatigue et augmente l’absentéïsme, fait basculer les équilibres des équipes puisque les capacités de remplacement diminuent du fait des réductions d’éffectifs.
Au total, le service public souffre, fonctionne de moins en moins bien, génère le mécontentement des usagers et la dépréciation de la notion même de service public, comme celle des fonctionnaires eux-mêmes.
Double travail, secteur parallèle, fonction publique mal payée, au ralenti, dysfonctionnante, où l’on reste parce qu’elle fournit un revenu de base et une certaine sécurité…Sommes-nous très loin de l’Europe de l’Est, il y a trente ans ?
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