Veillée d’armes
Un « tweet » -ces courts messages de moins de 140 signes- vient d’être déposé sur la toile par l’ancienne Ministre, Corinne Lepage : « Ce 14 aout ressemble à une veillée d’armes, au propre comme au figuré ».
Il m’a frappé. Obscurément, ce sentiment étrange mêlant attente et crainte parait en effet planer au dessus de nos villes, encore très vides comme de nos villégiatures dont le temps incertain brouille la décontraction vacancière. Autour de moi, nul cri d’enfant entrant dans l’eau, nulle joyeuse conversation, un petit brouhaha confus et déjà lointain, des portes battant au vent. Une aile grise est passée sur l’été.
Les armes pourtant n’ont pas cessé un seul jour. Déflagration d’Utoya sur une Ile et dans un pays paisibles, grand branle-bas financier où l’euro et l’Europe ont risqué gros, émeutes de Londres, famine de Somalie, suite des morts d’Afghanistan (le 74ème presque à l’instant).. Et tout ce que nous ne savons que très peu comme l’état du front et de nos forces en Libye dont le retour au bercail pour 6 mois du Charles de Gaulle donne malheureusement idée.
L’inquiétude vient de ce que rien de tout cela n’apparait résolu. Ce sont une suite d’alertes sur des fronts qui continuent à couver. A aucun moment dans ces quelques semaines notre gouvernement n’a paru en prendre la mesure.
Tuerie d’Utoya, sous le feu d’un extrémiste de droite ? Réponse de Guéant : vous allez voir ce que vous allez voir … Nous atteindrons cette année un « record historique de reconduites à la frontière ». Mais de qui se moque-t-on ? A-t-on entendu UN mot pour dire qu’on ne supporterait plus, sur un site ou dans un discours, la moindre incitation à la haine raciale, à l’exclusion relligieuse ou la stigmatisation ? A Bordeaux, a-t-on interrogé la Justice pour savoir où nous en étions de l’enquête ouverte après les révélations d’agissements et de propos hautement condamnables dans le voisinage de St Eloi ?
Non. La « fachosphère », qui revendique 55 000 lecteurs « ré-informés », continuera son train ; silence et tolérance entoureront comme précédemment les dérives éducatives d’établissements hors contrat que nous avons dénoncées dans un rapport parlementaire.
Délires boursiers ayant englouti des milliards d’euros ? La réponse de Sarkozy, la seule qu’on ait entendue, a été « je recevrai la chancelière allemande à l’Elysée ». Tout juste s’il n’a pas dit « j’ai convoqué ». Pas de chance : le rendez-vous était prévu de longue date et la chancelière a apprécié comme il se devait.
J’oubliais, deux faits essentiels devant lesquels l’Europe tremble : Sarkozy a eu l’initiative de deux réunions. L’une, d’une dizaine de sexagénaires tous masculins dont le plus saillant est Etienne Mougeotte, dont il veut faire son brain-trust. L’autre, d’une poignée de ses ministres dont la seule conclusion a été : nous prendrons à la rentrée les mesures qui s’imposent. Quelles mesures ?
Renoncerons-nous à défiscaliser les heures supplémentaires (4 milliards d’euros perdus pour un résultat économique nul) ? Reviendrons-nous sur la TVA à 5,5% pour les restaurateurs (même coût, même effet) ? Abandonnerons-nous la loi Scellier qui fait construire des logements qui restent vides car ils ne correspondent pas au budget des ménages ? Il n’y a que le choix des cadeaux qui ont creusé la dette. Mais non, il n’a été question que de la « règle d’or »… qui s’appliquera après 2013 !
Alors, au moins avons-nous été à la hauteur pour l’Afrique de l’est ? Sans aucun doute, avez vous entendu le Ministre des Affaires étrangères annoncer des mesures particulières pour la petite Somalie, si gravement menacée autant par la famine que par les rebelles ? Que nenni ! Pas un mot et un tout petit million d’euros.
Un million d’euros ? Est-ce que cela ne rappelle pas quelque chose ? C’est le coût d’une journée d’ « action humanitaire » en Libye.
Nous en avons si gros sur le coeur que même dans un jour presque paisible comme aujourd’hui le moindre jeu de nuages dans le ciel parait dessiner les risques des semaines et des mois à venir.
Veillée d’armes ? Il ne faut pas le souhaiter. Veillée de larmes ? On ne peut l’écarter.
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