Les Français ne sont pas un camembert que l’on découpe
Non, les Français ne sont pas des sections de camembert que l’on peint en couleurs différentes pour les distinguer, les diviser ou démontrer leur importance relative.
Les Français sont, comme la République elle-même : uns et indivisibles.
« Indivisibles » est pour autant une qualité fragile et, pendant 5 années, le Président de la République et son gouvernement ont fait leur possible pour le démontrer. Incapables de présider une France unie, ils ont usé et abusé de l’éternel précepte : « diviser pour règner ». Pas grandiose. Et la campagne électorale, avec sa succession de boucs émissaires, en montre aujourd’hui les fruits.
Il y a dans la constitution de notre pays une formulation ancienne qui interdit de définir des « sections de peuple ». Ces simples mots ont soulevé beaucoup de problèmes et imposé une révision constitutionnelle quand il s’est agi d’instituer la loi sur la parité. Il ne pouvait être question de favoriser une « section » entre hommes et femmes.
Au moment où cette constituion a été rédigée, les camemberts qui illustrent aujourd’hui le moindre exposé, le moindre article de fond, pour définir des groupes et donner à voir leur part respective, étaient d’un usage beaucoup plus réduit. A preuve que le vocabulaire peut s’actualiser sans le savoir : les Français ne sont pas davantage des sections de camembert que des sections de peuple.
Immigrés ou de souche, jeunes ou seniors, actifs ou chômeurs, la perméabilité est grande entre les groupes et l’unité supérieure à la division. Un exemple très concret : parmi les Français vivant sous le seuil de pauvreté, 80 % n’habitent pas dans les zones urbaines sensibles. Nous en avons la démonstration à Bordeaux : 25% de Bordelais sous le seuil de pauvreté et pas ou presque de zones urbaines sensibles (ZUS). De tous, il y a partout.
Le peuple est plus grand que les parts qui le composent. Un des enjeux majeurs d’une élection présidentielle devrait être de le lui rendre perceptible et de lui faire percevoir et partager son destin collectif.
C’est ce qu’Hollande exprime avec « le rêve français »; Je n’étais pas fanatique de la formule. « Rêve » signifie pour moi « ce qui n’est pas réalité » et le rêve français depuis des décennies et même des siècles existe bien et a mobilisé tant de nos parents et aïeux. Pour autant, je me suis ralliée : « rêve » beaucoup mieux qu’ « objectif » , « projet » ou « ambition », rend compte de la part d’espérance indispensable à la conception et à la construction d’un destin collectif.
Personne ne se sauvera seul. Ni ceux qui gagnent plus d’un million d’euros par an, ni les 10% qui possèdent 50 % du patrimoine de la France, ni aucun des autres. Les premiers ont le droit de concevoir, que dans une période de difficultés extrèmes, gagner en un an ce qu’un smicard obtiendrait en 2 vies, est indécent. Aux autres, il n’est pas interdit de comprendre que la réussite des uns peut constituer un moteur pour celle des autres.
Ce n’est pas un scoop : nous n’avons chacun qu’une seule vie et elle dépend bien davantage des autres que de nous mêmes. Maladie, épreuve professionnelle, simple accident de voiture, tout, chaque jour nous le rappelle.
Trop pourtant, nous le fait oublier et je crois que ce grand moment de la politique qu’est une campagne présidentielle est d’abord un rendez-vous avec ce destin collectif.
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