Non, le vin n’est pas un produit comme les autres parce qu’il est un produit culturel et son usage en quantité modérée n’est pas addictif, ni véritablement toxique. Quand il est bu de manière conviviale et, je le répète, en quantité modérée et de préférence occasionnelle, il est un vecteur de lien social, de culture et de plaisir partagés. A ce titre, il a un caractère bénéfique sur les fonctions cognitives. Loin d’être un(e) ayatollah de la santé, je suis -le concernant- d’une libéralité très grande, jusqu’à avoir suscité dans le temps de mon ministère des dégustations de vin (Bordeaux contre Bourgogne) dans un milieu de grands âgés. En tant que Bordelaise, je suis fière que le nom de ma ville soit mondialement connu à cause de son vin et que ce produit né des siècles précédents et toujours « élevé » avec le plus grand soin, soit à l’origine d’une vraie culture et de belles traditions.
Mais.. Il n’a échappé à personne que nous sommes dans une société marchande et bien souvent vénale. Des prédécesseurs courageux ont mis en place des lois et des règlements pour que ce produit d’exception ne soit ni banalisé -sur aucun plan- ni dévié. Si nous introduisons des failles supplémentaires dans ce corpus législatif, nous ouvrons grande la porte aux pressions, aux intérêts territoriaux et aux lobbies ; ceux qui profiteront de ces failles ne seront pas les viticulteurs, moins encore les petits viticulteurs, mais les alcooliers, les grands brasseurs et les cigarettiers.
En voulant définir ce qui est publicité ou information, nous facilitons la tâche aux tricheurs. Deux groupes d’exemples. Les uns concernant l’alcool, les autres dans un domaine différent, mais relevant des mêmes textes : le tabac.
Quand on écrira : « La bière de Munich (ou tout autre territoire) est fabriquée à partir de houblon bio, garanti sans pesticides, ni colorant », est-ce de l’information ou de la publicité ? « Le pinot noir d’Ottrot est le seul à bénéficier d’un ensoleillement de x jours par an, seul à pousser exclusivement sur des collines exposées en plein sud et à être vendangé exclusivement à la main ». Publicité ou simple information ?
Même chose pour les cigarettiers, puisque le tabac relève des mêmes textes. Après l’ineptie de la « cigarette bio », élevée sous la mère, pure nicotine sans OGM, le cigare roulé à la main par d’accortes cubaines, qu’inventeront-ils ? Qu’inventent déjà les cigarettiers qui s’emparent du marché de la cigarette électronique car ils savent qu’inéluctablement la consommation de tabac va baisser et qu’ils doivent équilibrer autrement leurs revenus colossaux ? Oui, la cigarette électronique aide à sortir du tabac mais elle peut être aussi un vecteur d’agents addictifs, et je crains que la grosse pression qui est faite en ce moment pour la « tape » n’en soit le témoin.
Non, l’amendement « César » n’apporte ni simplification, ni clarté. Il suffit d’ailleurs de le lire : l’exposé des motifs est incompréhensible d’un Pékin moyen, or « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », comme ce qui se conçoit dans un but de clarté. Il n’empêchera ni les recours, ni les contestations, mais ouvrira la porte aux pressions, aux stratégies de contournement et aux lobbies.
Mon expérience de la lutte contre les cigarettiers me démontre la faiblesse des lois relativement aux tanks Sherman des multi-nationales. Le moment n’est pas d’affaiblir la loi Evin, loi de santé publique structurante, mais de s’assurer de son application en multipliant contrôles et sanctions. Pour la première fois depuis le vote de la loi Evin, j’ai vu ce mois-ci des mannequins posant pour Saint-Laurent dans un magazine féminin avec une cigarette à la main. Sans doute demain, cela deviendra-t-il de l’ « information ».
L’amendement César a été voté hier en commission mixte paritaire. Comme il a été voté conforme à la version du Sénat, il ne devrait pas revenir en séance. Sauf si..
Pour ma part, députée de Bordeaux, fière de ma ville et de ma région, je n’aurai jamais deux positions, l’une pour le vin (c’est à dire l’alcool car les deux ne peuvent en droit être dissociés), l’autre pour le tabac, bien que le degré de dangerosité du premier soit moindre et surtout différent. Le seul lobby qui me décide est celui de la santé et de la lutte contre les maladies comportementales (addictions, troubles du comportement alimentaires..) qui sont en train de mettre en péril notre système de santé.