Le 13 avril, le Maire de Bordeaux a fait voter en Conseil municipal une augmentation des impôts locaux (taxe d’habitation et taxe foncière) de 5%.
Cette décision n’est pas justifiée. Alain Juppé prend le prétexte de la baisse des dotations de l’Etat. Le Gouvernement prévoit, on le sait, 50 milliards d’euros d’économies entre 2015 et 2017 ce qui représente 4 % de l’ensemble de nos dépenses collectives. La dépense publique locale représente quant à elle un peu plus de 21 % de la dépense publique globale. C’est en référence à ce pourcentage que le Gouvernement a calculé l’effort des collectivités (11 milliards d’euros en 3 ans soit 3,6 milliards par an.
Ce chiffre est à mettre en relation avec l’ensemble de la dotation globale aux collectivités (36,5 milliards) dont il représente 10%.
Dix pour cent d’une masse totale de 21% amènent à la conclusion simple que toute augmentation des impôts locaux supérieure à 2 % ne peut être justifiée par la baisse des dotations. Je sais, c’est compliqué, mais les bons comptes font les bons contribuables à défaut de faire les bons Maires.
En reportant -et bien au delà- la charge de cette baisse de dotation sur les Bordelais -lesquels ont déjà été invités à participer à l’effort général par le biais de l’impôt national- le Maire exonère sa collectivité de tout effort pour au contrarie faire assumer deux fois par les contribuables, selon le principe de la double peine. Notons à propos de cette exonération d’effort que le budget municipal de fonctionnement augmente, le contraire de ce qu’imposerait la période que nous traversons.
Cette décision est également injuste : les Bordelais sont déjà largement imposés localement. Bordeaux est une ville chère par les montants des loyers et des prix de l’immobilier et cela n’est pas sans incidence sur le montant de la taxe d’habitation et de la taxe foncière puisque c’est, en fonction du marché que l’administration fiscale fixe la valeur locative de chaque bien, loyer théorique annuel. A Bordeaux, la valeur locative est très élevée (en moyenne 3 563 euros alors qu’elle n’est que de 3 098 euros à Toulouse, 3 051 euros à Nantes, 2 966 à Marseille et seulement 1 927 à Lille). Ainsi, selon les taux applicables, la valeur locative et malgré les abattements, le niveau de la taxe d’habitation moyenne situe Bordeaux en 3ème position des villes les plus imposées de France soit 696 euros (660 à Nantes, 634 à Lyon, 626 à Montpellier et 484 à Toulouse).
La Ville de Bordeaux ne peut pour autant s’enorgueillir de services publics de qualité. Les Bordelais sont en effet obligés de subir le manque de logements sociaux, de places en crèche ou encore de piscines et l’abandon de projets pourtant annoncés comme prioritaires lors de la dernière campagne électorale comme la salle des fêtes du Grand Parc, la salle de danse de Ginko, les équipements sportifs de l’ancien marché Victor Hugo. Les habitants sont de plus en plus appelés à payer des services jusqu’alors gratuits comme le stationnement ou l’entrée des collections permanentes dans les musées.
Alors, que financent en réalité ces hausses d’impôts ? des dépenses somptuaires comme le Grand Stade, la Cité municipale ou la Cité des Civilisations et du Vin dont la participation de la Ville vient de passer de 13 à 31 millions d’euros et le mauvais choix général de partenariats publics privés qui grèvent au quotidien le budget global.
Ainsi, en alourdissant la pression fiscale sur les Bordelais, le Maire de la 3ème ville de France où les impôts sont les plus élevés, fait le choix du grand, du majestueux au détriment des services de proximité, du quotidien. Il fait surtout le choix du « fauxculisme » par l’usage d’un faux prétexte (la baisse des dotations) et de mauvais calculs (celui de la hausse qui correspondrait à la perte de dotation si tant est qu’on en acceptait le principe).
Je sais : ce billet n’est pas facile à suivre. Qu’on me pardonne en pensant qu’il n’est pas non plus facile à faire, mais dans ce domaine, il faut être responsable et précis. D’autant que le Maire comme son adjoint aux finances n’hésitent pas à dénoncer le « matraquage fiscal » de notre Gouvernement.