Parce qu’il faut bien que cela commence quelque part
Depuis ma proposition au Maire de Bordeaux d’un lieu à la fois républicain et interconfessionnel, je reçois de nombreux messages, très majoritairement positifs. L’un, issu d’un représentant officiel de la République d’Allemagne, m’apparait d’un intérêt particulier. Qu’il en soit remercié.
A Berlin, l’idée a germé d’un lieu multi et interconfessionnel, réunissant sous un même toit les trois grandes religions du Livre : catholique, juive et musulmane. C’est bien souvent dans cette acception que j’utilise le terme « oecuménisme » dont l’usage le plus fréquent désigne les religions chrétiennes. Et pourtant cette vision élargie a plus de sens au regard des dogmes (révérence au même Dieu) et des textes, le plus récent (le Coran) citant Jesus comme un prophète.
Ce lieu a trouvé un site, un début de financement et surtout une large audience dans cette ville pourtant majoritairement composée de non croyants, mais aussi bien au-delà d’elle. Un site, un profil twitter, de nombreux articles dont l’un très récent dans le Spiegel démontrent l’intérêt porté à cette initiative de concorde, basée sur le principe « ce qui nous unit l’emporte de beaucoup sur ce qui nous divise ». Dans une période où la religion est utilisée comme une arme et/ou comme un instrument politique, concorde et convergence n’ont jamais été aussi nécessaires.
La « House of One » est conçue comme un lieu où coexisteront une église, une synagogue et une mosquée. Les espaces communs, au centre, seront dédiés au dialogue inter-religieux. Les non-croyants seront bien sûr appelés à ces échanges.
J’ai ajouté à ma proposition au Maire de Bordeaux, une dimension républicaine. Le temple désaffecté des Chartrons pourrait être ouvert à ces cérémonies républicaines, funérailles en premier lieu pour ceux qui ont fait le choix d’une cérémonie exempte de tout caractère religieux, mais aussi à des cérémonies bi- ou multi-confessionnelles. On sait par exemple que des mariages bi-confessionnels ont quelquefois des difficultés à trouver un lieu de célébration qui ne fasse se lever aucun sourcil désapprobateur.
Cette dimension laïque a beaucoup de sens dans notre pays dont l’histoire est très différente de celle de l’Allemagne. La laïcité est déclinée très différemment de ce côté ou de l’autre du Rhin. La République allemande elle-même n’est que depuis peu « une et indivisible » dans un pays fait autrefois de principautés, puis coupé en deux et toujours composé de Länder réunis en fédération.
Oui, il faut bien que l’on commence quelque part.. D’abord cette démarche entre les religions. Point question pour autant d’un « theos universel », d’un panthéisme quelconque. Les religions ont une histoire, des traditions, des cultes, un langage et quelquefois des langues d’expression différente, il convient de respecter chacune dans son individualité. L’ « être suprême » n’a jamais rallié les esprits ni les coeurs, ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Oui, il faut que l’on conçoive la laïcité comme séparant radicalement l’Etat des églises, mais comme unissant tous les citoyens, non croyants ou croyants, athées, agnostiques ou religieux, dans une même liberté de conscience et d’expression. C’est cette union qu’il s’agit de manifester, non plus seulement par des paroles mais par des gestes.