7 milliards 200 millions
Un seul chiffre suffit à expliquer que nous entrons dans un monde nouveau ; « que nous sommes entrés » serait d’ailleurs plus juste, et qu’il nous reste à construire ce monde nouveau.
Le chiffre : 7 milliards 200 millions. Plus de 7 milliards d’humains, dont 1 milliard d’âgés, qu’il s’agit de nourrir, de soigner et de faire vivre ensemble.
Deux solutions en effet, et pas trois : qu’ils deviennent plus qu’ils ne sont aujourd’hui nos compagnons de planète, ou une méga-guerre mondiale laissant loin derrière les 60 millions de morts de la précédente. Pour ma part, j’ai choisi, ne serait-ce que par prudence.
Ce n’est pas un choix innocent. Il implique une sacrée révision de nos raisonnements comme de nos comportements. Une exigence de sobriété dans toutes les formes de consommation, une mise en hiérarchie de l’utilité de ce que nous produisons et un petit détail : le rappel -puisqu’il en est encore besoin- que tous les hommes sont égaux en dignité et en droit.
Hier à l’initiative de @Francelibertes s’est tenue à Bordeaux une réunion, je dirais plutôt en échange, entre la Maire de Lampedusa Giusi Paolini et les citoyens du monde que nous devenions à chaque instant davantage. L’échange se faisait par skype, ce qui n’a rien enlevé à la force des mots et du sourire assuré de Mme la Maire. Vingt mille morts identifiés (sans doute bien davantage), ensevelis dans la méditerranée faisant dire que « là se situait l’Auschwitz de ce début de siècle ». Trois cent soixante cercueils sur la plage pour une seule marée lors de la visite du Pape François… Nul besoin d’aligner les chiffres.
L’Italie, ses paysages somptueux (et particulièrement ceux de Lampedusa et d’Agrigente non loin de là), au lieu d’accueillir la beauté et le bonheur doit à son rôle de frontière du sud celui de recevoir ce flux migratoire continu d’exilés de la faim et interpelle non seulement l’Europe mais chaque Européen.
Cette Italie a un passé qui lui donne une légitimité particulière pour cette interpellation. C’est le pays qui a connu la plus forte immigration. En un siècle et demi, 27 millions d’Italiens ont quitté la Péninsule, lynchés aux Amériques à l’égal des noirs, moqués, cantonnés aux travaux les plus durs ; chez nous : les mines, les bâtiment.
Aujourd’hui, l’Italie est devenue terre d’accueil : plus de 5 millions d’étrangers y sont implantés. A Lampedusa prend force à chaque marée la conscience d’une autre dimension des interrogations d’hier. Les frêles embarcations qui approchent des côtes et bien souvent échouent sans que secours leur soit porté nous rappellent que les civilisations sont mortelles et au delà d’elles, l’humanité elle-même.