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Démographie quand tu nous tiens

La démocratie, c’est bien connu, est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres. A l’exact inverse, la démographie est le meilleur des indicateurs y compris tous les autres.

Pour dessiner la France dans dix ans et au-delà comme nous l’a demandé le Président de la République, rien de plus solide, de mieux assuré, que les données populationnelles. Tout à fait entre nous, je n’exclus pas que les économistes et leurs prévisions de croissance et quelques autres de ma connaissance, n’éprouvent pas quelque jalousie des certitudes du modeste (pas tant que ça, comme on va voir) ministère des personnes âgées.

Toutes les personnes étant déjà nées, un enfant d’école primaire pourrait annoncer déjà l’augmentation considérable des plus de 60 ans à l’horizon 2025 : plus de 28% de la population totale alors que nous en sommes à 23%. Cette forte augmentation ne fera que se confirmer jusqu’à 2035, quelles que soient les hypothèses retenues sur l’évolution de la fécondité, des migrations et de la mortalité.

Autrement dit, « nous » (j’ai l’honneur de faire partie de ces générations florides) dépasseront allègrement les 30 % dans cet intervalle. Bravo à nous, mais aussi quelle responsabilité !

La fécondité des Français(es) , sauf coup de lune inattendu ou épidémie de dépression grave devrait demeurer plus ou moins stable. La mortalité prématurée elle aussi n’annonce rien de spectaculaire, ce qui fait que, bon an, mal an, mes conscrits et au delà devraient être 19 millions en 2025 et les plus de 80 ans 4,2 millions. Quand je vous disais que le Ministère des âgés serait alors non seulement un Ministère de plein éxercice mais un des plus importants, je ne disais rien d’autre que la vérité démographique.

Bonne nouvelle pour le(la) Ministre d’alors -je n’aurai moi-même pas atteint 80 ans et postule donc légitimement- la part des personnes dépendantes n’aura en aucun cas augmenté en proportion, non plus que les coûts afférents.

Tout au contraire, à ce même horizon 2025, 85% de l’espérance de vie (pour les femmes) à 92% pour les hommes serait vécue sans dépendance. 1,45 millions de personnes seront  alors en Gir  1 à 4, c’est à dire à peine 300 000 de plus qu’aujourd’hui. Ceci sans compter sur les effets de la loi que je prépare qui n’étaient pas connus des démographes au moment de leur projection; ceux-ci ne devraient qu’améliorer ces chiffres. Restons zen.

L’affaire se gâte en 2040 et plus encore en 2060, et pour cette raison je dis tout de go à François Hollande  qu’à partir de cette date, je me récuse. Place aux jeunes !

On l’a compris, ces chiffres, solides comme du béton Bouygues, comportent plusieurs messages de différents niveaux :

– l’heure est à la prévention, premier volet de ma loi, pour repousser au-delà de 2040 l’augmentation majeure des chiffres de la dépendance. Ce qui nous laisse 5 quinquennats pour agir et sans doute trouver des moyens thérapeutiques et technologiques pour faire mieux encore.

– Ne laissons pas se faire sans nous l’adaptation de la société à ces chiffres, somme toute assez sympathiques. Cela risquerait de gripper aux entournures et je ne voudrais pas, pour mes âgés, quelque forme que ce soit de « politique du cocotier ».

– les âgés sont -et serons demain plus encore- des acteurs économiques forts. Pas seulement parce qu’ils sont eux mêmes souvent engagés dans l’entreprise, mais parce qu’ils sont générateurs d’une économie nouvelle, la silver économie. Non, il ne s’agit pas de les considérer comme un « marché », mais de mettre cette économie au service de leur autonomie, de leur qualité de vie et de leur rôle dans la société.

Peu de mes confrères Ministres peuvent arguer de prévisions plus favorables, donner meilleures nouvelles aux Français, rallier leur confiance.

Ce qu’il fallait démontrer. C’est fait !

 

Vacarme et tumultes

Effarée, effrayée, attristée quand j’écoute les cris et hurlements de la plage nocturne à Hossegor, quand je lis tweets et commentaires sans contrôle ni réflexion sur les journaux en ligne et sur twitter. Un auteur américain, Braverman je crois, considérait comme le mal du siècle « the loss of control » et chaque jour m’en persuade un peu plus. Il y a de cela aussi dans l’actualité, cet enfièvrement des foules, des réactions militaires ou policières qui ne peuvent mener qu’à un état de guerre dont seules les limites géographiques sont encore indiscernables.

A cette inquiétude constante, je ne connais qu’un remède : le travail. C’est là que m’a précipitée cette deuxième semaine de vacances. La quiétude, le plaisir, la beauté des lieux des premiers jours ont été comme effacés. Le tumulte les a recouverts.

Douceur de l’air, minuscules moineaux guettant une poignée de graines sur la murette, museau tranquille de mon chien collé au sol, paix de quelques heures ou de quelques jours, quel rideau les recouvre ?

Derniers soirs dont je suis comme chassée.

 

Place et rôle des âgés (II) – Pistes de travail

Demain, 30% de la population de plus de 60 ans ; un « indice de dépendance économique » (rapport inactifs/actifs, en se basant sur un taux de chômage de 8%) de 1,9, c’est un vrai basculement des générations  que nous sommes en train de connaître.

Ces chiffres, auxquels s’ajoute l’espérance de vie moyenne de 30 ans à la sortie de la vie professionnelle, posent comme une exigeance et une urgence de repenser la place et le rôle des âgés dans la société.

Repenser ? C’est à dire concevoir des outils qui ne fassent plus du départ en retraite une barrière étanche entre activité et non-activité et, peut-être surtout, valoriser l’activité non strictement professionnelle et le rôle des âgés. Ces sujets ne sont pas légers. Ils ne trouvent jusque-là en réponse que des points de vue catégoriques, en décalage complet des réalités démographiques et … des véritables souhaits des âgés.

L’indice de dépendance économique, évoqué plus haut, met à la charge d’un actif (personne en âge de travailler et non chômeuse) deux inactifs (personnes non en âge de travailler pondérées par un taux de chômage prévisible, 8% ici). Ceci me parait la raison la plus évidente plaidant en faveur d’un allongement de la durée de cotisation-retraite). Ce n’est pas le coeur de mon sujet -il est d’ailleurs hors de mon champ ministériel- mais il ne peut être négligé.

Je donne ici quelques pistes de travail, que j’exposerai lors du séminaire du 19 août ou présenterai par écrit si le temps ne permet pas à chacun de s’exprimer. Je serais grandement heureuse qu’elles suggèrent aux lecteurs du blog des réactions et surtout des propositions.

-Instiller de la perméabilité entre emploi et retraite pour éviter que celle-ci soit vécue comme une porte qui s’abat sur la figure. Le contrat de génération qui s’est mis en place cette année (maintien dans l’emploi d’un senior et embauche d’un jeune dans des conditions fiscales préférentielles) en donne la direction. Le tutorat des plus âgés, leur rôle dans la formation des plus jeunes est l’exemple même du « gagnant-gagnant ». L’âgé y voit la reconnaissance du savoir-faire acquis au cours des années, le jeune y trouve une formation individualisée, ciblée sur des compétences qu’il va tout de suite mettre en œuvre. Ce rôle de formateur des âgés peut-être utilisé au-delà du départ en retraite de bien des façons: sous forme de temps partiels, de périodes de formation ou de stages qui assurent une transitition entre l’activité et la post-activité en permettant un complément de salaire, le prolongement de l’utilité sociale et la transmission de savoir.

-Assouplir les règlements qui par exemple ont empêché des enseignants retraités qui demandaient bénévolement à assurer le temps périscolaire manquant pour la mise en place des nouveaux rythmes scolaires. Cela n’aurait rien coûté aux municipalités, permis la mise en place sans heurts de nouveaux rythmes, unanimement salués comme bénéfiques.

– Créer des lieux où des âgés puissent recevoir les enfants au sortir de l’école, les faire goûter, les aider pour leurs devoirs, sur le modèle des « maisons des grands-parents » que j’ai vu au Québec à proximité des écoles à fort taux d’échec ou de décrochage scolaire

-Rendre systématique la préparation à la retraite dans le privé comme dans le public. Y ouvrir des possibilités d’activité « de transition » comme évoqué dans le 1er point.

-Valoriser l’engagement bénévole. Deux points à ce sujet : définir un statut du bénévole et créer un service civique senior non rémunéré (éventuellement défrayé) permettant de reconnaître le bénévolat citoyen (illettrisme, travail auprès des âgés…) en le différenciant du bénévolat sans objet civique notable (amicale de la pêche au goujon.) et le bénévolat à caractère formateur intergénérationnel. J’ai évoqué déjà cette possibilité auprès de la Ministre Valérie Fourneyron et de Martin Hirsch. J’espère que nous pourrons bientôt y travailler concrètement.

-Reconnaître et célébrer l’action des âgés dans toutes les disciplines. Je pense d’abord à la culture et j’aurais été par exemple très heureuse qu’Emmanuelle Riva reçût l’Oscar d’interprétation pour « Amour ». Même chose pour tant d’autres, de Michel Serres à Régis Debray que l’on ne pense jamais à « couronner » et à mettre suffisamment en valeurs. Oui l’âge a du talent, l’âge magnifie plus souvent qu’il n’amoindrit et qu’il réduit. Qui le dit ?

– Refuser une limite d’âge en politique. C’est le nombre de mandats identiques successifs qui est le danger. Si un octogénaire souhaitait se présenter pour la première fois aux législatives et était élu, c’est assurément qu’il avait l’énergie pour accomplir son mandat. Je vais même vous dire un secret : après la démission de Jérôme Cahuzac, je pense qu’une seule personne aurait été élue à gauche à Agen : ce même Michel Serres, son accent rocailleux et sa pétillante intelligence. Je n’ai osé ni lui en parler, ni en parler tout court.

– A vrai dire, je dirais même : refuser toute limite d’âge, laquelle est stricto sensu une discrimination justiciable du Défenseur des Droits et de la Cour européenne des droits de l’Homme. Mais l’affaire n’est pas simple….

Dans tous les cas, il faut sortir des sentiers usuels. La nouvelle transition démographique est bien une révolution qu’il faut aborder en faisant fi des pesanteurs, des vérités révélées et d’un certain nombre de principes qui ne sont que des contraintes.

Ce n’est pas gagné mais on peut essayer. De toutes manières, nous n’aurons pas le choix.

 

Mon chien Dixie

Oui, mon chien Dixie a griffé la lèvre supérieure d’un enfant de 9 ans sur la plage d’Hossegor dimanche 11 aout à 13h 30. Hier, c’est à dire 48 h après, la petite blessure, longue de 7 mm, superficielle, ne justifiant aucun point de suture, était parfaitement cicatrisée, sans inflammation périphérique, ni aucun autre signe fâcheux.

L’enfant, que j’ai longuement rencontré depuis, faisait du skin board et glissait sur une fine lame de bord de mer à toute vitesse. Dixie a voulu courir après lui, L’attache de sa laisse s’est rompue et il a échappé à la main de Klaus qui le tenait.

Il y a quelques mois, sur le pas de ma porte à Bordeaux, Dixie a sauté sur le bras d’un agent municipal qui s’avançait vers moi, tenant dans sa main un talkie walkie que le chien a considéré comme inamical. Nulle blessure, nulle éraflure du vêtement de l’agent, pas même une trace de poussière.

Dans les deux cas, des gros titres, des gros mots : morsure, canines .. Ce matin sur France Inter, le temps consacré était égal à celui attribué à l’Egypte et à l’évacuation sanglante des pro-Morsi.

Être Ministre des personnes âgées justifie-t-il une telle intrusion dans de si modestes événement de ma vie, de la très petite tranche de vie que l’on puisse encore considérer comme personnelle ?

J’assume complètement mes responsabilités.  S’il n’en fût rien pour le policier municipal, l’enfant a eu très peur et à posteriori sa Maman aussi. Le chien, dont je suis séparée toute l’année, venait me rejoindre sur la plage à la fin de ma marche matinale. On se doute que s’il avait mordu l’enfant  comme le policier municipal, l’affaire serait tout autre. Mon chien rivalise de poids avec moi et me dépasse largement en puissance. Sa denture est celle d’un berger allemand et ses canines ont plus de 2 cm, les traces en seraient dramatiques. Mais Dixie n’a jamais mordu. Ses « papiers » sont en règle. Sa nouvelle laisse ne risquera pas de rompre. Pourrai-je encore lui permettre de me rejoindre dans ma promenade, sans recevoir invitations à la faire piquer, à m’euthanasier moi-même ou à démissionner séance tenante, comme en ce moment sur twitter ?

La réponse est malheureusement non.

 

 

 

Quelle place pour les âgés ? (1)

Quelle place pour les âgés dans 10, 20, 30 ans ? Ce champ de réflexion est un champ vide. Les âgés vivent plus vieux et sont plus nombreux à le faire. Ils sont majoritairement en bon état et désireux d’être plus que d’avoir été. Quelle place, quel rôle pour eux dans une société dont ils constitueront le tiers ?

Dix, vingt, trente ans, ces chiffres ne sont pas choisis au hasard. Outre que le premier nous a été proposé par le Président de la République comme devoir de vacances (Préparer la France dans dix ans), ils couvrent la période où  les enfants des Trente glorieuses de la natalité, les « boomers », arriveront dans le champ de l’âge. La question n’est pas de déterminer comment les occuper comme on le ferait pour des enfants d’école maternelle mais de préparer cette France de demain capable de leur donner autant l’envie que la force d’en être partie constitutive.

Nous ne partons pas de rien : d’ores et déjà les âgés constituent la colonne vertébrale de notre cohésion sociale. Imaginons qu’une seule journée, les plus de 60 ans déclarent la grève générale. Adieu équilibre des familles, accueil des petits enfants, engagement associatif, vie des partis politiques, dynamisme des municipalités…. Je rêve déjà ces bataillons d’âgés de 60 à 120 ans, déclarant forfait, arpentant les chaussées pour le seul et beau motif qu’on mesure l’importance de leur ouvrage.

Et pourtant. Et pourtant, combien qui ne trouvent pas leur place ? Combien vivant leur «mise » à la retraite comme une rupture et un rejet ? Combien dont le rôle se réduit d’un coup à l’échange de petits services et à l’attente de petites actions ? Dont les conversations rétrécissent à l’aune du seul quotidien ?

Quand la vieillesse dure 30 ans, elle n’est plus une part de vie à occuper mais une part de vie à accomplir. Trente ans… Mozart, Schubert, Radiguet en ont-ils eu davantage ? Peut-on imaginer que de ce supplément d’années que nous a donné le siècle dernier à force de progrès médicaux et de luttes sociales, nous en dépensions une seule à guetter le téléphone ou à attendre le prochain repas ?

Je ne crois pas à la vieillesse télé-tennis-tourisme. Outre qu’elle ne concerne qu’une courte fraction des âgés,  elle est fondamentalement sans objet et élargit le trou béant du rapprochement de la mort. Dans je ne sais quel texte, Buzzati saignait à la vue de vieilles Américaines en croisière qui n’auraient personne à qui raconter ce qu’elles ne regardaient même plus. Alors quoi, pour ce tiers-état dont l’Etat, la vie citoyenne, les jeunes, la France, ont si fort besoin dans les 10, 20, 30 années à venir.

Je planche sur ce sujet. Quels moyens pour susciter, valoriser, épanouir l’investissement des âgés ? Quelles évolutions, quelles transgressions pour intégrer ce fait radicalement nouveau -la longévité- dans une société obligatoirement nouvelle ?Quelles règles à dissoudre pour que les âgés ne vivent pas entre deux murs, celui de l’activité professionnelle qui s’est fermée et celui de la réclusion dans n’importe quelle forme d’antichambre de la mort ?

Beau sujet d’été… Oui, parce qu’il y a des réponses. Et s’il y en a dans ma tête, il y en a dans celle des 18 millions de boomers qui continuent à vouloir à être pour quelque chose dans le cours du monde, comme dans celui de leur vie.

(voir aussi : « place et rôle des âgés, pistes de travail »  en date du 14 aout)

 

 

 

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