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Tous mes voeux, très simples

Tous mes voeux, très simples, car moins que jamais, j’ai envie de me payer de mots. Les voeux ne sont pas des formules magiques. Ils sont à la fois l’expression de la volonté de faire ensemble, de l’hommage à ceux qui font tant déjà et du souci que l’on a de ceux qui n’ont pas assez.

Ces voeux vont d’abord aux acteurs de la solidarité (déclinée sous tous ses modes, la fraternité, l’égalité, l’amitié, la proximité). La solidarité n’est pas moins un combat que l’emploi, la compétitivité et l’économie. Tous les deux sont comme Moïse et Aaron. Ils se complètent, ils se font face, ils s’équilibrent, et tous les deux sont indispensables à la marche d’un monde qui sans eux serait bancale et plus douloureux encore qu’il n’est.

J’étais tout à l’heure au milieu de ces acteurs, ces millions de bénévoles, de professionnels qui n’ont rien à voir avec les patrons du CAC 40, sauf, pour quelques-uns de ces derniers, pour leurs compétences et leur ardeur à donner chaque minute de leur temps. Mes patrons du CAC à moi, ceux de la solidarité, n’ont ni désir ni raison de s’exiler : leur richesse n’est taxée par aucune fiscalité nulle part, son usage est par contre universel.

Voilà. A eux vont mes premiers voeux, ceux qui viennent les premiers au bord des lèvres. A tous, mon souhait que nous retrouvions l’être et le faire ensemble et que nous prenions conscience de notre destin collectif.

Trouillomètre et pifomètre

J’ai eu la chance de rencontrer lors d’un séminaire d’économie organisée par Gerard Collomb, Alain Merieux, actuel Président de biomérieux, entreprise quasi séculaire qui accompagne la vie de tous les médecins et soignants de par le monde.

Je nommerais volontiers Alain Merieux dans le top ten de mes « Elders », ceux qui ont fait le XXème siècle et sont en bonne voie pour le XXIème. Pourquoi cette dénomination américaine de « Elders » : parce ce que ce club très brillant existe déjà outre-atlantique et qu’il n’est à ce jour en France qu’une lueur dans les yeux de quelques uns d’entre nous.

Dans un discours très plaisant qui venait après celui de Gerard Collomb, non moins plaisant, cultivé et spirituel, Alain Merieux a donné les clefs de la success story de sa famille.

Jeune encore, il interrogeait son grand-père Marcel, ancien élève de Pasteur qui fonda l’empire Merieux. Quelles sont les clefs de la réussite ? Quels conseils me donnerais-tu au moment de m’engager dans la voie de l’entreprise ?

Le Grand-père, mêlant pragmatisme médical et expérience entrepreunariale, réfléchit un instant.

– Plus je réfléchis sur le sujet, je vois en effet deux clefs pour mener une entreprise…

Le jeune Alain n’en attendait pas davantage. Deux clefs, quand elles sont bien employées, sont capables d’ouvrir toutes les portes. Il attendit, au sommet de la curiosité.

-Eh bien, ces deux clefs, ces deux instruments sont le trouillometre et le pifomètre. Tu passeras de l’un à l’autre, l’utilisation de l’un te mènera obligatoirement au second et réciproquement. Il n’y a pas d’autre secret..

La leçon m’a parue d’autant plus juste qu’elle ne s’applique pas qu’au seul monde de l’industrie. Plus encore peut-être, à la réflexion, elle mène la réussite politique.

Emploi

« Emploi » est sans le moindre doute le mot de l’année 2013. Et son contraire « chômage » le rappelle à l’issue du 19ième mois consécutif d’augmentation du nombre des demandeurs d’emploi. Près de 5 millions de Français, Dom-Tom inclus, sont sans emploi aucun ou en sous-emploi, 29300 de plus ont perdu le leur le mois passé. Oui, il faut tout faire pour inverser la tendance.

Oui aussi, la bataille est européenne mais elle doit être aussi une bataille nationale, même si nous savons que la politique européenne n’est pas (ou pas tout à fait) que la somme des 27 politiques nationales.

J’entends par bataille nationale quelque chose qui n’est pas loin du patriotisme. Sommes-nous moins forts, moins réactifs, moins créatifs que les Américains quand ils ont accepté le remède de cheval du « New Deal » de Roosevelt ? Avons-nous moins qu’eux le désir que la France demeure une « puissance » qui compte dans les équilibres mondiaux ? Accepterions-nous de la voir devenir le Finistère touristique d’un continent dépassé et nous des gardiens de musée ?

Critiques, râleurs, déprimés, les Français n’en « aiment pas moins leur pays », suivant la formule à la fois un peu usée et toujours vraie. Il reste à le faire comprendre et à le faire vivre. Les Américains d’alors n’étaient pas avares de formules simples (« Ne te demande pas ce que l’Amérique peut faire pour toi, mais ce que tu peux faire pour l’Amérique »), je n’hésite pas à m’y commettre. Et si chacun de nous faisait chaque jour quelque chose de bon pour la France ou pour son double, la République ? N’importe quoi : un tweet, restituer un trop perçu indu, respecter les règles, marquer de la civilité… Les plus petites choses ont un rôle, en particulier les dernières nommées, qui donnent un poil de moral et d’exemple aux autres. Nous devons retourner le cercle dépression/mécontentement/critiques stériles en sens inverse. Pas facile? Il suffit souvent d’un peu..

Revenons plus précisément à l’emploi. Le problème me parait se situer à deux niveaux : un effort d’urgence, un de moyen et long terme.

L’effort d’urgence concerne en particulier les jeunes (leur taux de chômage est le plus élevé jamais atteint en France). Si un jeune perdure dans la galère, il ne reprend pas facilement pied et c’est toute une vie qui peut être compromise.

Je prendrai l’exemple du secteur qui est le mien : l’âge. Il n’est pas le moins éloquent. A cette urgence peuvent répondre dès les mois à venir les emplois d’aide à la personne. Plusieurs voies : les emplois d’avenir – et beaucoup de contrats sont déjà signés-, la « médicalisation » des établissements pour lesquels nous avons débloqué cette année 147 millions euros supplémentaires, l’aide à domicile à laquelle nous avons apporté 50 millions de fond d’urgence pour éviter la destruction de nombreux emplois associatifs (environ 6000).

Je sais qu’il faut aller plus loin et qu’il faut le faire très vite. L’accompagnement des âgés en établissement n’est pas suffisant et l’aide à domicile doit être professionnalisée, à la fois pour être plus attractive mais surtout pour mettre aux côtés des personnes en perte d’autonomie des aidant(e)s connaissant leur pathologie et capables d’y répondre par les bons gestes et les bonnes paroles afin de leur permettre de rester à domicile.

Voilà, dans ce secteur, une réponse qui peut être rapide et répondre à l’urgence 2013. Le besoin est estimé par la DARES à 300 000 emplois d’ici 2020.

La réponse de moyen terme est d’un autre ordre: elle concerne la « Silver Economie », mot générique englobant les gérontechnologies, l’adaptation des objets, du domicile et des quartiers au défi de la longévité. Ce secteur est infiniment créatif et il est susceptible de répondre aux besoin des « baby-boomers » qui ont tout sauf envie de se laisser surprendre par le grand âge sans l’anticiper. Ce groupe -dont je suis une des honorables représentantes- arrive en nombre dans le champ de l’âge avec de forts atouts : être le plus souvent déjà familiarisé au numérique, avoir pour nombre d’entre eux des moyens financiers acceptables et…avoir vu ses parents devenir très âgés alors qu’eux-mêmes atteignaient la retraite.

Tout ne viendra pas de l’Etat. Les (jeunes) âgés eux-mêmes doivent comprendre qu’ils peuvent quelque chose à leur vieillissement et à sa préparation. Que leur épargne (je vais peut être choquer) quand ils en ont doit d’abord être utilisée à leur bénéfice pour anticiper leur vieillissement.

Tout cela est un moteur considérable pour nos industries qui ne s’empareront de ce champ que si elles perçoivent qu’il y a un marché réceptif aux avancées techniques et aux données de la recherche. La Silver Economie aux Etats-Unis connait un taux de croissance de 15% par an. Saisissons-nous en !

Voilà, dans mon secteur, ce que peut-être le deuxième palier, celui de l’économie productive, pour gagner la bataille de l’emploi. Il en va de même dans bien d’autres champs. Chacun peut y avoir un rôle. A titre individuel mais aussi dans son entreprise, dans son administration..

Mon souhait pour 2O13 ? « Ne baissons pas les bras, musclons-les ! ».

Le Père Noël est un âgé

Mon ministère est en ce moment pressé de courriers venant de tous horizons. C’est bien évidemment la période et nous devons faire face à cette réalité : le Père Noêl est un âgé et relève précisément de nos attributions. Il est, et non des moindres, l’un des 15 millions de ressortissants de ce qu’il faut bien appeler un « maxistère » au regard de ce chiffre toujours en expansion qui nous porte résolument en tête des objectifs de croissance du gouvernement.

Création d’emplois, perspectives d’une Economie nouvelle, les médias ne se faisant pas suffisamment l’écho de notre « chef-de-filat », je le fais à leur place et les invite à relayer cette nouvelle réconfortante au regard de la morosité générale.

Revenons-en au Père Noêl et au courrier qu’il vaut à mon équipe. En cette période de fêtes, on pourrait croire ces missives généralement positives : il n’en est rien. Les Français sont les Français et la majorité ont à notre encontre quelque grief. C’est d’ailleurs la dernière de ces lettres qui m’a décidée à m’exprimer et à défendre tout autant le Père Noël et notre action.

Ce courrier me visait personnellement : « A force de vanter les mérites de l’âge, allez-vous installer une gérontocratie dans notre pays ? (…) Et jusqu’à ce père noêl que vous paraissez soutenir et vouloir perpétuer, enfonçant chaque jour notre pays dans un obscurantisme d’un autre âge ? »

Plus sociale, l’inquiétude d’une formation politique: »Vous défendez publiquement les CDI pour favoriser de fait des contrats courts de moins d’un mois, des emplois pénibles… Nous voyons clairement dans ce double jeu, l’expression de l’amateurisme qui vous qualifie et de l’errance de vos politiques ». Se reconnaitra qui veut.

Les mouvements féministes ne sont pas en reste. L’amitié que je leur porte m’incite à une grande réserve. Reconnaissons pourtant que je ne suis pas épargnée et que la « phallocratie rampante » (sic) contre laquelle s’insurgent tenants et tenantes d’une parité sans faille ne va pas sans m’interroger sur ma coupable mansuétude à l’égard de mon prestigieux âgé.

Car enfin, que dire de sa longévité enviable ? Que savons-nous de son activité, de son quotidien une fois déposé le « rouge de travail » qui est le sien ? Au passage, ce n’est pas jusqu’aux designers que j’ai engagé dans la mouvance de la Silver Economie qui ne me font pas remarquer que j’ai peu de suite dans mon souci de moderniser et de rajeunir l’image de l’âge.

Bref, la fonction de Ministre n’est pas aisée, d’autant que ma bénévolence naturelle me porte à trouver à chacun des arguments. Mais c’est dans ces moments de doute, d’inquiétude parfois, qu’il faut en revenir aux fondamentaux.

Oui, le Père Noël est un âgé, peut-être même un grand âgé. Oui son activité évoque davantage le CDD que le CDI. Oui, tout cela est vrai et je l’assume.

Mais n’est-il pas aussi la quintessence de ce que nous voulons pour nous âgés ? Et d’abord le « reward », plus important encore que le « care » à leur égard. C’est à dire la réciprocité, la reconnaissance pour tout ce que les âgés font et ont fait ? L’estime et pour tout dire l’honneur dont chacun d’eux devrait être entouré?

Et tout cela dans un contexte intergénérationnel s’il en est. Le Père Noêl (et les milliards de ceux qui travaillent chaque année sous son nom pour remplir sabots, baskets, tongs et autres souliers de toutes formes, âges et religions (eh oui !)) constitue peut-être la quintessence de ce « contrat de génération » que Michel Sapin (ça ne s’invente pas) nous a présenté au Conseil des Ministres.

Oui, le Père Noêl est un âgé, et la seule vérité que je veux en retenir : ces jours-ci, comme tous les autres, prenons grand soin de lui et de tous ceux qui lui ressemblent.

Depardieu : l’autre éclairage

J’ai hésité beaucoup avant d’écrire sur « l’affaire » Depardieu. Le « bashing » n’est pas mon truc, mais justement, c’est un autre éclairage que je voudrais apporter.

Gérard Depardieu lors de la campagne électorale a expliqué son soutien affiché à Sarkozy par le fait que l’alors Président lui avait « arrangé » un problème fiscal et qu’il manifestait ainsi sa reconnaissance. Ce ne sont pas littéralement ses paroles, mais je ne modifie en rien leur sens et « arrangé » était bien utilisé.

Ce mot n’est pas en soi très réconfortant sur ce que peut être une intervention présidentielle « arrangeante ». Ce n’est pas aujourd’hui le sujet. Par contre, je n’exclus pas que l’annonce de l’exil puisse venir à point nommé pour permettre à la droite, dans un moment délicat pour elle, de pouvoir taper sur le « matraquage » fiscal du Gouvernement.

Car par ailleurs, je ne doute pas que Depardieu ait d’autres interrogations que le montant de ses impôts. Le talent ne s’achète pas au Carrefour du coin, il nait plus volontiers dans le terreau de l’inquiétude. A preuve -ou du moins commencement de preuve- cette histoire.

Il y a peu d’années, Depardieu s’était rapproché d’un mien ami (le Pr André Mandouze) car il voulait avancer dans la connaissance de la pensée et des textes de Saint Augustin. Il avait fait lui-même la démarche et venait chaque semaine étudier la parole augustinienne au domicile de mon ami.

L’apprentissage a débouché sur une lecture de textes choisis par Depardieu dans la cathédrale Saint-André à Bordeaux. Il faisait un froid de gueux dans le vénérable édifice qui a quelque peu entamé l’adhésion du public aux textes comme au lecteur mais il était évident qu’il ne le faisait ni pour un cachet (il n’en avait pas), ni comme un exercice indifférent.

Je suis sûre que Depardieu est plus attaché à l’admiration du public qu’à un zéro de plus sur ses comptes. Alors, pourquoi cet exil ? Hors l’explication avancée plus haut, je n’en trouve guère d’autre.

Mais peut-être a-t-il gardé, dans un coin de son hôtel particulier, le cahier où il prenait des notes sur les écrits de l’évêque d’Hippone..

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel