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Critiques et ricanements

Je lis quelques pages des entretiens entre Edgar Morin et François Hollande et j’en partage presque chaque ligne. La partie Hollande en particulier, plus simple et mieux inscrite dans le réel.

Hollande a une vision, une conception de la politique et rien de ce qui a été fait au cours de ces derniers mois ne vient la contredire. Notre gouvernement fait ou fera des erreurs. Je porte trop haut l’esprit critique pour dénier à quiconque le droit de les dénoncer. Je suis au contraire écoeurée par ceux qui condamnent à tout va  et n’ont pas à leur propre égard cet esprit critique. Cette erreur qu’ils reprochent et qu’ils regrettent met elle en cause le sens de l’action, c’est à dire à la fois sa direction et sa signification ?

Bien peu s’en préoccupent. Nous vivons dans une société du tout à jeter, de la critique et de la condamnation immédiate, des grands mots appliqués aux petits faits. Ce que l’on reproche aux consommateurs au nom du développement durable, on ne prend pas garde de le voir dans la politique. Le « bashing » est non seulement frivole et inconséquent, il est dangereux.

Pourquoi ? Parce qu’il ruine toute chance de solidariser les Français dans un objectif qui devrait nous être commun, puisque notre destin l’est : redresser le pays tous ensemble.

On disait autrefois dans les leçons de morale de s’interroger à la fin de chaque journée sur ce que l’on avait fait de bien ou de mal. Je propose une variante citoyenne de cet noble éxercice : qu’ai-je fait récemment pour que l’argent public soit mieux utilisé ? Pour en éviter le gaspillage ? Pour contribuer à une amélioration des pratiques professionnelles ?

J’étais tout à l’heure à un colloque « Protection des majeurs » (=tutelles et curatelles). Ce secteur connait des difficultés particulières et je craignais qu’elles dominent la scène. Une grande partie de l’entretien privé que j’ai eu avec la représentante des mandataires -qui n’ont pourtant pas reçu leurs financements de l’Etat pour certains depuis des mois- a été centré par un sujet tout autre : « nous voulons contribuer à dégager des marges d’économie pour l’Etat ». Le nombre des personnes protégées augmente en effet considérablement du fait de l’allongement de l’espérance de vie général et de celui des personnes handicapées. Leur inquiétude est de pouvoir faire face dans des conditions éthiques et pour un coût non dommageable pour les finances publiques.

Posons nous tous cette question au lieu de « basher » à tort et à travers. Sur twitter, j’ai trouvé à mon retour de ce colloque ce commentaire « Michèle Delaunay se fait payer par l’Etat un week end au soleil d’Arcachon ». Sans importance, sauf qu’à un niveau quand même un peu supérieur en général, la volonté de discrédit fissure la confiance, la possibilité du partage de l’effort et sa compréhension.

 

 

 

 

Bon budget pour les âgés

Sous ce nom de code « PLFSS » qui évoque davantage OSS117 que « Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale », on découvre un bon budget politique de l’âge. Bien sûr, on peut toujours mieux faire, mais en temps de restriction budgétaire il faut aussi savoir apprécier les efforts en direction des secteurs clés de notre vie sociale. Oui, ce budget est objectivement positif et de bon augure pour notre prochaine loi « 3A » (Anticipation, Adaptation, Accompagnement de l’avancée en âge).

Qu’on en juge sans lunettes partisanes.

L’ONDAM. Autre drôle d’animal, l’ONDAM désigne le taux d’augmentation annuel du budget (Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie). Pour le secteur médico-social, nous avons obtenu qu’il soit maintenu au taux de l’année précédente . Cet ONDAM médico-social est une petite boîte contenue dans l’ONDAM sanitaire global qui est de 2,7% cette année. L’un et l’autre sont donc positifs, l’ONDAM sanitaire a crû de 0,2 points et l’ONDAM médico-social  est demeuré au taux plus favorable de 4%. Sans nous monter du col, ces deux chiffres n’ont pas été obtenus sans combativité et persévérance de la part de la Ministre de la santé et de la mienne.

Pour le seul secteur des âgés, qui représente une part importante du médico-social, l’ONDAM est de 4,6%, ce dont on peut être objectivement satisfait au regard de la contrainte budgétaire générale.

En matière de fonctionnement, les établissements et services médico-sociaux sont soumis à une forte contrainte depuis deux ans : le faible taux de revalorisation de la masse salariale (1% en 2011 ; 0,8% en 2012) a empêché toute revalorisation salariale collective, provoquant un « décrochage » des salaires du secteur.

Nous avons décidé de rompre avec cette tendance, en prévoyant une revalorisation de la masse salariale de 1,4%, soit 0,6 point de plus qu’en 2012. Cela représente au total un effort de 255 millions d’euros, contre 137 millions d’euros en 2012. L’impact social sera donc important, environ 700.000 personnes travaillant dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Cette progression va concourir à soutenir l’attractivité de ce secteur.

Pour les établissements (EHPAD et maisons de retraite), 147 millions d’euros vont être consacrés à la médicalisation, c’est à dire au renforcement du personnel, exigence partagée par tous. Cela permettra la création de 6400 à 8200 emplois.

Enfin 3200 places nouvelles vont être créées.

Voilà le bilan de ce que nous présenterons bientôt au Parlement.

 

François Hollande, le Gouvernement et les bords de la tartelette

Il y a des enfants, nombreux, et même des grands, qui devant une tartelette commencent par les fruits et le coulis qui les couvre, pour n’aborder les bords et le fond du gâteau qu’après ; ou pour les laisser s’ils ne sont pas assez savoureux.

La deuxième espèce est plus rare : ceux qui pour les tartelettes comme pour tout le reste commencent par le plus dur. Je n’ai jamais vu Hollande manger de tartelette, je peux pourtant affirmer qu’il est de cette deuxième catégorie.

En politique, cela s’appelle le courage. Et nous sommes en plein dedans.

Elu depuis à peine 4 mois, et le gouvernement nommé presque à la même date, Hollande attaque la croûte. Attitude radicalement opposée à celle de Sarkozy il y a 5 ans qui, dès juillet, donnait des gages à son électorat avec le bouclier fiscal et les autres mesures de la loi TEPA. On sait que ce bouclier s’est les années suivantes révélé de vil plomb et qu’il a beaucoup pesé pour alourdir le bilan sarkozien et empêcher la réélection du mangeur de tarte par le milieu.

Il faut un certain courage, je le redis, à celui qui fut le candidat du Parti Socialiste de placer la première année de son quinquennat, et sans doute deux, sous le signe de la réduction de la dette et du retour dans les clous de l’équilibre budgétaire. C’est immanquablement tailler dans tous les budgets, y compris dans les budgets sociaux, contrarier en premier ceux qui l’ont élu. Pas drôle.

Pas drôle pour lui, pas drôle pour ses ministres. Disons-le simplement : ça les empêche de dormir, à l’égal, voire davantage de beaucoup de Français.

Pourquoi, alors ? Parce que le remboursement des intérêts de la dette est actuellement le premier budget de l’Etat, avant même celui de l’Education nationale qui occupait cette place pas forcément enviée depuis quelques décennies. Et parce que si nous ne faisons rien pour diminuer et la dette et les intérêts afférents, nous ne pourrons plus rien faire du tout. Rien, nous serons paralysés, victimes n’ayant plus qu’à subir, sans possibilité d’aucun choix politique, ni écoles, ni hôpitaux, ni médicaments innovants contre le cancer, ni recherche, rien de chez rien.

Ceux qui vont râler -et sans doute à juste titre de leur point de vue- d’avoir à payer davantage ou de recevoir moins, doivent percevoir, partager la notion qu’il vaut mieux payer tant qu’il est encore temps pour réduire la dette et son coût que pour n’avoir plus qu’à la rembourser, couteau sur le cou, en taillant  à tout va, sans possibilité de priorités ni de  justice dans tous les budgets de l’Etat. Ai-je besoin de citer les pays qui en sont là?

C’est de tout cela que, de Conseil des Ministres en Conseils des Ministres, nous sommes pénétrés et que nous portons lourdement, gravement. Mais au regard du temps, ce que nous faisons, aura un sens, trouvera sa légitimité, montrera sa force et la force de ceux qui en assument avec nous le choix.

 

 

 

 

 

La parabole du crayon à deux têtes

La République a bien des mystères et j’ai la faiblesse de penser qu’aucun n’est innocent et moins encore, insignifiant. Sans doute est-ce d’ailleurs pour découvrir ce sens profond, cette volonté souterraine et immémoriale, que tant d’élus ont à coeur, de mandats en mandats, de perdurer et de poursuivre leur recherche.

Relativement récente en la matière, je me flatte pourtant d’avoir progressé : la forte signification du protocole -si souvent bafoué en particulier en terre de Guyenne- m’est connue jusque dans le détail ; la belle trilogie des couleurs de notre drapeau comme celle de nos valeurs républicaines m’est familière, même si cette dernière n’en a jamais terminé à me démontrer son urgence et la multiplicité de ses développements.

L’un de ces mystères me reste entier.

Il concerne la table du Conseil des Ministres, autour de laquelle l’honneur et la confiance m’ont été faites de m’assoir à 14 reprises déjà. Pas la table elle-même à vrai dire mais de modestes objets qui y sont disposés.

Une pendule d’abord : le modèle est ancien, voire historique, mais l’objet est en état de marche et son positionnement à mi-chemin entre le Président et le Premier ministre me laisse accroire qu’elle garde pour principal objet de donner l’heure.

Outre la pendule, pas grand-chose, sauf… quelques feuilles de papier, en quantité modeste, harmonieusement déposées à portée de mains de l’ensemble des Ministres sans prérogative particulière de leur titre, y compris du 1er d’entre eux.

C’est une interrogation non résolue, à l’égal de celle de la poule et de l’oeuf, de savoir si la feuille de papier l’emporte en importance sur le crayon ou l’inverse quand il s’agit d’écrire. Dans la signification républicaine, il m’apparait que c’est le crayon.

Les ministres en effet, quels que soient leurs grades et qualités, voient leur place marquée par un crayon papier de traditionnelle mais noble facture. La signification républicaine est ici évidente : ce crayon trouve sa place d’un même bon aloi sur la table d’un écolier du 9/3 et sur celle de nos Ministres régaliens. Sa couleur bordeaux, sobre et de bon ton, sa mine affutée, sa marque « Conté » de haute tradition et -je l’espère- de fabrication française, unit dans un même désir d’apprendre et de concevoir l’ensemble des citoyens français. Le choix doit en être salué.

Le mystère apparait avec la présence en face du Président de la République et du Premier ministre d’un même crayon, de calibre supérieur et muni d’une double tête comme d’une double mine : l’une rouge, l’autre bleue.

La robe du crayon est également double : une moitié est colorée de rouge vif, l’autre d’un bleu intense. Toutes deux d’égale longueur grâce à un affutage respectueux des équilibres et des majorités.

Par cette dernière remarque je m’engage dans la quête du sens. A son sujet j’ai interrogé jusqu’au secrétaire de l’élysée, M le Mas, brillant élève de la promotion Voltaire de l’ENA mais surtout n’occupant pas son actuelle éminente fonction sans raison. Il n’a pu me renseigner davantage que me répondre « que cela avait été de tout temps ainsi », aggravant d’autant l’épaisseur du mystère. Une tradition que ni Giscard -désireux de modernité- , ni Sarkozy -soucieux d’autorité et de rupture- n’a rompue doit aller bien au-delà des apparences.

A prime analyse, c’est bien sûr l’existence de deux têtes, qui l’emporte en signification. Point n’est besoin de relire l’ensemble de la Constitution, ni la suite de celles qui ont émaillé l’histoire de notre République, pour comprendre la répartition des rôles et des pouvoirs entre Président et Premier ministre. Mais alors, la couleur ?

Que l’une de ces têtes soit bleue et l’autre rouge, pourrait indiquer une préférence républicaine pour la cohabitation et on sait qu’il n’en est rien. Sans doute faut-il chercher dans ces deux couleurs un hommage à l’alternance. Le double crayon étant pérenne, il faut que chaque changement de majorité y trouve sa légitimation. J’en suis présentement à ce stade dans ma réflexion, bien consciente que je ne l’ai pas menée à son bout.

Je surveille étroitement ces deux crayons. Toujours parfaitement taillés, dans un équilibre non moins parfait entre le bleu et le rouge, ils ne paraissent pas soumis à un excès d’usage par les augustes mains auxquels ils sont destinés.

C’est sans doute tant mieux : je n’ose avancer que la fabrication en soit encore vivace et je vais m’en ouvrir au Ministre du redressement productif : voilà peut-être un champ qu’il n’a pas exploré. Remettre un crayon à deux têtes à chaque écolier à l’occasion de sa première leçon de morale laïque en lui en expliquant toutes les significations et les prolongements serait susceptible, au-delà même du rôle éducatif, de revigorer une industrie lourdement mise à mal par les marqueurs et feutres japonais et autres outils d’écriture à l’usage souvent aléatoire car toujours secs quand on les voudrait toujours prets.

Je n’ai pas achevé ma quête de sens et il me reste parmi d’autres à résoudre une question : pourquoi tant d’élus, voire tant de ministres, troqueraient  le noble crayon papier dont tous disposent, pour l’un de ces crayons à deux têtes ?

 

 

 

 

 

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