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Suicides de vieux

Pas de saison, le sujet ? Mais si, justement, en plein coeur.

L’un, l’une à vrai dire, a sauté du 5 ème étage de la résidence-foyer dont elle avait fait son domicile. S’aidant d’une chaise pour arriver à bonne hauteur de la rambarde du balcon. Elle qui répondait toujours au rituel « Comment ça va ? » par « Bien, et vous ? », écoutant attentivement la réponse.

L’autre s’est tiré un coup de fusil dans la bouche. Suicide d’homme, façon Hemingway à Key West. Exclusivement d’homme, pour l’instant. Et pour cet homme-là, d’homme qui se sait malade en même temps que vieux. Les deux font bien souvent la paire.

L’autre encore, masculin lui aussi, a marché avant de s’ensevelir dans un fossé pour y mourir tranquille, loin de tout, à l’abri. Un peu comme ces hommes du grand nord qui marchent dans le froid jusqu’à être pour toujours arrêtés par lui et figés sur place.

Les suicides d’âgés augmentent en nombre et l’été leur est propice. L’été où la solitude est plus grande, l’isolement de tout et de tous. L’inutilité, le vide, la révolte.  le regret sans doute de la splendeur du monde et d’une vie autre.

Ils ne sont jamais un appel au secours. Suicides radicaux dont on sait qu’aucune main ne pourra les interrompre. Suicides d’adultes déterminés. Les trois que j’ai raconté, survenus dans les deux jours précédents le disent assez.

Qu’en dire de plus ? Que nous en sommes tous comptables : proches à tous les titres de proximité possible, parents, pouvoirs publics. Ces derniers, à la fois en priorité pour tout ce qui est en leur pouvoir, et bien impuissants quand on sait que ce sont les dernières heures qui emportent  la décision.

L’été. L’été meurtrier.

 

Solitude du tracteur de fond après la victoire

Je pense avec solidarité aux milliers  de ceux qui affrontent de plein fouet le brutal sevrage que leur a causé la victoire de François Hollande. Qui dira tous les effets collatéraux de l’arrêt d’un jour à l’autre, sans préparation physique, de tout tractage, porte-à-portage, boîtage et autres distributions sur tous terrains et par tous les temps ?

Cette bouffée d’empathie m’est venue en face d’un rang amical de boîtes aux lettres, toutes larges et bien rangées, faciles d’accès, sans serrures ni codes, d’une résidence d’Hossegor. N’avoir à y distribuer que la liste des courses et le ticket du Leclerc local a levé en moi un mouvement de révolte, quelque chose qui ressemblait à une insulte pour les compétences chèrement acquises années après années.

Un élan particulier en direction des militants et sympathisants bordelais; 14 campagnes que nous avons partagés en 11 ans grâce aux petits « rabs » que nous a ménagés notre Maire, question de nous maintenir dans un effort continu et régulier, ont fait de nous des médaillés anonymes de la course électorale.

Et c’est bien ça le pire. Médaillés, oui, mais ô combien anonymes. Et ce constat, avec tout ce qu’il a de scandaleux dans l’apposition des deux termes, nous en prenons toute la mesure dans une période où l’on médaille à tour de bras, et où dans cet éxercice, les Français devancent, en date de ce dimanche matin, pour une fois d’une courte tête les Allemands, pourtant bien moins entrainés par une vie électorale atone en comparaison de la nôtre.

Le 7 mai nous n’avons pas tout de suite réalisés. Peu après, nos activités professionnelles ont repris, le sevrage n’a pas montré tout de suite ses effets délétères.

Mais c’est maintenant, alors que la majorité d’entre nous affrontent l’épreuve de quelques jours de vacances, trouvant en fond de voiture comme un cuisant rappel quelques poignées de tracts, alors que plus aucun média ne publie le moindre sondage, la plus petite cote de popularité, qu’ils mesurent les dégâts de cet arrêt brutal de marche vive.

Je le rappelle en effet, la marche vive, la station debout sur les marchés où les pas de porte, sont à l’activité ce que les cinq fruits et légumes sont à l’alimentation. Et pour ceux qui y auraient échappé jusque là, je rappelle l’ adage fondateur: « Deux heures de tractage chaque jour éloignent le docteur toujours ».

Combien d’entre vous, aujourd’hui sidérés devant vos écrans de télévision, un verre dans une main, un sac de chips dans l’autre, voyant des sportifs récompensés pour des efforts de quelques dizaines de seconde, sentez en même temps que le retour de vos vieilles douleurs, la cruauté du sport-spectacle qui n’apporte aucune réponse, pas la moindre récompense, à vos efforts de quelques dizaines de dizaines d’heures ?

Le Président lui-même, se rendant à Londres, y a-t-il fait la moindre allusion ? A-t-il eu le moindre geste en direction de la foule anonyme de sportifs de terrain et pour autant de haut niveau qui nous ont porté en tête du club France ?

Notre Ministre des sports, elle-même pourtant militante de cette forme obscure du sport, a-t-elle eu la plus petite parole laissant espérer une embellie nous concernant à l’occasion des prochains jeux ?

Que nenni. Et c’est à la Ministre des personnes âgées de s’y coller ! Paradoxe entre les paradoxes. Les anciens combattants encore, on aurait compris, mais les « P.A. » !

De Gaulle avait raison : faut tout faire par soi-même.

 

« Savez-vous qu’il y a aussi des femmes au Gouvernement ? »

Léger déjeuner à l’Elysée avant-hier à l’issue du séminaire gouvernemental et du dernier Conseil des ministres. « Léger » l’avait annoncé François Hollande, léger il fut : ce président-là tient ses promesses, même  légères.

Quatre tables débonnaires où l’on apportait son assiette : jambon/melon, mini-pizzas,  poisson au curry, pas de quoi en faire un buzz. On papote à la mienne en se racontant des histoires (drôles) de Ministres que je garde, elles, sous omertà.

Une table se constitue autour du Président : que des hommes. Est-ce à dire que ceux-ci sont plus prompts que leurs consœurs à entourer le plus haut représentant de l’Etat ? Je n’irai pas jusque-là mais je ne l’exclus pas pour autant.

Marie-Arlette Carlotti, ma twin-ministre au handicap, se lève avec moi, et nous abordons la table des hommes :

– Monsieur le Président, messieurs, pouvons-nous vous signaler qu’il y a aussi des femmes au Gouvernement ?

La tablée acquiesce de bonne grâce, tout en découvrant qu’il en manquait un peu à leur table. Hollande avec les autres, qui évidemment ne s’est pas souvenu de la manière dont il avait accueilli une brochette de députées aquitaines à l’Assemblée.

C’était à l’issue d’une de nos premières séances, il y a 5 ans. Pascale Got, Martine Faure, Martine Pinville, Conchita Lacuey et une ou deux autres, nous affalons sur une de ces longues banquettes de velours bordeaux où le député Lassalle a mis en scène sa célèbre grève de la faim.

Passe Hollande, toujours soucieux d’un mot souriant, qui nous lance à la cantonnade:

–  Mesdames, puis-je vous signaler qu’il y a aussi des hommes à l’Assemblée ?

Cinq ans après, la parité a avancé. Elle est même absolue au gouvernement, mais la mixité est demeurée un tant soit peu ce qu’elle fut…

 

Non-cumul des mandats : travaux pratiques

Je le confirme plus tôt que je l’avais prévu à la suite d’ un article dans notre quotidien régional évoquant le contraire : je démissionnerai de mon mandat de conseillère générale le 31 août prochain.

Non sans un gros pincement au coeur : j’aime mon canton Grand Parc-Jardin public, j’y habite depuis 40 ans exactement (en lisière exacte de « ma » circonscription), j’en connais les habitants, la belle diversité de ses trois quartiers, ses quais, ses horizons à tous les sens de ce mot.

J’en suis l’élue depuis 2004. La première élue  de gauche depuis des lustres et j’ai réussi, en face de tanks sherman bien décidés, à le reconquérir, à le conserver dans la majorité de Philippe Madrelle. A 45 voix près. Les victoires les plus serrées sont les plus belles, j’en témoigne.

Et puis je l’ai fait bouger : directement (collège, projet sur les starting blocks de notre pôle social, tant d’autres réalisations plus petites qui m’ont quelquefois demandé beaucoup d’efforts) mais aussi indirectement. Le Maire de Bordeaux a découvert à ma  première victoire que le Grand Parc avait une piscine et qu’il était urgent de la réouvrir, et après la seconde qu’il avait une salle des fêtes que Bordeaux ne tolérerait pas plus longtemps de voir se déteriorer quand ce qu’elle portait manquait à la ville. Ce quartier me parait sauvé de l’enlisement social.

Mais, si la future loi -sans doute focalisée sur le non-cumul d’un mandat exécutif avec un mandat parlementaire- ne l’impose et moins encore la législation actuelle- je considère que je ne peux demeurer conseillère générale.

D’abord parce que ma conception de base d’un possible cumul est que l’on puisse éxercer personnellement et complètement les deux mandats. Ce qui fut difficile en tant que députée ne l’est plus du tout pour un Ministre. La seule question géographique suffit à la faire comprendre.

Ensuite parce qu’il s’agit d’un conflit d’intérêts. 25 à 30% du budget du Conseil général est consacré aux personnes âgées. Inversement, le Conseil général est un acteur essentiel de la politique de l’âge et j’ai à statuer sur la gouvernance et la répartition des financements entre ce même Conseil général, l’Etat et la sécurité sociale. Ce ne serait pas convenable de demeurer juge et partie, même en démissionnant de ma présidence de la commission politique de l’âge que j’occupe jusque là.

Enfin, comme un fond de réflexion lancinant, il m’apparait de moins en moins soutenable de cumuler deux mandats, ou encore un mandat et une fonction, quand tant de Français peinent à accéder à un emploi ou à ne pas le perdre.

Pourquoi ce délai de deux mois ? Tout d’abord parce qu’il me fallait bétonner le fait que ma démission n’entrainait pas une nouvelle élection partielle. C’est bien le cas. Par écrit, le Ministère de l’intérieur l’a confirmé, expertisé, assuré. Pas de mauvaises craintes.

Et puis parce qu’il fallait organiser ma succession. Elle ne se borne pas à la fonction même de conseillère générale. J’occupe au titre de ce mandat plusieurs autres fonctions, dont celle de Présidente du Conseil de surveillance de l’hôpital Charles Perrens, dont je ne peux tout simplement partir d’un jour à l’autre sans organiser la relève avec Philippe Madrelle.

Je  présenterai en fin de mois mon « remplaçant » Jean-Baptiste Borthury, puisqu’il a été élu en tandem avec moi en 2011 et je l’accueillerai au Conseil général dans les premiers jours de septembre. Nous étions depuis ma réélection de députée et ma nomination au Gouvernement en parfait accord sur le développement et les dates de sa prise de fonction.

 

 

L’âge : à la fois inéluctable et soluble

Un instant de confidence sur le sujet qui sans doute en relève plus que tous les autres.

J’ai été  -disons toute une moitié de ma vie- « la plus jeune », ce drôle de petit animal qu’on dit précoce et me voilà « Ministre des personnes âgées », dans le trio de tête des Ministres les moins jeunes (…) du Gouvernement . Plutôt super, non ?

L’âge est un continuum. Il ne doit jamais être une barrière. Plus jeune ceci, plus jeune cela, j’ai cumulé les rosettes, jusqu’à mériter pour l’un ou pour l’autre un de ces petits entrefilets charmants dans le journal local de Pau ou de Bordeaux. Aucun desdits journaux, local ou régional, n’a eu d’ailleurs l’indélicatesse de mentionner ma nouvelle position de co-doyenne. Entre nous, je m’en serais probablement plus amusée que mes co-titulaires, mais l’heure n’est pas à la délation mais à la confidence.

Le temps se perçoit par fractures. Le jour où ceci, le jour où cela. Et je suis passée de « la plus jeune » à « plus la plus jeune » en un instant: celui où je m’en suis rendue compte.

Mais perception n’est pas raison : il n’y a ni barrières, ni frontières entre les âges. Ils sont perméables, vulnérables plus que ceux qui’ils touchent. Ils sont solubles dans l’intelligence comme sans doute dans la volonté. Solubles comme le sucre dans le café, la raison dans l’affect, la réalité dans le rêve, toutes ces choses qu’on oppose quand elles ne sont là que pour se panser et se penser. Et peut être se faire passer, s’oublier, s’accepter l’une l’autre.

C’est pour ce continuum que je souhaitais que mon Ministère s’appelle « âge et autonomie » ou encore « politique de l’âge ». Je le reconnais : cela embrassait large et peut-être a-t-on craint que je réclame de m’occuper des écoles maternelles. Cela n’aurait pas été le cas : l’âge n’existe qu’au moment où l’on en prend conscience et alors doit-on s’occuper qu’il demeure toujours soluble, jamais une barrière mais un lien.

Un lien. Le plus fort sans doute entre nous tous.

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel