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Salut, Vincent

Aujourd’hui, Vincent Feltesse devient le député de la 2ème circonscription de Gironde « Bordeaux2Rives », la plus belle bien sûr, puisque c’est la nôtre.

Et c’est vrai, ce moment n’est pas innocent pour moi. Cette circonscription où j’ai vécu et travaillé la plus grande partie de ma vie, est aussi celle que j’ai gagnée en 2007 contre des vents contraires, en face d’un candidat prestigieux.  J’en connais toutes les rues, presque toutes les portes et j’ai l’habitude de dire en blague que je connais toutes ses boîtes aux lettres par leur prénom.

Mais derrière les portes, ce sont tant de personnes rencontrées, retrouvées après des années ou découvertes sous des visages auxquels on ne s’attendait pas ; rencontres occasionnelles ou poursuivies par des courriers, des dossiers que l’on accompagne  ou que l’on soutient. Reconnaissons-le : être l’élu(e) d’un territoire renforce considérablement le sentiment d’appartenance à ce territoire. Je me sentais partout un peu nomade, éternelle étudiante qui aurait pu étudier partout, je suis devenue Bordelaise en même temps que j’y ai fait campagne et que j’y ai été élue.

Voilà. La fin de cette drôle de période suspendue que la République impose aux suppléants des Ministres, c’est aujour’hui. Vincent  prend en mains la traditionnelle serviette du député qui, au passage, pour la première fois s’est transformée en  valisette à roulettes. La République évolue..

Ce n’est pas pour moi un départ, mais c’est un éloignement pour une nouvelle tâche, un nouvel apprentissage. Nous serons ce tandem que nous avons proposé aux Bordelais lors de la campagne. Amicalement, loyalement, en complémentarité. Et quand ma mission de ministre sera terminée, je retrouverai ce beau job de député.

Voilà, tout simplement je voulais faire à Vincent un petit salut. Juste comme ça, dans la douceur d’un après-midi bordelais de quelques heures encore.

C’est la vie !

Combien de fois, combien de fois (presque toutes) ai-je entendu ces trois mots dans un soupir, une sorte de haussement d’épaule, de gêne, d’acceptation, de dérision, dans de multiples tonalités, quand un de mes malades venait de mourir ?

Combien de fois. A tel point, que je l’attendais. Qui le dira le premier ? Encore dans la chambre ou seulement dans le couloir, quand l’évidence brutale de la mort vient d’arriver à la conscience ou peu après, quand il s’agit déjà de s’en libérer ?

« C’est la vie ». Ces trois mots ridicules et paradoxaux quand c’est clairement de la mort qu’il s’agit et que la question est de la tenir à peine à distance tout en affirmant qu’en effet, le dernier instant  fait partie intégrante de la vie.

C’est l’instant d’avant et tous les autres encore avant que nous avons vécu aujourd’hui au centre de soins palliatifs de Rueil Malmaison. Nous : le Président de la République (c’est plutôt agréable à dire) et « ma » Ministre, Marisol Touraine.

Très belle visite, non en raison des visiteurs mais des visités. Exemplaires, habités, transcendants, de cette pâte particulière que seule la médecine -pas n’importe laquelle- m’a donné de pratiquer et quelquefois de partager.

Le centre s’appelle « Notre dame du lac » et le lac est le dernier vestige de l’hôtel de Richelieu dont il ne reste pas même une photographie. Un centre de soins palliatifs et de soins de suite de neurologie de 40 lits qui fut novateur puisque dès 1946, il s’installa dans ce rôle, innominé alors, du « soin » quand il se sépare du « traitement » et du projet de guérison.

Il n’y fut question, tout le temps de notre visite (mais certainement avant et après elle) que de vie. Jusqu’au dernier moment, jusqu’à l’instant ultime, la question, le projet, l’ambition de l’équipe, des malades, c’est la vie ; et tout ce que nous y avons partagé, c’est une sorte de bonheur d’une variété peu banale mais pour autant à la portée de tous qui vient du désir de porter et de recevoir des signes que ce bonheur existe.

J’en conviens, l’expression de ce que j’essaye de traduire est un poil emberlificotée. Ce que nous avons partagé ne l’était pas. Au contraire. Comme la lumière, le temps et deux ou trois choses du même ordre, c’était une réalité indéfinissable mais une réalité absolue.

Et puis, encore une chose : le plaisir de retrouver le vrai Hollande, l’homme Hollande, loin du formalisme obligé du Conseil des Ministres, fin connaisseur de ce désir intime de donner sinon du bonheur, quelque chose qui s’en rapproche, en quelques mots, une manière de sourire, d’ouvrir son visage vers l’autre.

« C’est la vie ». La vie dans sa quintessence, son fil impalpable, dont je retrouve la légèreté rien que d’en parler.

Merci à toute l’équipe du lac et à Monsieur de Richelieu qui a eu l’idée de le faire couler à Rueil.

 

 

Avancer en âge n’est pas vieillir

Les mots disent plus qu’il n’y parait. C’est une règle qui ne souffre pas d’exception et choisir le juste terme est déjà un pas dans le bon sens.

Lors de mon premier (et seul jusque ici) Conseil des Ministres européens, j’ai timidement demandé la parole pour proposer que dans les documents en langue française, l’anglais « Ageing » ne soit plus systématiquement traduit par « vieillissement ».

Il s’agissait d’examiner le programme « European innovation Partnership on Active and Healthy Ageing ». Dans ce programme plus que dans aucun autre puisqu’il s’agit d’être actif et en bonne santé, le mot vieillissement ne convient pas car il comporte obligatoirement une connotation négative.

J’ai donc proposé « avancer en âge » et à ma surprise, un accueil très favorable des francophones a été fait à ma proposition. Les Belges en particulier sont venus me voir en délégation : « Nous n’avions jamais trouvé de mot qui nous convenait, mais on sentait bien que ça n’allait pas ».

Aujourd’hui je reçois un mail : la traduction dans les documents français sera bien désormais « avancée en âge ». Me voilà toute satisfaite.

Encore un effort et un jour on ne dira plus « tomber amoureux » mais « monter » qui convient mieux à l’esprit de légèreté et à l’énergie de cette circonstance favorable. Et peut être aussi renoncera-t-on au désespérant « tomber enceinte » qui fleure mauvais la fille-mère et la femme abusée.

Mais ce domaine et je le regrette ne relève pas de mon ministère.

 

 

Mini miss et maxistère

Un scoop : 100% des Français ont des parents, qui ont eux-mêmes des parents pour 100% d’entre eux. La certitude statistique est du même ordre que celle édictée par la « française des jeux »: 100% des gagnants ont tenté leur chance.

La conséquence scientifique indéniable de ce constat, lui même scientifique : la question de l’âge et du grand âge touche 100% des Français. Pas une famille qui y échappe, pas un Français qui ne s’en préoccupe.

Conséquence de la conséquence : mon ministère est, entre tous, un maxistère. Il reste sans doute encore quelques grincheux (en général masculins) à ne pas avoir pris la mesure de ce constat à étages, aussi implacable que le calcul des probabilités du regretté Blaise Pascal.

Ce dernier étant de mes familiers, tel miss Maaf, ces grincheux, je les aurai…

Maltraitance : une question de droits

La maltraitance des âgés est multiforme ; mais, comme la République, elle est une, indivisible et indiscutable. Elle se résume bien souvent au non respect des droits fondamentaux.

Droit à la vie privée, droit d’aller et venir librement, droit à la propriété… Consultez la liste, c’est dans tous les cas une utile révision. J’y ajoute les droits des malades qui devraient faire partie de ces droits fondamentaux.

Les évidences méritent d’être répétées : les âgés sont des adultes comme les autres. Renouant avec la tradition et le respect dû aux anciens on peut même dire qu’ils sont des adultes plus que les autres et quand ils n’ont plus la force de faire respecter leurs droits, c’est à nous de le faire pour eux.

Un des droits les plus en danger est celui de la liberté d’aller et venir. Dans combien de maisons de retraite et d’EHPAD cette liberté est contrainte, le plus souvent d’ailleurs pour d’excellentes raisons mais qui toutes ont leurs limites.

La raison la plus souvent évoquée est la sécurité : un âgé troublé, oublieux, peut se perdre. Un âgé fragile, maladroit dans sa marche, voyant ou entendant mal, peut tomber, avoir un accident. Tout cela est vrai. Mais, pour cela, est-il dans tous les cas légitime de l’empêcher de sortir pour retrouver ses amis au bistrot ou tout simplement pour prendre l’air et retrouver les bruits et les odeurs de la ville ?

Lui seul peut en décider. Ou, si nécessité médicale, son médecin. Et encore dans ce cas peut-il outrepasser son avis en déchargeant la responsabilité de celui-ci, comme peut le faire un hospitalisé qui demande une autorisation de sortie et se la voit refuser.

Oui, je sais, il y a des cas où le libre arbitre est compromis : cela relève alors de dispositions légales d’un autre ordre.

Je sais aussi : je pose les principes et ceci n’exclut pas que l’on puisse conseiller à l’âgé de ne pas sortir, lui proposer de l’accompagner ou de remettre son déplacement à un moment où les conditions extérieures de temps ou de luminosité seront meilleures. Mais, en fin de compte, la décision lui revient. Il est libre.

Le maître-mot est lâché. La « maltraitance » prend bien d’autres formes. Celle-ci en est comme une épure. C’est vraiment l’affaire de chacun de considérer chaque « grand âgé » d’abord comme un grand adulte, majeur et vacciné. Et en premier lieu, l’affaire du législateur.

J’y travaille.

 

 

 

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