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Le temps des sheriffs

Pause de midi consacrée au tractage. De l’hôpital Saint André, je rejoins mon équipe place Gambetta.

La place est occupée par un énorme 35 tonnes américain bleu marine. La place, ou plus exactement la chaussée, bloquant la circulation d’une file entière à cette heure de haut traffic. Sur le camion, des affiches Nicolas Sarkozy (la loi n’autorise pourtant pas les véhicules de publicité politique en temps de campagne).

Au pied du camion, son conducteur, chapeau et bottes de sheriff, lien noué au cou, façon Bush ainsi qu’une bonne moitié des conseillers municipaux UMP, très élégants en T -shirt bleu Sarkozy.

Stupéfaction parmi les passants. L’un devant moi appelle la police pour demander qu’on libère la circulation. Je me rends, en effet assez stupéfaite, auprès des conseillers municipaux (Duchène, Delaux, Valade… qui me répondent qu’ils obtenu « un arrêté préfectoral » permettant ce stationnement en pleine chaussée.

Je serais fort curieuse qu’un Préfet, représentant de l’Etat, supposé neutre en période électorale, prenne un arrêté pour autoriser un camion décoré d’affiches partisanes, en période de campagne. Qu’on produise cet arrêté.

Camion et conseillers en T shirts attendaient Juppé. Le sheriff bombait le torse, façon John Wayne de province. Les cris fusent de la gorge des conseillers « Sarko président ».

Notre groupe a été rejoint par beaucoup de passants « Ségolène Présidente ».

Bousculades et bourrades de la part des militants UMP. J’ai été obligée de m’interposer pour qu’il n’yait pas de coups. Je suis assez menue pour qu’on ne se risque pas à me donner des coups. Un militant, particulièrement accord, que nous avons pris en photo, conclut sur cette agréable parole « T’en fais pas, Delaunay, je te retrouverai ! ».

La police finit par arriver et demande au camion de circuler. L’arrêté préfectoral devait, comme je le pensais, être de la fausse monnaie. Le camion fait plusieurs tours de place au pas, avec coincés derrière lui des autobus et des automobiles dont les occupants ont du particulièrement apprécier la conduite.

Que le premier écologiste de France prenne pour la campagne de l’UMP en centre ville un camion 15 tonnes, est un premier bon point. Qu’il bloque la circulation dans la ville qu’il administre, un second. Qu’il choisisse des symboles du western américain , et un chauffeur déguisé en Georges Bush, est plus qu’un mauvais point, un programme de gouvernement.

Ah, les hommes !

Nicolas Sarkozy répète à l’envie que la participation électorale a été élevée parce qu’il a su aborder les vrais sujets et concentrer le débat sur les problèmes qui proccupent « les gens ».

Pas un instant, ne l’effleure l’idée que la nouveauté de la candidature d’une femme, son vocabulaire qui tranche avec le bla-bla habituel (les petites retraites, la vie chère..), quelquefois ses provocations calculées (l’encadrement militaire..) ont fait plus que ses propres prises de parole ? Non, non, à lui seul revient le mérite d’avoir réveillé l’électeur !

Reconnaissons-le : il est très masculin dans sa vision de la politique.

débat final

Je reviens du débat final de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy. Jacques Respaud avait eu la bonne idée d’organiser à la salle Son Tay une soirée publique et nous étions nombreux à y participer.

Ségolène a fait la preuve de sa compétence, de sa capacité de travail et de préparation. Je ne veux surtout pas donner de notes, mais je crois que nous avons tous été heureux de la qualité de sa prestation dans un exercice difficile, peut être même discutable, tellement il est focalisé sur la personnalité et le pouvoir médiatique.

Mais sachant les règles, l’important est de s’y soumettre en même temps que de les dominer. Elle l’a fait.

Bravo !

Liquider mai 68 !

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai eu froid dans le dos en écoutant Nicolas Sarkozy dire qu’il voulait « liquider mai 68, en finir avec la permissivité et le relativisme des valeurs ».

« Liquider » est un mot terrible. On l’utilise pour un otage, un traitre ou un prisonnier dont on veut se débarrasser de manière violente et sans jugement. Beaucoup a été déjà écrit sur le vocabulaire des hommes politiques et on sait que leur choix des mots n’est aucunement anodin, et révèle beaucoup de leur tempérament véritable. Des thêses entières sont écrites sur le sujet.

J’ai saisi au vol ce matin à la radio l’analyse d’un chercheur qui a passé dans un logiciel toutes les prises de parole de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal. Pour le premier, le mot qui revient le plus souvent est la particule négative « ne » : il ne faut pas, on n’a pas le droit, on ne doit pas… Pour Ségolène, c’est le « nous » de rassemblement : nous voulons, nous pensons…

Nous sommes tous dans l’attente du débat de ce soir. Nicolas Sarkozy fera patte douce car il sait que son caractère rebute et fait peur. Ses « communiquants » l’ont sans doute grandement mis en garde contre toutes les élévations de ton et les mots agressifs. Une analyse filmée de leurs discours au cours des semaines, a déjà démontré combien il avait changé sa gestuelle et supprimé les doigts pointés vers le public et l’écran et les mains jointes et raides dirigées comme un pistolet vers l’interlocuteur.

Les slogans de 68 étaient tous extrèmememnt inspirés. « Mettre les villes à la campagne » ou encore « Soyez réalistes, demandez l’impossible », « Pas besoin de penser pareil pour pousser ensemble ».. .

Dans le commentaire d’un billet précédent, Eric proposait d’y substituer, si par mégarde Sarkozy est élu « Tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire ». Ca promet..

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel