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30 avril 1907

Mon père, Gabriel Delaunay, aurait cent ans aujourd’hui. Peut-on imaginer ce qu’a été la marche du monde dans ces cent ans ? Entre la petite ferme de Vendée, « sans commodités », comme on disait, le marché aux bestiaux où mon père accompagnait son père, l’âtre où l’on se réchauffait, les draps de chanvre pesant des tonnes que l’on lavait dans l’eau glacée du lavoir, et notre vie d’aujourd’hui, on pourrait imaginer des siècles. La pauvreté a changé de visage, le monde de rythme, beaucoup de mots n’ont plus le même sens et beaucoup se sont perdus.

Mon père est l’image du meilleur du XXème siècle : ce que l’on appelle « la méritocratie républicaine ». Un enfant reconnu par son instituteur, poussé par lui à devenir aussi instituteur, puis passant les concours … Tout ce que je voudrais « rendre », ou en tout cas rendre possible, aux enfants « défavorisés » d’aujourd’hui. Il aurait horreur que j’utilise ce terme. Il avait eu une enfance pauvre mais pas « défavorisée ». C’est sans doute obscurément pour cela que je déteste ce mot, finalement très dépréciatif. La pauvreté n’est ni une qualité, ni un défaut, c’est un état, gravement, profondément exigent et, je le crois, indélébile.

Il m’a appris la simplicité, le naturel, l’attention aux autres, la volonté de ne jamais blesser en paraissant supérieur ou paternaliste. Du moins, il était ainsi. Quand on me parle de lui, trente-cinq ans exactement après qu’il a quitté ses fonctions à Bordeaux, j’en suis émue.

Le Conseil municipal m’a empêché d’aller en Vendée aujourd’hui. Il a souhaité, comme les aborigènes, retourner d’où il était venu. Ces quelques lignes, c’est « le bouquet de houx verts et de bruyère en fleurs » que je dépose sur le grès noir de sa tombe.

Je n’aurais pas pu ne pas en parler aujourd’hui.

Tout autre choix ne serait pas très raisonnable

L’absolue certitude qu’il faut que nous nous battions pour rester libres, pour rester des gamins, des gosses insolents, des esprits insoumis.. Tout cela est à la fois très enfantin et peut paraitre très pompeux..

Dans le vote de dimanche prochain, les libertés fondamentales ne sont pas en cause, je ne crois bien évidemment pas que la démocratie soit menacée, mais l’esprit de la démocratie, un peu. Je voudrais que ce pays, cette ville, demeurent ou deviennent un pays, une ville, à la fois de pionniers (qui se bougent, qui bossent, qui sont inquiets, entreprenants, désireux..) et un pays, une ville, libertaires (qui se moquent, qui sont fiers, qui se sentent forts..).

Est-ce bien raisonnable ?

Il a plu sur Bordeaux. L’air est rafraichi et léger. N’y a-t-il pas une publicité (pour le TGV je crois) qui dit « tout autre choix ne serait pas très professionnel » ? Ni très raisonnable.

Je crois ça très fort.

Choisissons le choix le plus libre.

Juppé comminatoire

A-t-on suffisamment remarqué cette phrase, ce matin en conseil de CUB : « Monsieur le Président, JE VEUX que pour les élections municipales 2008, le tri sélectif soit étendu et fonctionne dans tout Bordeaux » ?

Le Président, c’est Alain Rousset.

Le « Je » comminatoire, de ce « je veux » , c’est Alain Juppé.

Non, Juppé n’a pas dit « pour l’intérêt des Bordelais », ni « pour l’intérêt de la planète », ou « pour le développement durable » , mais « POUR LES ELECTIONS MUNICIPALES 2008 ».

Toute la conversion écologique d’Alain Juppé est dans ce raccourci. Et beaucoup plus que cela. Quiconque s’adresserait à lui comme il s’est adressé à Rousset serait tancé d’irrespectueux, d’immoral…

A défaut de l’Etat, la Ville, c’est Moi !

François Hollande

Beau, très beau meeting ce soir autour de François Hollande. Les lecteurs du blog auront remarqué que je ne suis pas une adepte de l’adoration de masse, ni du compliment au mêtre. Mais ce soir était un beau soir, autour d’une personnalité certainement fort complexe, mais fondamentalement généreuse d’elle-même, ce qui est pour moi une des clefs d’une grande personnalité politique.

Je ne connais pas François Hollande, en dehors d’un nombre déjà conséquent de rencontres et de meetings à Bordeaux. La première remonte à 2001 : je venais de débarquer sur la liste municipale de Gilles Savary, comme un OVNI tombé de la planète médecine. On ne se bousculait pas pour soutenir Gilles dans la difficile bataille contre Alain Juppé. Hollande était venu, pour une rencontre, attentif à chacun, paraissant connaitre tout le monde, et surtout laissant ceux à qui il avait parlé plus heureux, plus détendus qu’ils ne l’étaient avant ce court échange. Les deux personnalités sont différentes en tout, mais Jacques Chaban Delmas avait aussi ce pouvoir : faire plaisir, être agréable par sa seule proximité. Je ne trouve sans doute pas les mots exacts, mais c’est une chose très importante et très frappante.

Hollande a en plus de cette gentillesse naturelle, deux incroyables qualités : c’est un grand orateur et il est plein d’un humour fin, toujours à propos, jamais acide. Désarmant.

Un trait de cet humour, lorsqu’il venu il y a une semaine à Merignac. Nous faisions une photo de groupe, lui bien sûr au premier rang. Tout d’un coup, il fait semblant d’avoir reçu un coup de poignard dans le dos, et il se retourne vers une militante fabius d’un courant un peu éloigné de lui dont il avait deviné la présence. « Ah, Fabienne, il n’y a que toi, pour faire ça aussi bien.. ». On peut ne pas le croire, mais c’était désarmant de gentillesse. Fabienne, qui avait en effet guerroyé avec lui, a éclaté de rire. De tout autre, cela aurait pu paraître une vacherie ; ça ne l’était pas . Au contraire, cela a désarmé toutes les tensions qui pouvaient rester entre eux.

On se doute que Fabienne n’est pas le prénom de la militante. Je l’ai choisi à cause de la place du Colonel Fabien, sans savoir pourquoi d’ailleurs…

Ce soir, c’était Hollande l’orateur, épuisé, la voix cassée, transpirant dans une salle surchauffée mais forte de plus d’un millier de militants. Avant le meeting, il était venu à notre permanence de la rue Nancel Pénard : il ne pouvait déjà presque plus parler, on avait envie de demander à tout le monde de partir pour lui permettre de se reposer. Il n’a pas fait de pause et il est aussitôt parti à Mérignac où avait lieu le meeting

Hollande ne fait jamais deux fois le même discours. Comme tous, il a certainement en tête des pièces du kit, des morceaux qu’il recompose au gré de son improvisation. Mais l’essentiel du discours vient au fil de l’esprit et du verbe. Toujours émaillé de traits d’humour, très fins, et auxquels il donne du relief par des changements de ton, dignes d’un grand comédien. Mais Hollande n’est pas un comédien.

On a compris que j’ai de la sympathie pour lui. J’admire en particulier en lui , comme en Ségolène d’ailleurs, l’absence de toute familiarité, de toute complaisance, susceptibe de livrer au public le lien entre eux. Sa seule « privauté », fut un quart d’instant de silence entre deux membres de phrase « Je suis fier -silence- en ma qualité de premier secrétaire du parti socialiste -silence- de Ségolène Royal candidate ». J’ai bien conscience de ne pas pouvoir rendre la finesse et la discrétion de ces deux silences. Rien d’autre. On est loin de l’étalage médiatique Cecilia et Sarkozy.

La presse rendra demain le contenu de son discours, d’égale qualité que sa forme. Ce soir je voulais m’en tenir à des notations plus personnelles pour le remercier de nous avoir tous portés et enchantés.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel