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Après Toulouse

« Nous voulons répondre à la haine par la proximité. Nous voulons répondre à la haine par la cohésion. Nous voulons montrer où nous en sommes. La France est un pays en deuil. Nous pensons à tous ceux qui sont en deuil, à tous ceux qui ont perdu un enfant, un proche.

Il y aura un avant et un après le 19 mars. Et après ce jour, Nous ne pourrons plus jamais nous permettre d’estimer que nos opinions, nos postures, nos paroles sont sans signification. (…) Nous devons être armés par cette conscience, pour défendre cette société libre et ouverte que nous aimons tant. (…)

Nous nous trouvons devant un choix. Nous ne pouvons pas faire revenir ce qui est perdu. Mais nous pouvons nous décider ce que cela signifiera pour notre société et pour chacun d’entre nous. Nous pouvons nous décider que désormais, plus que jamais, personne ne sera seul. Nous pouvons décider que nous vivrons véritablement, profondément ensemble. Nous pouvons décider que nos lois, nos choix, nos exigences ne seront pas modifiées

Chacun de nous a à prendre cette décision, personnellement, au profond de sa conscience. Vous, moi, ensemble, tous les jours, nous aurons à nous acquitter d’un devoir. Ce devoir, nous devrons l’accomplir lorsque nous serons ensemble pour dîner, chez nous, à la cantine, dans nos associations, hommes et femmes, à la campagne comme en ville.

Nous voulons une France dans laquelle nous vivions ensemble dans une communauté où nous avons la liberté d’avoir des opinions et de les exprimer. Où nous considérons chacune de nos différences comme une chance. Dans laquelle la liberté est plus forte que la peur¨.

J’ai changé la date, j’ai changé le nom du pays, rien d’autre. Voilà ce que j’aurais aimé entendre, ce que j’aurais voulu dire moi même, hier au sortir de la synagogue de Bordeaux, aujourd’hui place de la République.

Ces paroles, je les ai déjà citées. Elles sont celles du Prince héritier Haakon de Norvège au lendemain de l’abominable tuerie d’Oslo, perpétrée par ce criminel fou Anders Behring Breivik.

Relisons ses paroles et ayons conscience, plus que jamais dans ce temps d’élections présidentielles di devoir qui est le nôtre.

Algérie : le deuil impossible

Je n’en ai presque jamais parlé, jamais écrit si ce n’est à quelques amis algériens morts aujourd’hui, je n’y suis jamais allée avant et pendant la guerre, et pourtant l’Algérie fait partie des fils de trame qui ont tissé ma vie.

De près ou de loin. Dès l’enfance et longtemps après. Dès les premières années de la guerre, je connaissais le nom de toutes ses villes. Le téléphone sonnait, quelquefois la nuit, pour avertir mon père qu’un soldat du contingent né en Basses-Pyrénées (elles s’appelaient ainsi et nous habitions Pau) avait été tué à Biskra ou à Philippeville. Mon père à son tour prenait son téléphone..

D’autres souvenirs… J’ai suivi entre 54 et 62, la guerre d’Algérie pas à pas. Dix ans après, j’y suis partie à la fois sur les traces de Camus et sur celles de ses villes qui avaient changé de nom. J’y suis retournée à plusieurs reprises pour les mêmes raisons, j’y ai visité les caches des Moudhahidin dans les montagnes de Kabylie avec l’un d’entre eux, j’ai grimpé les escaliers qu’avait grimpé Camus à ses diverses adresses, je me suis abonnée aux journaux, j’ai beaucoup lu..

A Bordeaux, pendant ce temps, le Grand Parc qui allait recevoir de nombreux rapatriés et le pont d’Aquitaine se construisaient. Je suivais mon père sur ces chantiers dont il ressentait une grande fierté.

A Alger, les rues ont changé de nom. Mais je connais l’histoire de ceux dont elles portent aujourd’hui le nom, comment ils sont morts et, autant que faire se peut, qui ils étaient. Didouche Mourad, Amirouche et ceux, aussi, qui n’ont à ma connaissance pas de rue à leur nom, comme Krim Abdelkassem, le Kabyle.

Dans les journaux, apparait aujourd’hui la légendaire photo des négociateurs des accords d’Evian. Sans doute rien d’autre n’était possible mais la suite a montré qu’ils n’avaient réglé qu’une part de ce qui devait l’être, qu’ils étaient sans doute trop tardifs, que ce qui est venu après fait qu’aujourd’hui, de ce côté et de l’autre de la Méditerranée, personne n’en fait victoire.

J’étais presque de la génération des « appelés du contingent », en tout cas, tant de mes amis médecins « sont allés là bas », y ont passé quelques mois ou quelques années, dans l’atmosphère apparemment biblique de l’Oranie, dans les gorges des Aurès, dans les montagnes de Kabylie. Pendant des années, eux non plus n’ont rien dit. Comme le feront sans doute nos soldats de retour d’Afghanistan.

J’aime l’Algérie comme un parent qu’on a trop peu connu et qui a fait sa vie loin de vous. Aujourd’hui, l’immense majorité des Algériens n’était pas née dans la période de la guerre et tarde à s’en réjouir car la « liberté » n’a guère de sens si elle n’est accompagnée d’un avenir, d’une bonne vie, de l’espoir d’une meilleure encore.

Algérie. Le deuil impossible d’une enfance qui est déjà d’un autre temps.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel