Des décisions contestées
Sud Ouest, le 22 décembre 2008
IMMIGRATION. Les travailleurs sans-papiers jugent arbitraires les réponses aux demandes de régularisation
C’est l’histoire d’un employé de l’hôtellerie âgé de 22 ans, étranger, sans-papiers, en France depuis quelques années. Il paie ses impôts et dispose d’un contrat d’embauche comme « valet » dans un hôtel de luxe de Bordeaux, où « sa livrée l’attend ». Il est aussi « adopté » par une personne âgée de la ville, dont il s’occupe. Mais la préfecture a refusé récemment la régularisation de sa situation.
Ou c’est encore la course d’obstacle d’un ouvrier du bâtiment, spécialisé dans les micropieux : il paie ses impôts, a des enfants, s’exprime dans un français impeccable, mais n’arrive pas à obtenir un titre de séjour.
Découragement
Deux mois après la naissance du Collectif des sans-papiers bordelais, le découragement perçait lors d’une conférence de presse (lire « Sud Ouest Dimanche » d’hier).
Sur 25 dossiers présentés, 4 ont reçu un avis favorable, 6 sont « en attente », 15 ont été rejetés. Tous pourtant « bien étayés, argumentés, rentrant complètement dans le cadre des décrets, et qui auraient été régularisés à Paris », selon Christine Milhé, de l’Association de soutien aux travailleurs immigrés.
Il y a là la députée socialiste Michèle Delaunay, Naïma Charaï la députée suppléante de Noël Mamère, Nathalie Victor-Retali, élue communiste bordelaise. Qui confirment les mêmes obstacles dans leurs propres démarches. Toutefois, l’arrivée d’un nouveau préfet délégué pour la sécurité et la défense fait planer l’espoir d’une gestion moins « sévère ».
Les premiers concernés sont une quinzaine. Tous Africains ou Maghrébins. « C’est l’arbitraire », lance un Algérien… pourtant régularisé.
La crise, un espoir
Tous jugent que la préfecture de la Gironde traite plus sévèrement qu’ailleurs les demandes de régularisation. « Certains, après plusieurs années de boulot, reçoivent des récépissés provisoires de titre de séjour, qui ne leur permettent pas de travailler ! Qu’est-ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’on doit cacher qu’on change de travail ? Si le patron fait faillite ? »
Sentiment politique général : « tant qu’on reste des sans-papiers, on nous laisse travailler, mais sans droits ». L’un d’eux confie : « bien sûr, on a l’aide médicale d’état. On peut dire qu’on en profite. On a un travail. On peut dire qu’on en profite. Mais nous, on préférerait être normalement des travailleurs, des cotisants ». Sans la peur des contrôles, des expulsions.
Ils expriment un espoir : « Avec la crise, les gens vont réaliser que ce ne sont pas les sans-papiers qui leur prennent leur emploi. » Le 26 janvier, le collectif ira déposer un nouveau lot de dossiers.