Le tabac tue un fumeur sur deux : il y a urgence
J’ai déposé trois amendements au Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (PLFSS), que je défendrai mercredi dans l’hémicycle, pour prendre, enfin, les seules mesures radicalement efficaces dans la lutte contre le tabac.
Ci-dessous un article paru, en avant-première, sur Lemonde.fr reprenant les objectifs de mes amendements.
Et si le prix du tabac était fixé en fonction de son coût pour la collectivité ?
LE MONDE | • Mis à jour le
Par Laetitia Clavreul
Alors que le gouvernement cherche encore et toujours à réaliser des économies, un groupe de députés, à l’initiative de l’ancienne ministre Michèle Delaunay (PS, Gironde), a décidé de profiter de la discussion à l’Assemblée nationale du budget de la Sécurité sociale 2015, qui a commencé mardi 21 octobre, pour mettre les pieds dans le plat.
Ils ont déposé un amendement qui réclame que le prix du tabac prenne en compte son surcoût pour la collectivité. De quoi redonner des marges de manœuvre à l’assurance-maladie pour financer l’accès du maximum de patients aux technologies thérapeutiques innovantes mais chères.
« Le prix du paquet de cigarettes et des autres produits du tabac (tabac à rouler, cigare…) est désormais fixé de manière à compenser le coût sanitaire et social, minoré des recettes liées au tabac », précise l’amendement, signé par vingt-neuf députés, dont une UMP, quelques écologistes et des socialistes de toutes tendances. « Le coût du tabac, c’est trois points de PIB et trois fois le trou de la “Sécu”, lance MmeDelaunay. Et personne n’a jamais pris l’initiative, difficile et courageuse, d’une forte hausse en une seule fois. » Or, l’on sait que c’est au-delà d’une augmentation de 10 % qu’un véritable impact sur la consommation peut avoir lieu.
« Si l’émission “Cash investigation” [diffusée le 7 octobre sur France 2] a brisé le tabou sur les méthodes des lobbies du tabac, il faut maintenant lever celui sur le prix. Tout le monde croit qu’on n’agit pas contre le tabac parce que ça rapporte plus que cela coûte au pays, du fait de la fiscalité. Faisons la preuve du contraire », ajoute la députée, par ailleurs cancérologue.
DOUBLER LES DROITS DE CONSOMMATION
Parallèlement au dépôt de l’amendement, elle a demandé au gouvernement et à la commission des affaires sociales une étude, publique et indépendante, pour évaluer de façon précise le coût sanitaire et social du tabac pour l’assurance-maladie et la collectivité dans son ensemble (entreprises, individus…). Un exercice fort difficile. La dernière évaluation a été réalisée par les économistes Pierre Kopp et Philippe Fenoglio à partir de données de 2000. Ils avaient évalué le coût du tabac à 47,7 milliards d’euros par an. M. Kopp devrait publier en février 2015 une nouvelle estimation, avec de nouveaux paramètres de calcul.
Pour Michèle Delaunay, il conviendrait de déduire de l’évaluation qu’elle réclame le coût des recettes liées à la vente, bien sûr, mais aussi les bénéfices liés au non-versement des pensions de retraite pour les morts prématurés du tabac. En attendant de préciser et de consolider le coût du tabac, l’idée serait de proposer le doublement des droits de consommation (taxes hors TVA), qui s’élèvent pour 2013 à 11,2 milliards d’euros. Ce qui, grossièrement, ferait passer le prix d’un paquet de 7 euros aujourd’hui, à environ 11,50 euros. Du jamais-fait.
Lire aussi : La délicate évaluation du « coût social » du tabac
Le gouvernement a bien proposé, à la fin de septembre, un plan volontariste de lutte contre le tabac, avec l’instauration du paquet neutre. Mais il n’a pas décidé de jouer sur le prix. Une hausse de quelques dizaines de centimes pourrait avoir lieu en janvier 2015. Le tabac fait soixante-treize mille morts chaque année, et contrairement au Royaume-Uni, la France n’a pas réussi à réduire fortement la part de fumeurs dans la population (28 % en 2012).
L’EXCEPTION CORSE
A ceux qui rétorqueront qu’un doublement des taxes ne ferait que favoriser encore davantage l’achat des cigarettes à l’étranger, Mme Delaunay répond : « Il faut espérer que les autres pays suivront, car tous sont confrontés aux mêmes dégâts sanitaires. »
La polémique ne lui fait pas peur. Deux autres amendements sont aussi présentés, l’un pour aligner les taxes des cigares et cigarillos sur celles des cigarettes et du tabac à rouler, et un autre, signé cette fois par seulement deux autres députés, réclamant que les taxes applicables en Corse soient alignées sur celles qui ont cours en France continentale. Aujourd’hui, un paquet qui coûte 7 euros sur le continent peut être vendu seulement 5,25 euros sur l’île.
Présenté en commission des affaires sociales, l’amendement sur le prix global du tabac n’a pas été voté. Trop excessif. Il devrait logiquement ne pas l’être dans l’Hémicycle non plus. Qu’à cela ne tienne, le débat en tout cas aura lieu. Et la députée prévoit déjà de redéposer son amendement sur le coût du tabac lors du débat sur la future loi santé, au début de 2015.
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