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La mort

« La mort, cette aventure horrible et sale ». Cette toute petite phrase des Carnets de Camus, je l’ai rencontrée incidemment dans le jardin d’un hôtel en Irlande. Sans doute y étais-je préparée, il y a depuis peu de jours où je n’y pense et où je la répète intérieurement.

La mort, que j’ai choisie de mettre toute nue en titre de ce billet, la mort est de moins en moins parlée, prononcée et peut-être pensée. Absente des faire-part de deuil, des lettres de condoléances, des pages entières de journaux où de longues colonnes de petits encadrés qui ressemblent à des tombes de dimension proportionnelle à l’importance du défunt, relatent « décès » et « disparitions », nulle mort, rien de cette brutalité de l’aventure horrible et sale qu’anticipait Camus.

Plus qu’une autre sans doute (encore que, même de cela, quelle certitude ?), par mon métier, ma spécialité, aujourd’hui mon Ministère, j’ai été familière du mot et de la chose. Aussitôt écrite cette phrase d’ailleurs, j’ai envie de corriger « moins qu’une autre sans doute, j’en ai été éloignée ».

Chaque Toussaint, comme tant d’entre nous, j’ai avec elle un rendez-vous particulier. Hier sur une route drue de pluie en direction de la Vendée, à Bordeaux, j’avais en tête une autre phrase  d’Hugo à sa fille Adèle: « Vois-tu, je sais que tu m’attends… »

La crémation le dispute aujourd’hui à l’inhumation. Un très beau papier du « Monde » s’interroge sur le(s) sens de ce brutal virage d’une tradition multi-séculaire à une pratique qui demeure peu coutumière des villages mais majoritaire dans les villes. Volonté  de manifester plus brutalement l’irrémédiable de la mort, désir secret de la soustraire plus vite au regard, au souvenir, de n’être plus engagé à un rendez-vous, un lieu pour ce rendez-vous, une tradition, presque un rite ?

Il pleut dans mon jardin. Pluie d’automne, pas encore froide, déjà triste. Dans la nature, tout est rite. Les roses trémières ne sont pas disparues qu’on en sème les graines généreuses. Le bois des arbres morts donne à la maison une chaleur crépitante et vive qui prépare longtemps à l’avance la fête très païenne de Noël.

J’avais envie de partager cet instant.

 

 

 

 

 

Programme court pour Tati Danièle

L’étude des facteurs du vieillissement (ou, vu d’un oeil plus positif auquel je m’astreins résolument, de la longévité) constituent une vraie leçon de vie. Jardinage, activité physique, attitude active sur internet, 2 verres de vin de Bordeaux par jour, repoussent toutes les formes de démence et assurent chacun individuellement un sympathique petit tas de bonnes années de vie. C’est dire que tous ensemble ils garantissent l’avenir de Jeanne Calmant ou celui des vieillards d’Okinawa.

Il ne faut pourtant pas s’en tenir là. Plus démonstratifs encore sont les facteurs négatifs, au premier rang desquels le pessimisme, la propension à la critique, au regret paralysant et pour tout dire, les mille variantes des caractères grincheux ou acariâtres qui pourrissent la vie non seulement à eux-mêmes mais à ceux qu’ils approchent. Les bénévolents (ceux qui veulent du bien aux autres et qui voient le bien là où les grincheux voient d’abord le mal) ont un score de longévité au moins égal aux amateurs de bordeaux. Il y aurait d’ailleurs un lien que ça ne m’étonnerait qu’à moitié.

Ces nouvelles paraissent hautement favorables. Pour autant elles me remplissent d’inquiétude quand je parcours tant de commentaires acariâtres sur les médias sociaux ou les journaux en ligne. Basheurs professionnels, destructeurs et réducteurs systématiques, petits esprits à courte vue, y sont si nombreux que j’en viens à m’inquiéter pour l’espérance de vie de nos concitoyens. La France est aujourd’hui dans le top ten des pays à forte longévité : ça ne devrait pas durer à en croire l’humeur délétère qui parfume notre vie politique et la vie tout court de beaucoup.

C’est un appel aux Tati Danièle de tous poils (et généralement du mauvais) que je lance  du haut à la fois de mon Ministère et de l’Université. Aigritude, ronchonnerie, usage systématique du petit bout de la lorgnette, en plus de vous faire perdre chaque jour du temps, amputent chaque fois de trois mois votre légitime espérance de vie.

Finalement, peut-être n’est-il pas déraisonnable de croire à une justice immanente.

 

Le modèle allemand

L’histoire remonte aux années 70, en pleine crise pétrolière. L’Allemagne se déchire devant le nombre élevé de ses chômeurs, la panne de croissance, le pouvoir d’achat qui s’effondre…  Couacs, mauvais chiffres, les ennuis du lendemain peinent à chasser ceux de la veille. Helmut Schmidt, alors chancelier de la République fédérale est tancé par sa gauche, vilipendé par la droite, remis en question au sein même de sa majorité. Surdité pour les uns, indécision pour les autres,

Il décide de frapper un grand coup et de marquer l’opinion par un fait ayant la solidité des chiffres et que personne ne puisse contester. Il convoque la presse au bord du Rhin dans la capitale d’alors, Bonn. Les médias sont rassemblés, un rang de Ministres attend en ordre protocolaire le long de la rive.

Une Mercédès noire apparait et se gare en silence. Helmut Schmidt descend, échange quelques poignées de mains et s’avance vers le  fleuve. La foule de journalistes, autant que les Ministres, est médusée.  La surprise est à son comble quand le chancelier s’engage sur les flots d’un pas ferme, progresse vers le milieu du fleuve qui est à Bonn large et majestueux et, parvenu précisément à mi-distance des rives, fait brutalement demi-tour.  Il reprend  du même pas assuré sa marche sur les eaux et sous les flashes qui crépitent regagne la terre.

Quelques poignées de main encore, dans un absolu silence. Le Chancelier remonte alors la rive. Sans mot dire, il s’engage dans son véhicule et la Mercédès repart.

Quelques heures plus tard, l’expédition fait les gros titres de la presse.

La « Frankfurter Allgemeine » , marquée pour son conservatisme intransigeant, titre sur 5 colonnes : « Crise en Allemagne : A son habitude, le Chancelier évite de se mouiller »

Le Stuttgarter Zeitung, moins catégorique mais tout aussi négatif  :   « Devant ses Ministres, le chancelier rebrousse chemin sans atteindre l’objectif »

Le magazine people « Bild »  : « Sur le Rhin, Schmidt évite de peu la noyade ». 

Quant au quotidien économique « Handelsblatt »  (l’équivalent de nos « Echos ») : « Le volte-face de Schmidt ruine la confiance des marchés. Le DAX perd deux points »

Depuis ces temps de crise, le Rhin a charrié bien des eaux, hautes ou basses. L’Histoire, quant à elle, retient qu’Helmut Schmidt fut un grand Chancelier.

 

 

 

La loi autonomie, ses trois volets et son agenda, sont sur les rails

Moins de 18 mois après notre arrivée « aux affaires », la loi « autonomie » et ses 3 volets vient d’être mise aujourd’hui 14 octobre officiellement sur les rails par le 1er Ministre lors d’une conférence de presse à l’hôtel Matignon.

Une loi d’orientation et de programmation qui, outre les dispositions législatives « dures » exposera tout l’ensemble de notre politique de l’âge.

Le champ complet de l’avancée en âge sera couvert par les trois volets de la loi : anticipation (et prévention), le moteur de la loi; adaptation de la société à la longévité qui est le plus beau cadeau que nous a fait le XXe siècle ; accompagnement de la perte d’autonomie. Ce « triple A » marquera une avancée sociale et sociétale majeure pour notre pays qui est un des premiers du monde en terme de longévité.

Le domicile est au coeur de la loi : adaptation des logements, accès aux aides techniques (ce qui constituera un levier positif pour la silver économie), amélioration des dispositifs d’aides à domicile. Les mesures concernant l’accueil des grands âgés en établissement seront posées mais prendront effet dans la 2ème moitié du quinquennat du fait des contraintes financières, comme l’avait d’ailleurs indiqué le Président de la République dès janvier 2012.

Le défi démographique est au moins aussi décisif pour cette première moitié de XXIe siècle que le défi énergétique. Malgré la situation difficile de notre pays (moins d’argent et plus d’âgés !) notre Gouvernement a choisi de le relever.

Vienne la nuit, sonne l’heure

Hier à Lille, en introduction aux Universités d’été de la maladie d’Alzheimer, nous avons écouté quelques minutes Geneviève Laroque.

Pour lui rendre hommage, Emmanuel Hirsch avait choisi quelques minutes d’enregistrement de la présence de cette grande dame lors d’une Université précédente. Cette grande dame mêlait les vers d’Apollinaire à son propre discours, sur le même temps, naturellement.

Je me suis aperçue qu’il ne me restait que des lambeaux de ce poème et j’en ai recherché le texte complet. Je vous le confie. Comme un secret, comme une confidence.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

 

 

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