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Place et rôle des âgés (II) – Pistes de travail

Demain, 30% de la population de plus de 60 ans ; un « indice de dépendance économique » (rapport inactifs/actifs, en se basant sur un taux de chômage de 8%) de 1,9, c’est un vrai basculement des générations  que nous sommes en train de connaître.

Ces chiffres, auxquels s’ajoute l’espérance de vie moyenne de 30 ans à la sortie de la vie professionnelle, posent comme une exigeance et une urgence de repenser la place et le rôle des âgés dans la société.

Repenser ? C’est à dire concevoir des outils qui ne fassent plus du départ en retraite une barrière étanche entre activité et non-activité et, peut-être surtout, valoriser l’activité non strictement professionnelle et le rôle des âgés. Ces sujets ne sont pas légers. Ils ne trouvent jusque-là en réponse que des points de vue catégoriques, en décalage complet des réalités démographiques et … des véritables souhaits des âgés.

L’indice de dépendance économique, évoqué plus haut, met à la charge d’un actif (personne en âge de travailler et non chômeuse) deux inactifs (personnes non en âge de travailler pondérées par un taux de chômage prévisible, 8% ici). Ceci me parait la raison la plus évidente plaidant en faveur d’un allongement de la durée de cotisation-retraite). Ce n’est pas le coeur de mon sujet -il est d’ailleurs hors de mon champ ministériel- mais il ne peut être négligé.

Je donne ici quelques pistes de travail, que j’exposerai lors du séminaire du 19 août ou présenterai par écrit si le temps ne permet pas à chacun de s’exprimer. Je serais grandement heureuse qu’elles suggèrent aux lecteurs du blog des réactions et surtout des propositions.

-Instiller de la perméabilité entre emploi et retraite pour éviter que celle-ci soit vécue comme une porte qui s’abat sur la figure. Le contrat de génération qui s’est mis en place cette année (maintien dans l’emploi d’un senior et embauche d’un jeune dans des conditions fiscales préférentielles) en donne la direction. Le tutorat des plus âgés, leur rôle dans la formation des plus jeunes est l’exemple même du « gagnant-gagnant ». L’âgé y voit la reconnaissance du savoir-faire acquis au cours des années, le jeune y trouve une formation individualisée, ciblée sur des compétences qu’il va tout de suite mettre en œuvre. Ce rôle de formateur des âgés peut-être utilisé au-delà du départ en retraite de bien des façons: sous forme de temps partiels, de périodes de formation ou de stages qui assurent une transitition entre l’activité et la post-activité en permettant un complément de salaire, le prolongement de l’utilité sociale et la transmission de savoir.

-Assouplir les règlements qui par exemple ont empêché des enseignants retraités qui demandaient bénévolement à assurer le temps périscolaire manquant pour la mise en place des nouveaux rythmes scolaires. Cela n’aurait rien coûté aux municipalités, permis la mise en place sans heurts de nouveaux rythmes, unanimement salués comme bénéfiques.

– Créer des lieux où des âgés puissent recevoir les enfants au sortir de l’école, les faire goûter, les aider pour leurs devoirs, sur le modèle des « maisons des grands-parents » que j’ai vu au Québec à proximité des écoles à fort taux d’échec ou de décrochage scolaire

-Rendre systématique la préparation à la retraite dans le privé comme dans le public. Y ouvrir des possibilités d’activité « de transition » comme évoqué dans le 1er point.

-Valoriser l’engagement bénévole. Deux points à ce sujet : définir un statut du bénévole et créer un service civique senior non rémunéré (éventuellement défrayé) permettant de reconnaître le bénévolat citoyen (illettrisme, travail auprès des âgés…) en le différenciant du bénévolat sans objet civique notable (amicale de la pêche au goujon.) et le bénévolat à caractère formateur intergénérationnel. J’ai évoqué déjà cette possibilité auprès de la Ministre Valérie Fourneyron et de Martin Hirsch. J’espère que nous pourrons bientôt y travailler concrètement.

-Reconnaître et célébrer l’action des âgés dans toutes les disciplines. Je pense d’abord à la culture et j’aurais été par exemple très heureuse qu’Emmanuelle Riva reçût l’Oscar d’interprétation pour « Amour ». Même chose pour tant d’autres, de Michel Serres à Régis Debray que l’on ne pense jamais à « couronner » et à mettre suffisamment en valeurs. Oui l’âge a du talent, l’âge magnifie plus souvent qu’il n’amoindrit et qu’il réduit. Qui le dit ?

– Refuser une limite d’âge en politique. C’est le nombre de mandats identiques successifs qui est le danger. Si un octogénaire souhaitait se présenter pour la première fois aux législatives et était élu, c’est assurément qu’il avait l’énergie pour accomplir son mandat. Je vais même vous dire un secret : après la démission de Jérôme Cahuzac, je pense qu’une seule personne aurait été élue à gauche à Agen : ce même Michel Serres, son accent rocailleux et sa pétillante intelligence. Je n’ai osé ni lui en parler, ni en parler tout court.

– A vrai dire, je dirais même : refuser toute limite d’âge, laquelle est stricto sensu une discrimination justiciable du Défenseur des Droits et de la Cour européenne des droits de l’Homme. Mais l’affaire n’est pas simple….

Dans tous les cas, il faut sortir des sentiers usuels. La nouvelle transition démographique est bien une révolution qu’il faut aborder en faisant fi des pesanteurs, des vérités révélées et d’un certain nombre de principes qui ne sont que des contraintes.

Ce n’est pas gagné mais on peut essayer. De toutes manières, nous n’aurons pas le choix.

 

Mon chien Dixie

Oui, mon chien Dixie a griffé la lèvre supérieure d’un enfant de 9 ans sur la plage d’Hossegor dimanche 11 aout à 13h 30. Hier, c’est à dire 48 h après, la petite blessure, longue de 7 mm, superficielle, ne justifiant aucun point de suture, était parfaitement cicatrisée, sans inflammation périphérique, ni aucun autre signe fâcheux.

L’enfant, que j’ai longuement rencontré depuis, faisait du skin board et glissait sur une fine lame de bord de mer à toute vitesse. Dixie a voulu courir après lui, L’attache de sa laisse s’est rompue et il a échappé à la main de Klaus qui le tenait.

Il y a quelques mois, sur le pas de ma porte à Bordeaux, Dixie a sauté sur le bras d’un agent municipal qui s’avançait vers moi, tenant dans sa main un talkie walkie que le chien a considéré comme inamical. Nulle blessure, nulle éraflure du vêtement de l’agent, pas même une trace de poussière.

Dans les deux cas, des gros titres, des gros mots : morsure, canines .. Ce matin sur France Inter, le temps consacré était égal à celui attribué à l’Egypte et à l’évacuation sanglante des pro-Morsi.

Être Ministre des personnes âgées justifie-t-il une telle intrusion dans de si modestes événement de ma vie, de la très petite tranche de vie que l’on puisse encore considérer comme personnelle ?

J’assume complètement mes responsabilités.  S’il n’en fût rien pour le policier municipal, l’enfant a eu très peur et à posteriori sa Maman aussi. Le chien, dont je suis séparée toute l’année, venait me rejoindre sur la plage à la fin de ma marche matinale. On se doute que s’il avait mordu l’enfant  comme le policier municipal, l’affaire serait tout autre. Mon chien rivalise de poids avec moi et me dépasse largement en puissance. Sa denture est celle d’un berger allemand et ses canines ont plus de 2 cm, les traces en seraient dramatiques. Mais Dixie n’a jamais mordu. Ses « papiers » sont en règle. Sa nouvelle laisse ne risquera pas de rompre. Pourrai-je encore lui permettre de me rejoindre dans ma promenade, sans recevoir invitations à la faire piquer, à m’euthanasier moi-même ou à démissionner séance tenante, comme en ce moment sur twitter ?

La réponse est malheureusement non.

 

 

 

Quelle place pour les âgés ? (1)

Quelle place pour les âgés dans 10, 20, 30 ans ? Ce champ de réflexion est un champ vide. Les âgés vivent plus vieux et sont plus nombreux à le faire. Ils sont majoritairement en bon état et désireux d’être plus que d’avoir été. Quelle place, quel rôle pour eux dans une société dont ils constitueront le tiers ?

Dix, vingt, trente ans, ces chiffres ne sont pas choisis au hasard. Outre que le premier nous a été proposé par le Président de la République comme devoir de vacances (Préparer la France dans dix ans), ils couvrent la période où  les enfants des Trente glorieuses de la natalité, les « boomers », arriveront dans le champ de l’âge. La question n’est pas de déterminer comment les occuper comme on le ferait pour des enfants d’école maternelle mais de préparer cette France de demain capable de leur donner autant l’envie que la force d’en être partie constitutive.

Nous ne partons pas de rien : d’ores et déjà les âgés constituent la colonne vertébrale de notre cohésion sociale. Imaginons qu’une seule journée, les plus de 60 ans déclarent la grève générale. Adieu équilibre des familles, accueil des petits enfants, engagement associatif, vie des partis politiques, dynamisme des municipalités…. Je rêve déjà ces bataillons d’âgés de 60 à 120 ans, déclarant forfait, arpentant les chaussées pour le seul et beau motif qu’on mesure l’importance de leur ouvrage.

Et pourtant. Et pourtant, combien qui ne trouvent pas leur place ? Combien vivant leur «mise » à la retraite comme une rupture et un rejet ? Combien dont le rôle se réduit d’un coup à l’échange de petits services et à l’attente de petites actions ? Dont les conversations rétrécissent à l’aune du seul quotidien ?

Quand la vieillesse dure 30 ans, elle n’est plus une part de vie à occuper mais une part de vie à accomplir. Trente ans… Mozart, Schubert, Radiguet en ont-ils eu davantage ? Peut-on imaginer que de ce supplément d’années que nous a donné le siècle dernier à force de progrès médicaux et de luttes sociales, nous en dépensions une seule à guetter le téléphone ou à attendre le prochain repas ?

Je ne crois pas à la vieillesse télé-tennis-tourisme. Outre qu’elle ne concerne qu’une courte fraction des âgés,  elle est fondamentalement sans objet et élargit le trou béant du rapprochement de la mort. Dans je ne sais quel texte, Buzzati saignait à la vue de vieilles Américaines en croisière qui n’auraient personne à qui raconter ce qu’elles ne regardaient même plus. Alors quoi, pour ce tiers-état dont l’Etat, la vie citoyenne, les jeunes, la France, ont si fort besoin dans les 10, 20, 30 années à venir.

Je planche sur ce sujet. Quels moyens pour susciter, valoriser, épanouir l’investissement des âgés ? Quelles évolutions, quelles transgressions pour intégrer ce fait radicalement nouveau -la longévité- dans une société obligatoirement nouvelle ?Quelles règles à dissoudre pour que les âgés ne vivent pas entre deux murs, celui de l’activité professionnelle qui s’est fermée et celui de la réclusion dans n’importe quelle forme d’antichambre de la mort ?

Beau sujet d’été… Oui, parce qu’il y a des réponses. Et s’il y en a dans ma tête, il y en a dans celle des 18 millions de boomers qui continuent à vouloir à être pour quelque chose dans le cours du monde, comme dans celui de leur vie.

(voir aussi : « place et rôle des âgés, pistes de travail »  en date du 14 aout)

 

 

 

Châteaux de sable et autres matériaux

Dans ma prime enfance la mode était aux châteaux de sable. La mode, était-ce la mode  ou bien une certaine forme d’éducation où primait l’activité, le souhait d’apprendre toujours quelque chose aux enfants et de ne jamais laisser la vacuité ni l’ennui les détourner de la construction d’eux-mêmes ?

En tout cas, ce fut mon éducation. Elle était largement partagée : sur cette plage où je suis aujourd’hui, comme sur sa voisine « la plage du lac », moins soumise aux vagues et aux courants, les familles des années 50-60 en villégiature hossegoroise pratiquaient généreusement le château de sable et toutes ses variantes, aussi aléatoires et soumises aux houles et aux marées les unes que les autres. Le quotidien « le Figaro » s’en faisait l’écho en organisant chaque année des concours locaux qui lui valaient une grande renommée, renommée qui retombait sur la pratique du château de sable elle-même selon la théorie du « gagnant-gagnant », depuis lors largement popularisée par Ségolène Royal. Je ne peux d’ailleurs exclure, du peu que je sais d’elle, que Ségolène ait été elle aussi formée à cette forme d’éducation qui en mode plage s’articulait autour du château de sable, de l’apprentissage précoce de la natation et (pour moi) de la peinture des volets ou tout autre petit mobilier que l’on pouvait attribuer aux enfants pour les ripoliner chaque année.

Je reviens à mes châteaux. Depuis bien longtemps, ils ont pratiquement déserté ces rives particulières que sont les plages. Les derniers assidus que j’y ai trouvés sont des familles allemandes, aguerries sans doute aux plages du nord où la question est d’abord de se réchauffer, le père emmenant sa petite troupe armée de pelles et de seaux pour dresser de hautes murailles en face des vagues montantes.

Les plages landaises sont de ce point de vue remarquables. Riches en baînes, en courants insidieux et plats qui se développent en petites lames traîtresses attaquant fortifications et mâchicoulis, j’ai vu à ce combat engagés nombre de jeunes pères outre-rhénans et je médirais de penser que leur fierté comme l’admiration de leur progéniture quand l’ouvrage résistait, n’allait pas sans un certain atavisme.

Mes promenades de ces dernières années sont de tous ces points de vue décevantes . Les Allemands, constructeurs de châteaux ou pas, y sont moins nombreux. Les Espagnols, comme les autochtones, ne vont pas au delà de quelques pâtés. Les grandes fortifications de mon enfance, les œuvres d’art transgressives où m’ont engagée mes parents (corps de femmes allongées, continents reconstitués donnant à l’art pauvre du château de sable une dimension géopolitique que je retrouve aujourd’hui dans les colonnes du Monde) ont désormais déserté les rivages landais plus sûrement encore que les Tartares des frontières de nos secrètes ambitions.

Je me souviens –et des photographies en témoignent- que pour une œuvre de cette sorte, « le Figaro » m’avait distinguée, publiée, saluée. Hélas, je dois à la vérité de dire que plus jamais, moins encore dans les années récentes, il n’a en aucun cas, ni pour aucun autre motif, renouvelé cet hommage .

Juste peine ou peine perdue

Le taux de récidive après incarcération a fait un bond en avant pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy : 56 % en moyenne et 64% après les courtes peines (in: le Monde de ce jour).

Plus de 50% de récidives après la prison dont l’une des missions essentielles est la réinsertion. Isabelle Gorce, qui vient d’être nommée à la tête de l’administration pénitentiaire me disait : il vaudrait mieux parler d’ « insertion » tellement son nombreux ceux qui n’ont jamais été insérés.

Vrai, bien évidemment. Mais c’est surtout ce taux et son accroissement continu qui fait de plus en plus s’interroger sur le rôle et le sens de l’incarcération.

La plupart des prisonniers sont jeunes et ont, en sortant, une vie à faire. Quelle terrible interrogation pour la société d’être incapable de leur apprendre autre chose que ce qui les a justement amenés là. De ne pas savoir/pouvoir leur donner l’envie et la possibilité de cette autre chose.

Alors, oui, la prison : juste peine ou peine perdue ? Poser la question pour une fois n’est pas y répondre car nous ne répondrons qu’en ayant une autre proposition, ou plus sûrement des dizaines d’autres.

J’ai connu Isabelle Gorce alors qu’elle était directrice régionale de la pénitentiaire à Bordeaux. J’avais été frappée de sa vision où l’humain faisait heureux ménage avec le sens du service de l’Etat. Tous mes souhaits à elle pour sa mission : trouver la (les) réponse(s) à ma question.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel