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La question qui tue

Je me pose souvent cette question : où est-il plus dur de naître : dans une ferme pauvre et isolée de tous moyens culturels dans la Vendée ou l’Auvergne du début du XXe siècle ou dans une banlieue « sensible » au début du XXIe ? Dans quel lieu, à quelle époque, la chance d’échapper à son destin de pauvre est-elle la plus grande ?

Cette question est terrible. Le seul fait de la poser met en question un siècle de progrès social et d’éducation.

Les deux situations sont presque opposées. La faiblesse et la difficulté des revenus liés au travail sont sans doute peu différentes dans leur montant, bien que je n’ai aucun moyen de comparaison objective. Les conditions de ces revenus, elles, le sont. La pénibilité du travail dans la ruralité du début du XXe siècle n’a plus de commune mesure. Personne aujourd’hui ne voudrait l’accomplir. Mais le travail -disons, le labeur- existait.

Tout par ailleurs est différent. Ni téléphone portable, ni télé, ni accès à wikipédia, ni médiathèque dans les quartiers pour les uns. Ni drogue, ni sentiment d’exclusion raciale (par contre une haute conscience de l’exclusion sociale), ni violence organisée (mais une violence intérieure alimentée par la solitude) pour les autres ; mais pour eux pas non plus d’autre marchepied culturel que le catalogue de manufrance et une pauvre édition des « misérables » ou le feuilleton du journal local, relié par quelques points de couture et pieusement conservé.

J’ai mis à part, pour les deux, l’instituteur. Seule vraie chance pour les exclus des premières décennies du XXe siècle ; toujours présent au XXIe -et heureusement!- mais dont le rôle est souvent incompris des familles, délaissé par les « décrocheurs », nié par ceux qui mettent plus volontiers le feu à l’école ou à la poste de leur quartier qu’à celles des « beaux quartiers ».

Une autre différence que je crois majeure même si elle n’est jamais mise en avant : pour les uns, les premiers chronologiquement, le français était une bataille. Les instituteurs imposaient que cet outil soit partagé par tous et que le patois ne soit jamais pratiqué dans l’enceinte de l’école. Les fables de Lafontaine étaient apprises et sues par coeur. Les seconds, toujours chronologiquement, ont cet handicap considérable de n’être pas à égalité dans le maniement de la langue d’apprentissage et le garderont souvent jusqu’à l’accès à l’emploi. Les « minorités visibles » sont à mon sens bien plus souvent des « minorités audibles ».

Un article paru aujourd’hui (édition du 27 novembre) dans « Le Monde » a ravivé douloureusement mon questionnement : le taux de chômage explose dans les quartiers pauvres et il est aujourd’hui près de 2,5 fois supérieur à celui des agglomérations accueillant ces quartiers ».

Plus grave encore pour la « féministe de terrain » que je prétends être : dans les Zones Urbaines Sensibles (ZUS) plus d’une femme sur deux est hors de l’emploi.

Ce point est doublement grave : pour les femmes elles-mêmes, plus encore confinées, recluses, que celles qui, en Vendée, ne s’asseyaient pas à table du maître de maison, mais pour leurs enfants. Toutes les études montrent que les enfants des quartiers ont en beaucoup plus grande proportion des comportements violents ou « parallèles » (l’économie de la drogue) quand leurs mères ne travaillent pas à l’extérieur. Oui, voilà un vrai sujet, pour le vrai féminisme du XXIe siècle.

La part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté en banlieue est 2,9 fois plus élevé que sur l’ensemble du territoire. Je gage que c’était également vrai en 1910 à Ste Christine, Vendée, ou à Bellenaves, Allier, comme dans n’importe quel patelin paumé où le hobereau local édictait encore tacitement la loi et où il n’y avait d’autre perspective que de « se placer » ou de travailler la terre. Mais je gage plus encore, qu’hors des ravages de la drogue, le taux d’intelligence, d’âpreté à vivre, est et demeure le même.

Un siècle a passé. La pauvreté a changé, le monde a changé. Faisons chacun notre possible pour le changer encore et réinstaller, dans les quartiers comme ailleurs, l’idée d’un progrès, d’une ambition que nous puissions tous partager.

10es Assises du médecin coordonnateur

Je suis intervenue ce mardi 6 novembre lors des 10es Assises du médecin coordonnateur.
L’occasion de saluer leur rôle fondamental en EHPAD, et d’annoncer le lancement d’une prochaine mission sur la prise en charge médicamenteuse des résidents en établissements.

Les souriants

Ce ne sont ni les benêts, ni les crétins de la fable, pas davantage les ravis de la crèche, ce sont ceux qui vont à la rencontre des autres sans crainte ni a priori, et sans doute avec une certaine assurance positive de ce qu’ils peuvent apporter. J’aurais pu dire aussi : une certaine générosité.

Le premier d’entre eux est Hollande. J’en ai, bien avant qu’il soit même dans la course élyséenne, plusieurs fois parlé dans ce blog. Hollande sait naturellement sourire et mon seul regret dans son ascension « au plus haut niveau de l’Etat » est que cela soit moins souvent visible, qu’il doive se contraindre et qu’il soit moins régulièrement en contact avec ce « tout un chacun » qui fait la France.

Beaucoup d’autres comme lui. Pas tout à fait comme lui. Chacun a sa manière de sourire. Quelquefois masquée dans une certaine timidité, un plissement particulier des yeux, comme pour s’excuser, ou au contraire une couche d’onction méditerranéenne.. Il y a aussi des sourires appris, étudiés au millimètre, que j’exclus du jeu de parti pris et que l’on reconnait aisément. Mes souriants ne sont que des souriants naturels, congénitaux, que je n’ai pas connus bébés mais que j’imagine sans peine gratifier l’accoucheur des prémices prometteurs d’un sourire.

Des exemples, des noms ? Les premiers qui me viennent sont deux frères : Martin et Emmanuel Hirsch. L’un est ancien Ministre, l’autre titulaire de la chaire d’éthique à Paris. Ils ne sourient d’ailleurs pas tout à fait du même sourire, mais tous les deux sourient comme ils marchent ou comme ils respirent, sans avoir besoin d’y penser et peut être sans s’en rendre compte. Deux autres, très différents : Jean-Paul Delevoye et Frédéric von Roekeghem. Le physique de l’un (ex-médiateur de la République) est tout entier jovial, l’autre (directeur de l’assurance-maladie), tout au contraire passe pour un dur. Qu’importe, tous les deux ont reçu ce don d’un ciel, ciel dont je ne sais où il se situe mais auquel j’adhère volontiers.

Peu de femmes, dans cette liste ? C’est vrai. Tant de femmes ont appris à sourire par métier ou par artifice, que leur sourire naturel y a perdu le devant de la scène. Roselyne Bachelot sans aucun doute et qui en use comme d’une arme ; à l’opposé, ma bien-aimée prédécesseure Ministre des personnes âgées de Jospin, Paulette Guinchard. Entre les deux, Catherine Lalumière. Dans un monde différent, soeur Emmanuelle.

Les souriants ont quelque chose que les autres n’ont pas. A l’opposé de la médiocritude du petit bashing ordinaire, je leur fais crédit d’être préoccupés d’autres chose que du strict quotidien.

Bref, et je crois que ça se devine un peu, je les aime plutôt bien.

Me faire taper, c’est pas mon truc

Tout à fait entre nous, et exprimé un poil familièrement pour une Ministre de la République et même au delà : ça commence à faire.

Ca commence à faire, chaque matin, chaque midi et chaque soir, et même quelquefois au coeur de la nuit de tomber sur un énervé de droite, un hypomane de gauche, un médiocrate de partout ailleurs, qui n’a d’autres soucis que de traquer, dénoncer, fustiger l’erreur dans la virgule, l’intonation douteuse ou le mauvais horaire de n’importe quelle prise de parole d’un membre de notre gouvernement. Le premier d’entre eux, bien sûr, au premier rang.

Alors, et la vérité des faits et le fond des choses ? Et la réalité de la politique ? Et la gravité de la situation de notre pays qui mériterait mieux et un sens aigu de la responsabilité de la part de chacun de nous, pas que les politiques, pas que les journalistes, chacun de nous car personne ne se sauvera seul.

Les 35 heures, pas un sujet tabou ? Bien sûr et d’ailleurs de quoi parle-t-on sans cesse?
J’ai vécu les 5 ans du gouvernement Sarko-Fillon : pas un jour, dans une réponse du Gouvernement dans l’hémicycle, dans les interviews de responsables ump sans que l’opprobre soit jetée sur les 35 heures. Régulièrement, elles étaient vouées aux gémonies, causes de tous les maux de la France et tout juste, si en offrant plus de jours de congés aux Français, elles n’étaient pas responsables du réchauffement climatique de la terre entière.

Seulement voilà : ces mêmes responsables, ces mêmes ministres se sont bien gardés d’y toucher. Pendant ces 5 années mais aussi pendant les 5 précédentes. Au contraire, ils en ont élargi le champ et défiscalisé les heures supplémentaires rendues possibles justement par la durée légale du travail à 35 heures.

Trois mois, TROIS MOIS, après avoir quitté le primo-ministériat, Fillon inscrit à son programme de candidat président de l’ump l’abrogation des 35 heures et personne ne crie au couac, ni à l’amnésie. Les médias encaissent sans broncher.

Hier aux questions d’actualité au gouvernement, le député ump Gorges après plusieurs autres les semaines précédentes fustige le gouvernement qui avec la contribution additionnelle de solidarité fait contribuer les retraités à hauteur de 0,3% au redressement des comptes de la sécurité sociale. Que n’avions-nous fait ! Pauvres retraités que nous matraquions, le député oubliant que tous les non-imposables seraient exemptés de la taxe qui équivaut à 4 euros pour une retraite de 1320 euros.

Seulement voilà, 5 jours, 5 JOURS, plus tôt au Sénat, le groupe ump avait signé et voté une proposition de loi visant à taxer les retraités à hauteur de 0,3% pour financer les départements. Double discours, l’un dans le quasi huis-clos du Sénat, l’autre devant quelques millions de téléspectateurs de France 3, pour la plupart retraités à cette heure d’écoute.

De quels côtés sont les couacs ?

Et je ne parle que des couacs présents. Les passés occuperaient plusieurs pages, qu’aucun journaliste ne rappelle. Retrait piteux après l’intervention de Simone Veil du parrainage d’un enfant de la shoah par un écolier français. Lecture avortée de la lettre de Guy Mocquet aux enfants des écoles. Vote des programmes d’histoire par le Parlement… Et juste pour mémoire, 14 MINISTRES DEMISSIONNES POUR FAUTE en 5 années. J’aurai la pudeur de ne pas rappeler certaines de ces fautes, autrement lourdes que d’avoir dit que « la répression ne marchait pas » à l’encontre de l’augmentation de la consommation de cannabis.

Je m’étais fait une règle de m’exprimer positivement en me projetant vers l’avenir. Le temps est en effet de rassembler les Français. Mais me/nous faire taper sans réagir, c’est pas mon truc et ça ne le sera jamais quand les coups pleuvront au mépris de la vérité et de l’objectivité.

PS : un congrès qui fait du bien

Rose, pas morose, le congrès PS n’a pas été et de loin, cet emplâtre sur une jambe de bois que prédisaient quelques-uns des journalistes inspirés qui espéraient poursuivre le bashing intensif de ces dernières semaines. Même le « haro sur le Ayrault » n’a pas eu la prise annoncée sur les quelques milliers de militants réunis à Toulouse.

Inutile, bien sûr que non. Le Congrès a montré que le Parti Socialiste savait se rassembler quand il en était temps. Nous sommes aux affaires dans un moment où la France est au plus bas et où les paramètres décisifs pour son avenir affichent tous un franc rouge et les Français une inquiétude généralisée que personne ne peut honnêtement mettre au compte de nos 5 mois de gouvernance. L’ump elle-même ne s’y risque pas et la campagne des deux ténors qui font la course pour sa présidence se résume à proposer ce qu’ils ont soigneusement évité pendant 5 ans et en premier lieu, le retour sur les 35 heures et l’abolition de la durée légale du travail. Olof Palme affirmait régulièrement que l’on devait se comporter dans l’opposition comme si l’on était au pouvoir et au pouvoir comme si l’on était dans l’opposition. L’ump de Fillon et de Copé démontre chaque jour le contraire.

Deuxième mérite de ce congrès : le nouveau Premier Secrétaire Harlem Désir y a été adoubé, adopté et acclamé sans arrière-pensées à l’issue d’un discours tout à fait du niveau de ses prédécesseurs, illustrant le principe médical que « la fonction crée l’organe ». Entré il y a trois jours dans ce congrès comme « le bon soldat Harlem », il en est sorti comme « le général Désir ». Le processus de son élection n’était pas propre à susciter l’enthousiasme, il a su le faire oublier. Aujourd’hui, il a beaucoup d’atouts dans son jeu. Ne lui barguignions pas notre confiance.

Contente alors ? Allons, juste un bémol. L’absence de notre grand enjeu qui est de transformer la révolution de l’âge en un défi réussi. C’est d’ores et déjà une des grandes causes du « nouveau modèle français ». Je ne l’ai portée jusqu’alors qu’auprès des Français sur le terrain. Preuve que je dois m’employer à le faire aussi dans nos instances internes pour que chacun puisse s’en emparer et ait envie de la porter à son tour autour de lui.

Le pire n’est jamais sûr et je suis raisonnablement confiante en notre capacité de retrouver la confiance de ceux qui ont été essorés par le pilonnage médiatique de ces dernières semaines.

Soyons unis, soyons forts, soyons libres.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel