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Mais qui sont donc ces boeufs ?

Alain Juppé a sur son blog une très jolie et très juste formule. Lui-même, en l’écrivant, ne pensait pas si bien dire.

Il s’agit des Euro-obligations dont Nicolas et Angela ont fait l’impasse lors de leur récent mini-sommet. Ces « Euro-bonds que le PS prône avec tant d’autres et dans tous les pays de l’Union permettraient de mutualiser la dette et de faire qu’à l’avenir les pays les plus fragiles ne puissent pas être la proie des marchés. Je place d’ailleurs la France dans ce groupe, que les agences de notation ont habilement mis en joue -et en joug- ces deux dernières semaines en menaçant son AAA.

Notre Numéro 2, qui n’a pas brillé dans la période aigüe par ses prises de position, souligne que l’Allemagne est divisée sur le sujet et qu’on ne peut donc avancer davantage. Divisée, n’est peut-être pas le mot. Elle renâcle car elle en sera la prmière payeuse mais elle sait qu’elle ne pourra y couper. La Chancelière a besoin d’un peu de temps et, contrairement aux usages en Sarkozie, de l’aval de son Parlement.

Alors, nous dit-il avec courage : « Ne mettons pas la charrue avant les boeufs ».

Le choix de la formule doit être salué. En l’absence de cette charrue, que Nicolas et Angela ont soigneusement remisée, qui sont ces boeufs ?

Tout simplement, les peuples qu’on prépare à la rigueur sans se donner les moyens de la limiter.

De la règle d’or

Il faut toute la malignité des financiers et de leur séide le plus empressé pour avoir réussi à détourner de son éternité « la règle d’or ».

Dans toutes les civilisations, à travers les siècles comme au travers des continents, sous des formes différentes mais toujours convergentes, la « règle d’or » constitue le B.A.BA de la morale. B.A.BA n’est pas un mot en l’air : ce qu’un enfant comprend dès ses toutes premières années, ce que sa mère invente sans même réfléchir pour lui faire percevoir que désormais il est un petit homme au milieu d’autres.

« Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas que l’on te fasse » est sa formulation de base. D’une rare finesse, d’une rare lucidité puisqu’elle fonde l’altruisme sur le soi et le respect des autres sur celui que l’on doit à soi-même. De la Bible à Aristote, du vieux Sénèque que cela n’empêcha pas de rater l’éducation de Néron jusqu’à Jésus, Mahomet et au Bouddha, tous ont retrouvé sans avoir besoin de rien savoir de ce qu’avaient écrit leurs prédécesseurs le précepte-clef de notre « vivre ensemble » comme on dit et redit maintenant jusqu’à nous en donner la satiété.

Un tournant est advenu quand la chaussette a été retournée : « Fais à autrui ce que tu aimerais que l’on te fasse ». Le job devient plus difficile, plus complexe et plus complet. Qui veut le mettre profondément en pratique doit d’abord se connaître soi-même, ce qui est déjà un vaste programme, s’accepter, puis avoir la patience, l’attention de faire profiter les autres de toutes ces petites choses qui nous guérissent des bleus que nous avons à l’âme (un sourire, une douce parole..) comme des grandes quand le besoin s’en fait sentir. Aider les enfants de Somalie, et leurs parents, en est une illustration spectaculaire qui montre que notre B.A.BA de la morale a encore besoin d’enseignants .

La règle d’or des financiers sur laquelle notre Président de la République -que l’on sait pétri de philosophie- est assez loin de ce primitif concept. Elle n’est pas loin d’en être l’exact inverse.

Une vision bénévolente de cette règle relookée à l’aune sarkozienne peut être : « Faites dans deux ans ce que je me suis bien gardé de faire pendant quatre ». Deux ans, car la « règle » ne s’appliquera qu’en 2013, quatre ans parce ce que notre Archimède de l’économie n’en a eu la révélation qu’en fin de mandat.

Une interprétation plus bucolique se trouve dans une fable de la Fontaine discrètement revue pour l’occasion « le Flambeur et la fourmi »

 » »Le plus petit morceau
De mouche ou de vermisseau,
Pas le moindre grain pour subsister,
Je n’ai laissé en vos greniers.
(…)
Vous avez tout gobé, j’en suis fort aise
Eh bien, votez maintenant ! »

J’en plaisante… Mais au vrai cette imposture supplémentaire d’un Président à bout de souffle et de superchéries est tout bonnement inacceptable. User d’une expression toute empreinte de sens moral, sans doute la plus épurée des doctrines philosophiques, pour faire gober au bon peuple ce qui n’est qu’un exercice tardif d’auto-blanchiment a quelque chose d’un peu misérable, de bas, de petit, qui dépasse un peu en ces qualificatifs l’ordinaire de la stratégie politique.

Encore le pécheur se repentirait-il ! Réparerait-il ses erreurs ! Nous dirait-il à l’occasion de la séance extraordinaire du Parlement qui nous attend le 6 septembre : « j’ai gaspillé l’argent public, creusé la dette de l’Etat plus qu’aucun de mes prédécesseurs mais j’ai compris et je vous propose de revenir sur les plus accablantes des lois que je vous ai faites avaler. Boulet fiscal, droits de succession, défiscalisation des heures sup’, allègement de l’ISF, loi Scellier, réduction des ¾ de la TVA sur la restauration… Nous allons les abolir et repartir d’un nouveau pas ».

Eh bien, nous ne sommes pas mauvais bougres : nous penserions que s’il est agité, il n’est pas rapide, mais nous voterions la règle d’or.

Veillée d’armes

Un « tweet » -ces courts messages de moins de 140 signes- vient d’être déposé sur la toile par l’ancienne Ministre, Corinne Lepage : « Ce 14 aout ressemble à une veillée d’armes, au propre comme au figuré ».

Il m’a frappé. Obscurément, ce sentiment étrange mêlant attente et crainte parait en effet planer au dessus de nos villes, encore très vides comme de nos villégiatures dont le temps incertain brouille la décontraction vacancière. Autour de moi, nul cri d’enfant entrant dans l’eau, nulle joyeuse conversation, un petit brouhaha confus et déjà lointain, des portes battant au vent. Une aile grise est passée sur l’été.

Les armes pourtant n’ont pas cessé un seul jour. Déflagration d’Utoya sur une Ile et dans un pays paisibles, grand branle-bas financier où l’euro et l’Europe ont risqué gros, émeutes de Londres, famine de Somalie, suite des morts d’Afghanistan (le 74ème presque à l’instant).. Et tout ce que nous ne savons que très peu comme l’état du front et de nos forces en Libye dont le retour au bercail pour 6 mois du Charles de Gaulle donne malheureusement idée.

L’inquiétude vient de ce que rien de tout cela n’apparait résolu. Ce sont une suite d’alertes sur des fronts qui continuent à couver. A aucun moment dans ces quelques semaines notre gouvernement n’a paru en prendre la mesure.

Tuerie d’Utoya, sous le feu d’un extrémiste de droite ? Réponse de Guéant : vous allez voir ce que vous allez voir … Nous atteindrons cette année un « record historique de reconduites à la frontière ». Mais de qui se moque-t-on ? A-t-on entendu UN mot pour dire qu’on ne supporterait plus, sur un site ou dans un discours, la moindre incitation à la haine raciale, à l’exclusion relligieuse ou la stigmatisation ? A Bordeaux, a-t-on interrogé la Justice pour savoir où nous en étions de l’enquête ouverte après les révélations d’agissements et de propos hautement condamnables dans le voisinage de St Eloi ?

Non. La « fachosphère », qui revendique 55 000 lecteurs « ré-informés », continuera son train ; silence et tolérance entoureront comme précédemment les dérives éducatives d’établissements hors contrat que nous avons dénoncées dans un rapport parlementaire.

Délires boursiers ayant englouti des milliards d’euros ? La réponse de Sarkozy, la seule qu’on ait entendue, a été « je recevrai la chancelière allemande à l’Elysée ». Tout juste s’il n’a pas dit « j’ai convoqué ». Pas de chance : le rendez-vous était prévu de longue date et la chancelière a apprécié comme il se devait.

J’oubliais, deux faits essentiels devant lesquels l’Europe tremble : Sarkozy a eu l’initiative de deux réunions. L’une, d’une dizaine de sexagénaires tous masculins dont le plus saillant est Etienne Mougeotte, dont il veut faire son brain-trust. L’autre, d’une poignée de ses ministres dont la seule conclusion a été : nous prendrons à la rentrée les mesures qui s’imposent. Quelles mesures ?

Renoncerons-nous à défiscaliser les heures supplémentaires (4 milliards d’euros perdus pour un résultat économique nul) ? Reviendrons-nous sur la TVA à 5,5% pour les restaurateurs (même coût, même effet) ? Abandonnerons-nous la loi Scellier qui fait construire des logements qui restent vides car ils ne correspondent pas au budget des ménages ? Il n’y a que le choix des cadeaux qui ont creusé la dette. Mais non, il n’a été question que de la « règle d’or »… qui s’appliquera après 2013 !

Alors, au moins avons-nous été à la hauteur pour l’Afrique de l’est ? Sans aucun doute, avez vous entendu le Ministre des Affaires étrangères annoncer des mesures particulières pour la petite Somalie, si gravement menacée autant par la famine que par les rebelles ? Que nenni ! Pas un mot et un tout petit million d’euros.

Un million d’euros ? Est-ce que cela ne rappelle pas quelque chose ? C’est le coût d’une journée d’ « action humanitaire » en Libye.

Nous en avons si gros sur le coeur que même dans un jour presque paisible comme aujourd’hui le moindre jeu de nuages dans le ciel parait dessiner les risques des semaines et des mois à venir.

Veillée d’armes ? Il ne faut pas le souhaiter. Veillée de larmes ? On ne peut l’écarter.

Les chiffres n’expliquent pas tout, les étrangers encore moins

Les chiffres n’expliquent pas tout, la représentation des étrangers dans les pays moins encore : voilà qui laisse une large marge aux politiques menées dans nos tentatives pour comprendre les événements récents, à Oslo, à Londres ou ailleurs.

Contrairement à une idée reçue qui a la vie dure, la France est dans le peloton de queue des pays européens pour le pourcentage d’étrangers vivant sur son sol : 5,8% .

Norvège : 6,8% . Allemagne et Royaume Uni se situent, quasi à égalité, nettement au dessus : 8,7 et 8,8 % ; Belgique 9,7% et Autriche 10,5%. Espagne : 12,3% . The winner toutes catégories est, de manière très surprenante la Suisse avec un score ronflant de 22% .

Plus étrange encore est le pourcentage de la réprésentation des droites populistes dans les parlements, avec une situation très particulière de la France où le Front National constitue une force politique qui n’est que trop grande mais n’a pas de représentation parlementaire.

Très spectaculaire est la situation de la Finlande avec 19,1% de populistes dans la représentation nationale et un des plus maigres pourcentage d’étrangers sur le territoire (2,9%).

La Suisse garde sa couronne, peu enviable sur ce point avec 31% de députés populistes de droite. La Norvège 22,9 %. Belgique, Italie et Grèce ont un pourcentage de 1 à 2 points plus faible de représentants de la droite dure que d’étrangers résidants.

Chacun y trouvera matière à sa propre réflexion. La capacité d’intégration des pays et des politiques, la distribution de la pauvreté entre les groupes etniques, la concentration des communautés étrangères, tout cela entre en ligne de compte. Ce qui est certain, c’est que la capacité des gouvernants à faciliter la mixité culturelle et sociale, à préserver le sentiment d’appartenance à une unité républicaine en même temps que l’attachement et la tolérance à une individualité culturelle est aujourd’hui un critère majeur de choix.

Ce n’est plus une corde mais une bombe que nous avons au cou

Un peu de mal ce matin à accepter qu’un quarteron de financiers inconnus puisse rétrograder un pays qui compte plus de prix Nobel que tous les autres réunis.

Standard, Moody, Poor… qui sont ces gens ? Qui les paye ? Qui les contrôle ? Quels sont leurs critères, c’est à dire, fondamentalement, leurs objectifs ? Et comment pouvons nous tolérer plus longtemps ceux qui nous ont fait verser entre leurs mains ?

Répétons-le : l’augmentation de la dette pendant les 4 années du pouvoir sarkozien est due pour deux tiers à sa gestion et pour un tiers à la crise (rapport de la Cour des Comptes sur l’état des finances publiques de juin 2011). Et pour cacher la réalité des chiffres, le voilà qui agite devant eux, comme une muleta, la « régle d’or » qui n’est rien d’autre qu’un brevet d’auto-amnistie.

Le jeu est habile et beaucoup foncent dedans. Mais la gravité de la situation fait qu’il n’est plus tolérable de jouer.

Devant l’ahurissante vacance du pouvoir, devant le silence des institutions européennes, qu’elles soient internationales ou locales, devant le silence du Ministre des Affaires Etrangères et Européennes, qui n’est décidément qu’un Ministre de la guerre, j’en appelle à nos candidats pour qu’is s’expriment, qu’ils expliquent au pays, qu’ils appellent l’Europe à un sursaut et à des actes, qu’ils posent d’ores et déjà un programme fiscal qui commencera de tracer la voie.

L’actualité a rendu compte ces derniers jours d’une jeune fille le cou lié à une bombe. Ce sont aujourd’hui 500 millions d’Européens affrontés à ce que les Anglais appellent « an unpleasant moment ». Et pas qu’eux.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel