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Perte d’autonomie : la bataille du vocabulaire

Une bataille est déjà malheureusement perdue à l’occasion de la « grande concertation » menée par Roselyne Bachelot : celle du vocabulaire. La dépendance, mot impropre, négatif, limite stigmatisant a définitivement, j’en ai peur, délogé le mot juste : perte progressive d’autonomie.

« Dépendance » évoque en effet -et c’est le plus grave- une chute brutale dans un état d’aliénation irréversible. Il met radicalement de côté le plus grand espoir dont ce dossier est porteur : la prévention qui permet le recul de l’âge de cette dépendance, en particulier par la palliation des petites pertes d’autonomie progressives qui caractérisent le vieillissement.

O, pardon ! Je préfère à « vieillissement » « avancée en âge ». Non, « la vieillesse n’est pas un naufrage » (de Gaulle), si nous donnons A TOUS les moyens d’en prévenir le plus longtemps possible les méfaits. C’est ça l’enjeu.

Pour un été européen

Alain Juppé « ne croit pas en un été européen », que toutes les capitales évoquent. Pour ma part, je l’espère de toutes mes forces.

Pas de matraques, pas de violences, des cerises, le temps est revenu de ces fruits comme des gouttes de sang.

Et à Bordeaux, nous avons le lieu d’excellence : la place des Girondins. Hommage pour eux, force pour nous.

Sida : la parité sérologique exige la parité politique

Le réseau de lutte contre le SIDA de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, dont je suis la coordinatrice française, a tenu sa réunion annuelle du 25 au 27 mai au Cambodge. Dix-huit pays issus des cinq continents, du Vanuatu au Canada, participaient pour des échanges dépassant les tabous culturels ou politiques des pays.

La féminisation du SIDA est générale et elle concerne bien évidemment les pays francophones qu’il s’agisse de pays à ressources limitées, intermédiaires ou de pays développés. La parité est malheureusement partout dépassée en terme de prévalence, particulièrement en Afrique subsaharienne (60% de femmes atteintes).

Les raisons de cette vulnérabilité des femmes et des filles dans tous les pays sont dominées par des facteurs sociaux, culturels et cultuels. Violences faites aux femmes, grossesses précoces, épouses multiples et très jeunes, insuffisance de l’éducation sexuelle, relationnelle et affective des filles, discriminations dans l’accès aux soins, absence de dépistage de peur de stigmatisation ou de rejet, inéquité législative entre les genres, pauvreté… sont autant de facteurs inégalement distribués selon les pays dont les représentants ont exposé les situations particulières, les efforts et les progrès.

Les propositions sont allées très loin, jusqu’à celle d’imposer la parité de représentation politique pour que les législations progressent plus vite. « Nous ne pouvons continuer d’attendre, nous ne pouvons plus progresser à petits pas, il faut en faire un qui soit spectaculaire pour mobiliser tous les autres » (Dr N’Doye, Sénégal).

La France n’échappe pas à la féminisation du SIDA (un tiers des nouvelles séropositivités), non plus qu’à la précarisation qui va avec elle. Femmes plus souvent sans emplois que dans la population générale (27% des femmes séropositives sont en situation de précarité professionnelle), migrantes, « travailleuses du sexe » selon l’expression retenue dans les instances telles que l’ONUSIDA ou l’APF… Lire mon rapport sur la situation de notre pays

En conclusion : le drame que constitue la pandémie de SIDA dans les pays à différents niveaux de développement apparaît aujourd’hui comme pouvant constituer un moteur dans l’évolution des mentalités et du droit, ainsi que dans la gouvernance des Etats. C’est plus qu’un vœu, une exigence qui sera reprise à l’occasion des prochaines rencontres internationales des diverses instances.

Palme d’or

La palme absolue du faux-culisme est à décerner aujourd’hui à Eric Raoult, coutumier des perles politiques, mais celle-ci dépasse le calibre ordinaire.

Le député ump de Seine-Saint Denis appelle le CSA à la vigilance : il trouve qu’on a décidément trop entendu les socialistes à propos de l’affaire Strauss-Kahn et demande un « rééquilbrage ».

Serait-il à l’origine des accusations portées contre le récent ministre Georges Tron ? Voilà une occasion de rééquilibrer la présence médiatique au profit du parti majoritaire. Remarquons pour autant que si le filet est de même nature, le poisson est plus modeste et risque de faire moins de vagues.

Camp S21 : « ce que l’homme fait, aucune bête ne le ferait »

Dernières heures à Phnom Penh. De retour il y a peu de la visite du camp S21, un parmi d’autres des camps de détention et de torture des Khmers rouges entre 75 et 79, c’est à dire hier matin.

Celui-ci est au coeur de la capitale, vidée en quelques heures de tous ses habitants après l’entrée des Khmers rouges et capitale, si l’on peut dire, de l’extermination puisque la majorité de ceux qui savaient lire et écrire s’y trouvaient. Le plus grand crime, l’identification immédiate comme ennemi de la révolution, était le port ou la possession de lunettes qui dénonçaient « l’intellectuel ». Professeurs de médecine, mécaniciens, ministres, employés, tous (la grande majorité au moins) ont connu le même sort barbare.

Il m’est impossible d’écrire ce que le guide francophone nous a décrit. Il avait 15 ans lors de l’entrée des Khmers rouges dans la ville. Il a échappé à la détention mais a partagé la longue marche de la population urbaine vers les zones rurales. A pied et bientôt pieds nus. Puis mis dans un camp de travail d’enfants et de jeunes de 10 à 16 ans, creusant le sol à mains nues, du lever au coucher du jour.

Au camp de détention où entraient 100 personnes par jour, on torturait pendant une période de 1 à 6 mois, quel que soit l’âge ou le sexe, puis ceux qui avaient résisté, avaient échappé aux pendaisons, à la noyade dans des cuves d’excréments, à la mort par coups de gourdins pour économiser les cartouches, étaient embarqués dans des camions et exterminés devant des fosses à une quinzaine de kilomètres de la ville.

Hommes, femmes, petits enfants. Je m’arrête là. S21 était le code de talkie walkie du chef du camp. Quant au lieu du camp, il avait été choisi sans doute non sans intention : c’était l’ancien lycée français. Un tableau noir en témoigne encore, au milieu des immenses panneaux portant le visage des victimes qui étaient dûment toisées et photographiées avant d’être enchaînées par des anneaux à des barres de fer, en lignes de 50, comme les noirs dans les bateaux de la traite. Au moment de la libération du camp, 7 ont été libérées, les autres ont été torturées et égorgées en dernière minute.

Je pensais en sortant de la visite à cette phrase de Saint-Exupéry, citant son ami Guillaumet alors que celui-ci avait marché cinq nuits et cinq jour dans la cordillère des Andes après la descente accidentelle de son avion : « Ce que j’ai fait, aucune bête ne l’aurait fait ».

Et surtout une question : comment, instruits par l’histoire récente, avons-nous pu ne pas savoir et/ou ne rien faire ?

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel