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Intervention sur la mission « santé » du projet de loi de finances pour 2011

Monsieur le Président, Madame la Ministre, mes chers collègues,

Les propos et les chiffres relatifs à la mission santé dans ce « bleu » ne sont, avouons le, pas faciles à analyser et c’est regrettable. Il s’agit en effet des crédits alloués à la politique de santé hors Assurance maladie dans des domaines aussi décisifs que la prévention, la sécurité sanitaire et l’offre de soin. Le transfert de crédits aux ARS complique encore l’analyse alors qu’on aimerait pouvoir dessiner l’évolution de notre effort dans ces domaines.

C’est principalement sur la politique de prévention, dans laquelle j’inclus le dépistage précoce qui est « le vaccin des maladies qui n’en ont pas » que je souhaite m’exprimer.

La prévention constitue aujourd’hui la seule chance de pérennité de notre système de sécurité sociale. Année après année, nous élaguons une branche après l’autre dans notre système de remboursements, sans endiguer l’accélération des déficits alors qu’il faudrait une réforme structurelle de ce système, posant prévention et santé publique comme pierre angulaire d’une nouvelle approche. Un euro dans la prévention, ce sont six euros d’économisés dans le soin. Cela a été vérifié dans de nombreux domaines sans qu’année après année nous en prenions la mesure.

Une deuxième remarque générale doit être faite. Le manque de lisibilité de ce document et de notre politique en général en limite les ambitions. Ce qu’il faut montrer, pour que chacun s’en pénétrant ait à cœur d’y contribuer, c’est que la majorité des affections, maladies et accidents –je dis bien la majorité- sont des évitables. Nous pourrions diviser par deux notre facture de soins en faisant porter les efforts sur ces pathologies évitables.

Le taux de mortalité et de morbidité par maladies évitables devrait être pour nous une obsession. Où apparaît-il dans ce document comme dans les autres ? Savons-nous si il a augmenté ou diminué, en clair voulons nous même savoir si notre politique vaut quelque chose ? Ces maladies évitables sont pour beaucoup des maladies comportementales. Extrêmement diverses, elles vont de toutes les formes d’addiction avec leurs conséquences, aux troubles du comportement alimentaire, obésité, diabète anorexie, aux gravissimes cancers que sont le cancer du poumon et les cancers des voies aéro digestives supérieures.

Où apparaissent-elles dans nos tableaux, alors que nous voudrions suivre l’effort que nous leur accordons et ses résultats.

L’ensemble « prévention, sécurité sanitaire, offre de soins », voit ses crédits diminuer de près de 5% et la prévention n’y représente qu’un tiers. Tous les secteurs de la prévention voient leurs crédits diminuer. Je n’évoquerai que quelques points.

Le taux de dépistage du cancer du sein marque le pas. Vous le savez il est à la fois un parfait marqueur des inégalités territoriales et des inégalités sociales et culturelles dans notre pays. Ce taux de dépistage a stagné voir régressé dans 8 régions et il est inférieur à 50 % dans 20 départements. Où trouvons-nous l’effort de franchir ces barrières et la chance d’être payés en retour si l’on considère le coût faramineux d’un cancer métastatique qui évolue de traitements lourds en hospitalisation pendant une, deux, décennies, quelquefois davantage ?

La prévention des risques infectieux, base de la médecine pastorienne, à l’origine pour une part majeure de l’allongement de notre vie, voit ses crédits diminuer. Cette action ne représente que 1,6% du programme « prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Dans les tableaux qui nous sont présentés, ils connaissent une baisse de 90% sans que nous sachions ce qui a été transféré vers l’action 18.

Dans ce chapitre, il y a bien sûr la prévention du sida. Rappelons que 7 à 8000 nouvelles contaminations enregistrées chaque année en France et 40 à 50 OOO personnes ignorent leur séropositivité.

Un rapport de la Cour des comptes en date de février 2010 pointe l’insuffisance des crédits alloués à la prévention et l’opacité des crédits alloués aux associations. Nous sommes nombreux à en avoir la traduction sur le terrain. L’association AIDES Aquitaine a vu son budget amputé de 20% en 2008 puis de 47% en 2009.

Le plan SIDA annoncé par la Ministre mais dont nous n’avons toujours pas le contenu nous laisse espérer une proposition systématique du dépistage entre 15 et 70 ans. Il faut être grand clerc pour articuler ces annonces avec la diminution des crédits.

Je reviens pour conclure à cette opacité organisée qui ne nous permet pas de prévoir ce qui est consacré, ni centralement, ni par les ARS, à chacun des grands axes de la santé publique. Il est indispensable que nous puissions l’analyser au terme de cet exercice, puis l’évaluer afin que l’ambition du gouvernement puisse s’en saisir et que chacun de nous puisse le présenter à l’ambition des Français.

En prison

On en conviendra, il y a une longue distance entre les deux expressions « en prison » et « à la prison ». L’une marque un séjour imposé, l’autre une visite ou un passage. Et ce n’est, malgré ce titre, qu’une nouvelle visite que j’ai faite avant hier avec Alain Anziani et Alain Rousset à la prison de Gradignan.

Quatrième visite pour moi en trois ans de mandat. Les députés ont deux manières d’agir : soutenir, combattre ou amender les lois à l’Assemblée (loi sur la récidive, loi de réforme pénitentiaire où j’étais engagée), être sur le terrain pour connaître et faire connaître une situation, la faire évoluer, retourner sur place et éventuellement recommencer.

La condition carcérale est de ce point de vue exemplaire. Depuis trois ans, qu’est-ce qui a changé ? Nos interventions, séparées ou conjointes, ont-elles servi à quelque chose ? Quoi faire aujourd’hui pour améliorer tout autant les conditions de vie des détenus et les conditions de travail du personnel, les unes et les autres étroitement liées et convergentes ?

En trois ans, la surpopulation a baissé. 350 détenus dans le bâtiment A, une barre de HLM de 6 étages, au lieu de 500 en 2007. Il n’y a plus de ces odieuses cellules de 9 m2 où trois personnes étaient entassées alors que la SPA en impose 7pour un gros chien. Espérons que nos interventions multiples qui nous ont amenés jusqu’à faire le siège du bureau de Rachida Dati y ont été pour quelque chose.

En novembre prochain, toutes les fenêtres auront été remplacées. Ce n’est pas un détail anecdotique et on devine son importance dans une cellule. Lors de ma première visite, presque toutes étaient cassées. Les prisonniers étouffaient de chaleur en été, gelaient en hiver et ce fût mon premier objet d’indignation. Au mois de novembre, toutes (nous a-t-on promis) auront été changées. Les barreaux sont à l’extérieur et, hors des cellules « anti-pendaison », les fenêtres peuvent être ouvertes ou fermées. Là aussi, notre insistance a je l’espère eu un rôle.

Plus important encore, comme nous le soutenions, ce bâtiment qui n’a pourtant que 40 ans, sera démoli en 2015. Il constituait un non sens dans sa conception (une barre exposée aux intempéries, mal isolée) et il a très mal vieilli. La prison sera reconstruite dans le terrain existant et suivant des normes plus adéquates. Là aussi, la pression des parlementaires me parait avoir été utile.

Une des mesures de la loi pénitentiaire, la réduction du temps maximal de séjour en quartier disciplinaire, a été mise en place par la précédente directrice régionale, Mme Isabelle Gorce, et nous devons lui en rendre l’hommage. L’isolement en quartier disciplinaire n’est plus au maximum que de 20 jours au lieu de 45 (la loi prévoit toutefois que la durée peut être portée à 30 jours en cas d’aggressions physiques). Rappelons que c’est bien souvent dans le quartier disciplinaire qu’ont lieu les suicides.

Pour prévenir les suicides justement, deux mesures se mettent en place : l’une qui me paraît un maigre appoint, l’autre correspondant mieux à l’objectif que nous devons avoir, qui est non pas d’empêcher mécaniquement les suicides mais de prévenir le passage à l’acte.

La première donc : le kit anti-suicide. Sous ce terme, assez balourd, un pyjama intissé composé d’un kimono et d’un pantalon exactement semblable à ceux que les chirurgiens mettent pour opérer. Ils sont supposés se déchirer sous la pression ce qui est au moins partiellement faux. Tordu ou tressé, rien n’est plus solide qu’un tissu intissé et les surveillants en ont d’ailleurs fait l’expérience. Une serviette de toilette, plus petite qu’un mouchoir d’autrefois et mince comme un mouchoir à jeter, un gant de toilette de la même matière complète le kit qui est donné aux suicidaires, alors que leur sont enlevés tout autres objets ou vêtements personnels. Sûr, voilà de quoi vous réconcilier avec la vie.

La seconde, plus utile : la présence à chaque étage de « co-détenus de soutien », repérés pour leur équilibre et leur altruisme et recevant une courte formation. Ceux qui vont mal peuvent s’adresser à eux, ou bien encore ces co-détenus vont leur parler quand un comportement inquiétant leur est signalé. L’écueil était que ces codétenus soient considérés comme des « jaunes », suppôts de l’administration. La formation étant donnée par la Croix rouge, il semble que cet écueil ait été évité. Nous avons parlé à l’un deux, qui nous a paru en effet particulièrement équilibré et sachant approcher ses congénères pas à pas.

J’avoue qu’une autre mesure me paraîtrait pour le moins complémentaire, voire plus décisive encore : la venue d’un psychiatre et le dialogue avec lui quand un comportement inquiétant est repéré. Cela supposerait d’en augmenter le nombre et nous sommes bien loin de là, à la fois en terme financier et en terme de nombre de psychiatres formés. Les suicides se produisent majoritairement parmi les détenus atteints de troubles psychiatriques, et beaucoup ne devraient pas se trouver là. Nous attendons avec impatience l’ouverture de l’UHSA de Cadillac.

Last, but not least : les ateliers de formation professionnelle financés par la Région qui s’est portée « région pilote » pour la formation professionnelle des prisonniers. Un nouveau bâtiment pour les détenus en semi-liberté va être ouvert que nous avons visité. Le nécessaire surplus de personnel n’a malheureusement pas été prévu et les syndicats s’en inquiètent à juste titre.

Alain Anziani dans son blog rend compte de notre visite commune. Nos visions et nos actions dans ce domaine se conjuguent et se complètent. L’apport d’Alain Rousset, par le biais de la formation est considérable. Quelquefois, comme le dit Alain Anziani, nous avons l’impression d’être utiles.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel