m

Intervention en séance sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2011), 27 octobre 2010

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre.

Je m’exprime également au nom de notre collègue Catherine Lemorton, qui ne pouvait être présente.

Nous nous souvenons tous d’une audition récente au cours de laquelle les quatre Ministres venus défendre le PLFSS se sont successivement exprimés avec le même talent qu’aujourd’hui, mais dans un registre totalement différent, pour se féliciter des excellents chiffres qu’ils nous présentaient.

On connaissait déjà les emprunts, c’est-à-dire les dettes, présentés comme des crédits ; nous avons découvert des déficits présentés comme des profits par rapport à ce qu’ils auraient pu être, c’est-à-dire par rapport à des déficits encore plus graves.

En réalité, notre système de sécurité sociale est en péril. Je ne dis pas cela pour insinuer subrepticement l’idée que certains, ici, ont malheureusement à l’esprit, celle de sa privatisation, mais pour appeler à une réforme structurelle, à une redéfinition de la santé qui en fasse une santé durable et pour tous.

Au lieu de cela, nous voilà engagés dans une sorte d’exercice imposé, très éloigné de ce que vivent les Français, dont l’expérience nous enseigne au contraire que nous avons beaucoup à faire pour garantir l’égalité d’accès à la santé.

La prévention est devenue la condition sine qua non de la pérennité de notre régime d’assurance sociale.

Nous savons qu’une grande majorité d’affections, d’accidents, de drames sont évitables. Nous pourrions diviser notre facture par deux si nous investissions, y compris par la manière forte, dans la prévention et le dépistage. Or ce matin en commission, lors de l’examen du budget de la mission « santé », nous avons constaté que ces crédits diminuaient.

Il y a également beaucoup à faire en matière d’accès aux soins alors que plusieurs études récentes viennent confirmer qu’un grand nombre de Français renoncent aux soins ou reportent le moment d’en bénéficier. Selon un sondage réalisé par l’institut Viavoice pour le Collectif interassociatif sur la santé, 26 % des personnes interrogées déclarent avoir déjà renoncé à des soins, avec parmi elles une surreprésentation de personnes dont les revenus sont inférieurs à 1 500 euros par mois…

Oui, je sais que pour contester ces chiffres, on invoque le fait qu’il s’agit de soins dentaires ou oculaires ou d’équipements optiques, comme si ceux-ci n’étaient pas indispensables.

Parmi ces personnes, disais-je, il y a une surreprésentation de bénéficiaires de la CMU et de 25-34 ans, des jeunes pour lesquels la santé est pourtant l’outil principal d’autonomie, de progrès personnel et, pour tout dire, de liberté.

L’UFC-Que choisir fait quant à elle le constat que les complémentaires sont devenues un préalable à l’accès aux soins et que les patients potentiels, pour ne pas dire les consommateurs, ont tous connu une inflation de leurs primes d’assurance – directement supportées par les ménages, rappelons-le, à hauteur de 76 %. Ce sont ces primes que vous proposez indirectement d’augmenter, accroissant ainsi le nombre de ceux qui renonceront au bénéfice d’une complémentaire.

L’analyse du PLFSS pour 2011 montre que la fin de l’exonération de la taxe sur les contrats d’assurance et les déremboursements aboutiront à un surcoût total de 48 euros par personne.

Mon troisième exemple est issu de la lettre d’octobre 2010 du Fonds de financement de la CMU. D’après une étude de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé, on trouverait parmi les personnes ayant renoncé aux soins 21 % des bénéficiaires de la CMU complémentaire, 15,3 % des bénéficiaires d’une assurance complémentaire privée et 30,4 % des gens sans complémentaire.

La France s’enfonce dans une situation structurelle de renoncement aux soins, ce qui met en cause l’ensemble de votre politique de santé et va de manière inéluctable en augmenter le coût.

N’acceptons pas cette critique et mesurons plutôt ce que cela représente pour les personnes pénalisées.

Dois-je rappeler que 38 000 consultations ont été réalisées dans les centres d’accueil de Médecins du monde et que ce chiffre est en augmentation, spécialement pour ce qui est des mineurs ?

Aggravation de l’inégalité de l’accès à la santé, aggravation de l’inégalité de l’accès aux soins, y a-t-il plus grave inquiétude pour les Français ? Y a-t-il sanction plus lourde pour l’ensemble de votre politique ?

Nous ne sommes pas seulement comptables de la compétitivité de notre pays sur le marché mondial ou de l’état financier de nos banques, renflouées quand il en était besoin, nous sommes également comptables de la santé de chaque Français. Sinon, comment nos concitoyens pourraient-ils se réaliser, être autonomes ou contribuer à notre effort commun ?

Les chiffres du renoncement aux soins

Je viens de les exposer à l’occasion de la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le président Méhaignerie (président de la commission des affaires sociales), d’ordinaire mieux inspiré, s’est aussitôt élevé proclamant que c’était honteux d’utiliser ces arguments.

Qu’est-ce qui est honteux ? Eh bien, ce sont les chiffres eux-mêmes :
. 21% des bénéficiaires de la CMU complémentaire
. 15,3 % des bénéficiaires de complémentaires privées
. 30,4% des personnes sans complémentaires
ont déjà renoncé à des soins médicaux.

Ces chiffres sont ceux de l’Institut de Recherche et de documentation en Economie de la Santé, organisme bien évidemment libre d’engagement partisan.

Ne sommes-nous pas comptables de la santé de chaque Français, sans laquelle il ne peut ni se réaliser, ni être autonome, ni contribuer à notre effort commun ?

.

Retraite des parlementaires : lettre aux citoyens français

Vous avez été nombreux à interpeller les députés socialistes sur la retraite des parlementaires. Entre les sources d’informations diverses et le fonctionnement parfois peu lisible de l’Assemblée, je vous dois une réponse transparente.

Les députés Verts ont soumis un amendement N°249 rectifié lors du débat portant réforme des retraites par lequel il était demandé que « le gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport établissant la situation des régimes spécifiques de retraite des membres du gouvernement et des parlementaires et définissant les conditions d’un alignement rapide et effectif de la situation de leurs régimes spécifiques sur le régime général, visant notamment à un encadrement strict des pensions reversées, tant dans leurs possibilités de cumuls que dans leurs montants »

Les députés socialistes présents en séance ont voté en faveur de cet amendement. Ce vote a eu lieu à main levée, car aucun scrutin public n’avait été demandé comme pour la majorité des amendements. C’est pourquoi il n’est pas enregistré sur le site de l’Assemblée, ce qui a suscité de nombreuses interrogations des citoyens. Cet amendement a été repoussé à la demande conjointe d’Eric Woerth et du rapporteur UMP, M. Denis Jacquat qui a renvoyé le traitement de cette question à la réflexion entamée par le Bureau de l’Assemblée Nationale à ce sujet.

Il est d’ailleurs important de préciser que toute modification du régime de retraite des parlementaires ne relève pas de la loi mais du règlement interne de notre Assemblée. Cet amendement n’était donc qu’un « amendement d’appel », destiné à faire avancer le débat mais non à statuer sur cette question.

Voici d’ores et déjà les propositions avancées par les socialistes au sein du Bureau de l’Assemblée nationale :

  • report de 60 à 62 ans de l’âge de la retraite,
  • durée de cotisation portée de 41 ans à 41 ans et six mois,
  • taux de cotisation porté de 9,52% à 10,55%, taux du secteur privé,
  • pension de réversion au conjoint survivant réduite à 60%, taux identique à celle des salariés,
  • plafonnement du montant des retraites à 75% de l’indemnité perçue en cours de mandat,
  • suspension du versement de sa pension à tout ancien député pensionné qui devient ministre,
  • double cotisation remplacée par une retraite complémentaire dite de « capitalisation ».

Il va de soi – et c’est la position que tous les socialistes ont défendu publiquement – qu’il n’est pas imaginable que des efforts soient demandés aux Français dont s’exonèreraient les parlementaires. C’est le mandat qu’ont reçu les députés socialistes qui participent au groupe de travail autour du président de l’Assemblée Nationale. Ce sera le sens de nos éventuels amendements dès lors que nous serons saisis d’une proposition concrète par la présidence de l’Assemblée Nationale.

J’ajoute à titre personnel qu’en étant à ma première mandature, je ne suis bien évidemment pour rien dans le régime de retraite des parlementaire jusqu’alors en vigueur. J’assume cependant totalement son caractère inadéquat puisque sans rapport avec l’effort demandé aux Français.

Enfin, je précise que dans ce domaine, je m’exprime plus sûrement encore par mon attitude concrète. Élue à l’âge de 60 ans, je n’ai pas fait valoir mes droits à la retraite de praticien hospitalier du CHU de Bordeaux comme j’aurais pu le faire, cumulant ainsi dès cet âge retraite et indemnité. Ceci dans un soucis d’exemplarité qui doit s’imposer à tous les élus.

Je vous remercie bien vivement pour votre attention au bon fonctionnement de notre démocratie et de nos principes républicains.

Juppé or not Juppé in Paris ?

Aujourd’hui encore, notre excellent quotidien régional consacre un morceau de papier à cette taraudante question : ira-t-il ou n’ira-t-il pas ? Et s’il y va, il ira où ? On interroge les signes, les silences, le ciel, les nuages, les sourcils sarkoziens, le haut front municipal et c’est chaque jour une nouvelle émission, un nouvel entretien avec l’intéressé, une nouvelle confidence d’un proche ou d’un moins proche. Le dernier recours était Paul le poulpe : trois fois hélas, nous déplorons depuis hier son décès. Le Juppé-thon ministériel ne connaîtra décidément pas son issue avant mi-novembre.

L’été dernier, où nous aurions pu risquer, pendant les vacances de notre premier édile, une réaction brutale de sevrage de notre page juppéenne de chaque jour, notre quotidien nous a tenu en santé avec un autre type d’interrogation :

 » « Il fait beau aujourd’hui, mais demain, il peut pleuvoir ». Cette phrase est-elle d’Alain Juppé ou de Laurent Blanc ? » Je connais des Bordelais qui n’en dormaient plus de cette incertitude chaque jour renouvellée, de ce doute et de cette attente.

Ce n’est plus de la couleur du temps qu’il s’agit, mais de quelque chose d’infiniment plus existentiel. « Juppé or not Juppé in Paris » ? Shakespeare lui-même n’a pas été aussi loin dans l’expression de ce combat entre l’essence et l’immanence qui taraude les hommes.

Je collectionne tous les articles sur le sujet. Quinze jours encore et l’on verra que Shakespeare, qui a pourtant fait couler beaucoup d’encre avec son petit « to be or not to be », finalement bien banal et sans conséquences pour la République, est définitivement dépassé.

Au moins auprès des lecteurs bordelais.

La mort, c’est pas mon truc

Hervé Mathurin du journal Sud Ouest a la gentillesse de me demander ma réaction après l’annonce de la mort de Georges Frèche. Comme c’est difficile, à brûle pourpoint, de s’exprimer sur un événement qui ne peut qu’être triste et qui en même temps m’est un peu indifférent.

On ne peut qu’être triste de la mort (je n’aime pas le mot « décès », que je trouve pleutre en face de ce qui est simplement la mort) de quelqu’un de talentueux et de cultivé, qui a passé une grande partie de sa vie à travailler pour sa région et pour sa ville. La mort, je l’ai exprimé un peu brutalement en intitulé de ce billet, c’est pas mon truc, ça me rend triste, et pour parler en terme électoral, je suis contre.

Ma seule rencontre avec Georges Frèche a été un meeting en vue des élections municipales de 2001 qui ont marqué mon entrée, sur la pointe des pieds, dans la vie publique. Brillant, chaleureux, orateur plein de verve, il a soulevé la salle. Tout le monde après l’avoir écouté s’est senti plus heureux, plus fort, plus socialiste, ce qui est l’objet même d’un meeting.

Quelques paroles échangées après la réunion dont je n’ai rien gardé.

Depuis lors, cet homme plein de culture et de dons, a bien souvent flirté avec la transgression, ce qu’ont fait à des degrés très différents des hommes politiques pas toujours très recommandables. Remarquons au passage que les femmes n’en sont pas coutumières, bien que la tentation, au moins au plan du vocabulaire, me vienne souvent.

Georges Frèche a soutenu Ségolène au moment des présidentielles et après elles. Dans les quelques réunions auxquelles j’ai participé, j’ai conseillé la prudence qui consistait à ne pas s’afficher trop souvent avec lui. Sans conviction majeure, il n’a jamais été pour moi un pôle d’action, ni de réflexion politique à rejoindre non plus qu’à éviter comme la peste.

Au total, la mort de Georges Frèche m’a affectée tellement moins que la mort de nombre de mes malades aussi talentueux et cultivés dont personne n’a parlé. Je n’ai pas osé m’exprimer aussi brutalement et plus encore, j’esssaye de ne pas mélanger les genres.

Et pourtant, en écrivant ce billet, je suis triste. La mort, « cette aventure horrible et sale » que détestait Camus bien des années avant de la connaître, je ne l’aime pas tellement non plus.

Voilà. C’est tout.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel