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Le mot du jour : canicule

« CANICULE » est l’étoile la plus brillante de la constellation du chien. A ceux qui, en s’épongeant le front, se sont demandés ce que venait bien faire le chien « canis » dans ce que nous ressentons comme une chaleur éreintante, le mystère est dévoilé…
 
Partiellement seulement si l’on n’ajoute que le temps des grandes chaleurs est supposé être celui ou cette Canicule se lève et se couche avec les soleil, entre le 22 juillet et le 23 aout. Malgré quelques sautes d’humeur et de date (en ce moment par exemple), la canicule est devenue synonyme de chaleur ardente.
 
Pour beaucoup d’entre nous, « canicule » évoque en premier lieu la grande canicule qui sévit du 4 au 20 aout 2003 qui entraina une surmortalité de 15000 grands âgés, soit 60% de plus que la mortalité moyenne.
 
Cette période dramatique eût un rôle positif dans la prise de conscience de la fragilité des personnes âgées, bien souvent isolées à leur domicile ou ne disposant pas de lieux rafraichis dans les établissements qui les accueillaient.
 
Cette prise de conscience m’est l’occasion de saluer la prescience de Paulette Guinchard qui fut à l’origine de la création en 2001 de l’ « Allocation Personnalisée d’Autonomie » (APA), dont il m’a été donné de faire « l’acte II » en 2014 en l’augmentant en moyenne de 15% et jusqu’à 60% en cas de faibles revenus et forte perte d’autonomie.
 
Je ne traverse pas une journée de canicule sans penser à Paulette Guinchard et au fait que les grandes idées (et les mesures politiques décisives) naissent bien souvent de la rencontre entre une circonstance et une personnalité déterminée. Paulette a certainement été la plus grande Ministre des personnes âgées et c’est aussi pour lui rendre hommage que j’ai fait ce billet.
 
La canicule est pénible et pensons aussi à chaque occasion à ceux qui la supportent de manière régulière une grande partie de l’année. Tant que l’Afrique ne sera pas totalement électrifiée et les lieux d’étude, de travail et de soins rafraichis, ce continent ne parviendra pas à accompagner l’explosion démographique qui est la sienne d’une explosion scientifique et économique.
 
Mais, à côté de chez nous, pensons aussi aux personnes fragiles dont il faut plus que jamais prendre des nouvelles et auxquelles il faut rendre visite. Tout ceci est très banale mais « la banalité a force de loi ». Dans ce cas comme dans tant d’autres.

« Jamais rien pour nous sans nous »

Les personnes handicapées ont eu cette force d’imposer au début des années 2000 cette maxime qui a su résonner comme un ordre légitime vis à vis des gouvernements et des responsables publics. C’est aujourd’hui le tour des « personnes âgées » de s’en réclamer avec la même force.

Au passage, l’on comprendra j’espère que je n’utilise pas la formule « personnes en situation de handicap ». Imagine-t-on dire « personnes en situation d’âge ou de grand âge ». Je plaide au contraire pour la simplicité des mots et pour que les « personnes âgées » soit des « âgés » comme les jeunes sont « jeunes ». Cela ne signifie pas, tout au contraire, que l’âge (ou le handicap) est leur identité. Cela signifie qu’ils sont émancipés soit de leur âge, soit de leur handicap, et que cette identité qui les fait des individus égaux et libres, est au contraire individuelle et les caractérise indépendamment de tout le reste

Mais ce que je veux défendre dans ce post, c’est que rien ne doit être fait, ni dit, pour les âgés sans les âgés. Ni les lois, les réglements, ni les objets ou dispositifs de la silver économie, ni les trottoirs des villes, ni les plans de déplacement urbain, ni les discours des politiques qui parlent de « nos ainés » alors qu’ils ont eux-mêmes 75 ans.

La difficulté est qu’il est quelquefois difficile de se positionner comme « âgé » sans que l’on perde dans le regard de l’autre un je ne sais quoi de modernité, de vision d’avenir, de capacité à comprendre les « d’jeunes », sans que l’on soit un peu moins ce que l’on a toujours été. C’est un défi qu’il faut relever, individuellement tous les jours. Le plus grand bouleversement de notre siècle, le plus beau creuset d’innovation, c’est au contraire de drôle de truc, si prévisible mais que personne n’a prévu : la longévité.

Ministre, j’avais l’habitude de dire : « c’est merveilleux, mon ministère est le seul ministère en croissance, et le seul aussi où chaque jour qui passe, je gagne en expertise ».

Sur ce dernier point, je confirme : c’est toujours vrai.

C’est vrai pour chacun de nous, les 25% de plus de 60 ans de la Région Nouvelle-Aquitaine . C’est vrai partout, c’est vrai toujours. Ce qui manque trop souvent aux âgés, c’est la confiance en eux-mêmes. Pétroleuse, on a été, pétroleuse on reste. Combattant, résistant, exigent, à la scène comme dans la vie, ce que l’on l’a été, on le demeure, en meilleur bien souvent. Pas moins égaux (mais pas plus) que tous ceux qui se réclament de l’égalité.

La révolution de l’âge est à faire parmi les âgés eux-mêmes et ceci, peut-être, en premier lieu. Les « retraités » ne doivent en aucun cas se vivre comme « en retrait ». L’économie fonctionne en grande partie grâce à la consommation et aux transferts financiers des 60+ vers leurs descendants. Pour les élections, en cas de forte abstention comme c’est de plus en plus souvent le cas, ils sont majoritaires à eux seuls.

Soyons tranquillement, mais fortement, à notre place qui est décisive, et osons dire « nous ».

« le sentiment d’être un poids »

Combien de fois ai-je entendu lors de mes permanences d’élue, dans la bouche de personnes âgées ou très âgées, lesquelles venaient dans le simple but de faire respecter leurs droits ou leur personne : « je sais, je suis vieille, je devrais être morte à mon âge.. » ; ou encore, moins radical mais tout aussi dramatique, : « je ne sers plus à rien.. » « Les vieux, ça coûte… »..

Avouons que les politiques ont quelquefois prêté la main à cette culpabilité latente. Quand le Président Nicolas Sarkozy avait encore la volonté de faire « la réforme de la dépendance », formule qui n’est déjà en elle-même pas très stimulante, on lisait ou entendait partout « la prise en charge du grand âge, c’est plusieurs milliards… ». L’abandon de la Réforme et sa justification budgétaire n’ont fait ensuite qu’alourdir le message.

L’expression « prise en charge » n’est pas non plus spécialement engageante. L’idée de vider des caisses (en l’occurrence, celle de la sécurité sociale) qu’on a pourtant contribué à remplir, ou pire encore de constituer une charge pour des enfants qu’on a bien souvent élevé au prix d’efforts et de sacrifices, est à l’origine d’une culpabilité latente pour des personnes ayant atteint un âge qu’elles ne pensaient pas atteindre, leurs parents étant le plus souvent morts plus précocément.

Le paroxysme de ce message revient au vice-premier Ministre Japonais Aso Tiro qui en 2013, invitait les vieux à tirer leur révérence avant l’heure et sous entendait qu’ils agiraient ainsi pour l’intérêt général et le bien-être collectif. Dans ce pays qui a une longue culture de la « mort volontaire » et qui connaît tout à la fois le plus fort taux mondial de suicide et la plus longue espérance de vie, on peut craindre qu’il n’ait été que trop écouté. En tout cas, ce sont aujourd’hui des campagnes de soutien aux personnes âgées et de prévention du suicide qui se développent dans le pays.

Plus récemment un autre Ministre a incité les Japonais à faire des enfants plus nombreux, ce qui n’est pas fâcheux en soi ; mais il laissait entrevoir que ceux qui auraient moins de trois enfants, ne mériteraient pas de bénéficier dans leur grand âge du soutien de la collectivité.

Nous n’en sommes pas là, ou du moins nous le pensons. Le suicide concerne en France quatre fois plus les personnes au delà de 65 ans que la population générale et le taux croit encore avec l’âge. Il s’agit presque toujours d’un suicide radical (arme à feu pour les hommes, défenestration pour les femmes) qui n’est pas un appel au secours mais bien une décision de mort. Elle se développe dans un contexte de dépression qui est bien souvent mal identifié, l’âge servant d’alibi pour expliquer le désintérêt, la tristesse et le repli sur soi, et ceci alors que les traitements peuvent âgir exactement comme ils le font dans des âges plus précoces.

Avant même que s’installe un état caractérisé de dépression, c’est à la fois le sentiment de non-utilité et l’isolement social qui servent de combustible à ce mélange de culpabilité et de renoncement qui colore en noir intense les dernières étapes de la vie. Tout l’objet de la politique de transition démographique est de contribuer à bâtir cette société inclusive où chacun aura un rôle et une place. Je n’utilise pas le terme de « société du care », qui veut dire « prendre soin » car il est trop unilatéral. L’un prend soin, l’autre bénéficie de ce soin. Une société du « share » a tellement plus de sens, y compris dans sa version française, le beau mot de « partage » impliquant que chacun donne et reçoit.

(Le titre de ce post reprend celui de l’article paru ce jour dans Libération « notre socièté donne à une partie de sa population le sentiment d’être un poids ». Saluons au passage la belle série de papiers parus sur le sujet de l’âge dans ce quotidien)
@charlottebelaich @billesocio

« Il perd, donc je pars’

« Madame Calmels, combien de divisions ? ». La première adjointe d’Alain Juppé a un considérable portefeuille médiatique, ce qui en politique est plus utile encore qu’on portefeuille d’actions ; mais ne suffit pas tout à fait… Ce qu’elle a compris comme à peu près tout de ce curieux microcosme. Il faut également un mentor : elle en a, à ce jour, eu deux.

Peut-on penser que si elle avait obtenu la tête de la liste « Les Républicains » aux élections européennes, elle aurait comme elle vient de le faire dans Le Parisien , attaqué Laurent. Wauquiez au canon ? La réponse est assurément « non » ; mais voyant ses chances plus que contestées, elle a préféré prendre l’initiative.

Wauquiez d’ailleurs perd chaque jour plus de terrain et ce dernier épisode ne fait pas grimper son capital de sympathie. Ce fléchissement entre également sans doute en jeu dans les événements d’aujourd’hui, selon l’adage inspiré de Descartes « il perd, donc je pars » que nous avons connu à Bordeaux au lendemain des primaires de la droite.

Ce mode de comportement est assez usuel en politique. Osons dire que si François Hollande avait eu une cote suffisante de popularité, Emmanuel Macron n’aurait certainement pas quitté l’attelage gouvernemental.

C’est en réalité le contraire qui est rare : cela s’appelle l’esprit de résistance. Et en ce 18 juin, il me plait assez d’évoquer la force de ce beau mot.

Un moment heureux : l’inauguration d’un EHPAD-AiRIAL

On brocarde bien souvent les inaugurations comme des moments convenus, où se précipitent les élus pour mettre en honneur leurs éminentes qualités…

Je m’inscris en faux contre cette vision. Quand on est pour tant soit peu dans la réalisation de ce que l’on inaugure, c’est un moment de fierté et de plaisir de voir ce qui n’était qu’une ambition se matérialiser après bien souvent des années de préparation et de bataille. Les Français ne savent pas assez qu’aujourd’hui plus encore qu’hier, dans un contexte de restriction financière, faire aboutir un projet demande beaucoup de conviction et plus encore d’obstination. Des heures à construire le projet, à l’argumenter, à en établir si nécessaire les plans, à solliciter toutes les administrations et les décideurs responsables… Bref un travail de longue haleine et un chemin bien souvent  « long, sablonneux, malaisé ».

J’ai partagé aujourd’hui un de ces moments heureux avec les élus du Conseil Départemental et en particulier son Président Jean-Luc Gleyze à l’occasion de l’inauguration de l’EHPAD de Captieux en Gironde. La chance m’a été donnée en 2013 de pouvoir apporter le soutien financier décisif et final avec ma réserve ministérielle, laquelle est destinée à des projets innovants ayant une utilité sociale particulière.

Un EHPAD, dans un territoire rural, a un caractère structurant pour l’emploi, le maintien du réseau local de santé et bien sûr pour la qualité de vie et la fierté des habitants dans un large rayon. Le projet de « l’airial de Biron » a créé 50 emplois, assure la pérennité de l’activité des deux médecins de Captieux (en plus du médecin coordinateur) et du pharmacien. Elle a vocation à constituer un pôle ressource en matière de vieillissement et de prévention comme l’a souligné Michel Laforcade, directeur général de l’ARS de Nouvelle Aquitaine, partenaire essentiel de l’établissement et lui-même grand visionnaire d’innovation et de l’évolution du rôle des EHPAD.

Ce landais s’est réjoui du nom « l’Airial de Biron » choisi pour l’établissement : « Airial » est le nom donné à la maison des travailleurs de la forêt et constitue un lieu de solidarité mutuelle, de partage et d’échanges, ce que la structure de l’EHPAD et sa conception favorise et facilite par de grands espaces de rencontre, des jardins, des salles à manger conçues pour réunir chacune 9 résidents comme une pièce familiale.

L’équipe soignante et accompagnante est bien sûr plus importante encore que les locaux. Mais ceux-ci sont faits aussi pour elle : élégants, fonctionnels, lumineux. Ma mère avait un principe qui malgré l’apparence était très concret : « il faut honorer le travail ». Ce qui voulait dire en pratique que l’on ne devait travailler que dans des locaux propres accueillants et bien éclairés pour donner le goût de ce que l’on fait.

Vieux principe, application résolument contemporaine dans cette belle réalisation. Bref, ce 16 juin, un moment heureux et partagé au milieu de large bandes de jachère fleurie aux mille couleurs tendres.

Merci à tous qui l’ont permis.

 

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel