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Un peu de normalité dans le bling-bling

La décision de Jean Sarkozy de ne pas présenter sa candidature à la présidence de l’EPAD introduit un peu de normalité et de bon sens dans le bunker où s’enferment tous les jours davantage les élites politiques. Faut-il d’ailleurs parler d’élite ? Une fois encore poser la question, c’est y répondre.

Pour avoir la première dénoncée (dès le 9 octobre), cette aberration de voir le fils du Président promu à la tête du plus grand centre d’affaires d’Europe, je ne peux que me réjouir de cette issue. La pétition lancée par les habitants de Puteaux allait atteindre 100 000 signataires quand l’information est tombée. Sa progression constante était un baromètre positif de l’état de l’opinion et du divorce qui s’accusait brutalement entre elle et le Chef de l’Etat.

La procédure de ce divorce est retardée ou ralentie mais elle est inéluctable. « Il y a quelque chose de pourri au royaume de France » et l’odeur entêtante, une fois perçue, de ce quelque chose est reconnue ensuite aisément dans les plis des « affaires » qui se succèdent sans désormais s’effacer.

Je regrette que ce retrait ait eu besoin de la mise en scène d’un passage en prime time sur France 2. La starification du jeune Sarkozy laisse mal augurer de son avenir. Du talent, peut-être, c’est finalement une qualité qui n’est pas si rare. Mais du caractère, un juste regard sur les choses et d’abord les autres, ceux qui habitent en bas de Seine et de tous autres fleuves, cette mise en piste sous les caméras, n’est sans doute pas un bon garant qu’il les acquièrent.

Identité de genre : le processus parlementaire se met en route

Nous venons de fêter les dix ans du PACS. Son succès est grand et toujours grandissant. Personne, aujourd’hui, Mme Boutin comprise, n’ose plus en contester ni le bien fondé ni l’utilité.

Dix ans depuis le vote, mais beaucoup plus en réalité. Tout est parti d’un très petit groupe de députés, sensibilisant les uns, mobilisant les autres et qui sont finalement parvenus à un texte qui, une fois amendé (en 2006), est satisfaisant.

C’est sous cet auspice que nous nous sommes placés cet après-midi : un petit groupe de députés, réunis à mon initiative, a tenu au sein même de l’Assemblée le premier colloque sur l’identité de genre.

De quoi s’agit-il ? Des personnes, le plus souvent des enfants qui découvrent qu’ils se sentent mal dans leur enveloppe corporelle et que leur identité de genre, leur sexe intérieur ne correspond pas à leur réalité physique.

C’est alors le début d’un long processus. En parler à qui ? Se confier comment ? Cacher ? Accepter ? Affronter ?

L’adolescence arrive avec les changements de la puberté qui avivent le problème. Les experts et grands témoins que nous avons réuni aujourd’hui insistent sur l’importance d’une écoute et d’un médecin qui, à ce moment, prend la décision de retarder la puberté par un traitement hormonal. L’un de nos témoins a confié : si j’avais pu à cette époque être compris à temps et bénéficier de ce traitement, toute ma vie en aurait été changée.

Le cheminement se poursuit, le mal être augmente. La possibilité d’un changement de sexe, d’une mise en conformité du sexe intérieur au sexe extérieur, prend forme. Et là, de nouveau le chemin est long. Deux ans d’accompagnement psychiatrique et de traitement hormonal avant la possibilité d’une intervention chirurgicale qui n’est d’ailleurs pas toujours désirée.

Pas toujours désirée et pourtant obligatoire si l’on veut obtenir un changement d’identité permettant d’investir totalement ce que l’on peut appeler le « sexe social », c’est à dire une vie selon sa nouvelle et réelle identité.

Le législateura aujourd’hui le devoir d’intervenir pour simplifier le parcours difficile des personnes « trans », à nombre égal hommes devenus femmes et femmes devenues hommes. Il doit aussi assurer leur égalité de droits avec les autres citoyens et empêcher leur discrimination.

Ce sont tous ces points que nous avons examiné. Simplifier le parcours menant à la reconnaissance de l’identité, faire qu’il soit le même sur l’ensemble du territoire et entre les pays européens, garantir le libre choix des médecins en charge de soigner et d’accompagner, tout en garantissant leur professionnalisme et leur expertise, lever le caractère obligatoire de la « ré-assignation » (l’étape chirurgicale) pour le changement d’identité, prévenir par la loi ce motif de discrimination à l’égal des autres formes de discrimination.

Combien de personnes cela concerne-t-il ? Il n’y a pas de chiffre certain : directement, entre 8 et 20 000 personnes en France. Beaucoup plus si l’on considère que ces personnes ont des proches, des parents, quelquefois des enfants, des conjoints, des amis qui les soutiennent et qui se sentent très impliqués.

Nous avons fait les premiers pas de ce long processus qui va d’un besoin nouveau à une réponse législative et qui correspond à l’objet exact de la politique : fournir les outils d’une vie plus facile, plus libre, plus propice à la réalisation de soi.

voir aussi « Les Trans », billet en date du 17 mai 09

Haro sur la presse !

Nous ne sommes plus très loin de méthodes fascisantes. Le mot est fort : il vaut mieux cependant l’utiliser avant de ne plus pouvoir le faire.

Le pare-feu mis en place par le gouvernement à l’encontre du tollé levé par l’affaire Jean Sarkozy n’a pas eu l’effet attendu du fait de la grossièreté de la méthode : annoncer dans la nuit du samedi au dimanche (!) la mise en place de deux fichiers de police a fait lever les cheveux sur les têtes, celles y compris des élus de droite. C’est le Ministre Brice Hortefeux qui avait bien sûr fait le boulot, sans lésiner : exécution immédiate de la commande sarkozienne, fichage propre à faire lever les boucliers de la gauche puisqu’il s’étendait aux enfants à partir de 13 ans ; malheureusement, la création d’un fichier relève du travail parlementaire et doit être entérinée par la loi. La ficelle a paru un peu grosse.

Nouvelle convocation sarkozienne : « Rentrez-leur dedans franchement ! ». « Leur », c’est la presse, et cela commence à devenir très grave. La presse, qui comme on sait, néglige Nicolas Sarkozy, ses faits, ses gestes, n’obéit à aucun de ses oukazes, n’est jamais flatteuse à son égard. Eh bien, nous nous sommes trompés : cette presse que le monde entier trouve trop obédiente, cette presse trop concentrée entre trop peu de mains et des mains trop proches du pouvoir, cette presse en réalité cherche à lyncher Nicolas Sarkozy !

Ce matin, sur toutes les fréquences, partout, un seul mot d’ordre, una voce : la presse est coupable de tout. D’affaire Jean Sarkozy, il n’y a point. Rien qu’un processus démocratique transparent, en vue de la présidence bénévole d’un établissement public dont on a tort de penser qu’il brasse à sa guise des capitaux colossaux. Non, point du tout. C’est au contraire une amicale de sympathiques philantropes et dont l’action a majoritairement un caractère social.

Deux axes à cet anathème envers la presse. Le premier : la « nomination » de Jean Sarkozy n’est pas une nomination. C’est vrai ! C’est bien davantage une machination et la presse a été bien courtoise de ne pas l’exprimer ainsi. Un conseil d’administration d’où l’on fait démissionner quelqu’un pour y faire entrer monsieur fils, c’est quoi ? Où l’on en nomme un autre au Conseil économique et social pour le dégager, c’est quoi ? Où l’on prétend initialement qu’une élection aura lieu « par les pairs » pour découvrir ensuite que la moitié des votants sont des fonctionnaires, c’est quoi ?

Une machination, préparée de longue date. Et la presse a été bien patiente de ne pas la dénoncer en ces termes.

Le second motif d’anathème : Jean Sarkozy ne recevra pas de salaires pour sa tâche. En effet, mais il se trouvera au coeur d’un brassage de capitaux considérable (115 millions d’euros de budget) ; 2500 entreprises déjà en place, beaucoup d’autres qui désirent y accéder et auront pour cela bien des moyens de convaincre. La presse, non seulement n’a pas « lynché », mais a été d’une timidité extrême dans sa dénonciation des coups tordus et de l’opacité qui préside à la gestion de l’EPAD, vigoureusement condamnée par un rapport de la Cour des comptes de 2007, concernant la période où le père du jeune impétrant était lui-même aux commandes. Qui est mieux à même de « nettoyer les écuries d’Augias », selon la formule de Devedjian que le fils du père ? Là dessus, la presse a été d’une prudence remarquable. Même la formule de Devedjian a été bien peu reprise : elle est pourtant définitive.

Point de détail : la condamnation des coupables intentions de la presse va loin. Géographiquement en particulier. Les premières réactions sont venue des organes de presse étrangers. Du Guardian au Times of India, les termes de mon communiqué du 9 mars ont été repris dès le lendemain. Le complot sans doute est universel.

Il y a un moment, dans une démocratie où, moralement aux abois, on n’a d’autres recours que de clouer la presse au pilori et de condamner les têtes qui dépassent de la ligne officielle. Dénoncer « le complot politico-médiatique » rappelle fâcheusement d’autres périodes de notre histoire récente. Comment l’ump a-t-elle pu prendre le risque de cette réminiscence ?

Pour cela, pour cette obligation de résistance où nous sommes, pour cette « impérieuse nécessité » de démonter les mécanismes du pouvoir sarkozien, voilà plusieurs billets que je consacre à ce sujet que je ne considère en aucun cas comme mineur : il est le signe d’un pouvoir excessif, impur dans ses méthodes comme dans ses finalités, il est le baromètre de la capacité de l’opinion de dire « non ».

Cette belle capacité de « L’homme révolté » de Camus.

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