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Chaban

J’ai en mémoire sa gentillesse, cet art consommé qu’il avait de saisir au premier regard quels mots, quelle attitude, quel sourire plus ou moins connivent ou familier, répondrait au mieux à l’attente de celui à qui il s’adressait. C’est cette générosité de lui même qui l’a installé durablement dans le coeur des Bordelais.

Et dans mon souvenir, Jacques Chaban-Delmas, ce n’était pas seulement l’art de plaire (qu’il possédait au plus haut point) mais la volonté que ceux qu’ils rencontraient soient plus heureux après qu’avant.

Un journaliste me demandait un jour, avant un scrutin, comment je concevais mon rôle et ce que j’attendais d’une réunion publique. Je lui avais dit « je voudrais donner de la force à ceux à qui je parle » et il m’avait répondu « comme Chaban ». Cela m’a fait plaisir.

Oserais-je dire que Chaban n’aurait pas souffert de me voir élue dans le siège qu’il a occupé si longtemps ?

Hier, à l’Assemblée nationale, il y avait un peu de cet air d’ouverture qui soufflait sur Bordeaux à l’époque du grand Chaban. C’était aussi l’époque de la « nouvelle société » et le colloque était bâti autour du discours de politique générale prononcé il y a juste quarante ans, ici même, à l’Assemblée, où ce concept, toujours d’actualité, est apparu.

Une société protectrice de l’homme pour une France prospère, jeune, généreuse et libérée. Chaban voulait bousculer le conservatisme social, l’inégalité des revenus, renforcer en même temps qu’apaiser le dialogue social ; il déplorait la fragilité de notre économie et notre affaiblissement industriel et voulait réduire les inégalités fiscales.

Dirait-on mieux aujourd’hui ? Mais surtout, comme on est loin de la politique de matadors de l’ump d’aujourd’hui, méprisante, autoritaire et égotiste !

Delors, Rocard, Bayrou, Juppé, Catherine Nay, Marie-France Garraud, Nicole Nota, Jean-Marc Ayrault, Jean François Copé, un éventail large pour un débat vif (quelquefois même très vif), alerte, sans tabous que Chaban aurait aimé.

Les droits du nourrisson

Pendant le débat sur la réforme pénitentiaire, mon voisin le député breton Jean-Jacques Urvoas évoque la déclaration des droits de l’homme :

« Les hommes naissent libres et égaux entre eux »

Je ne peux qu’ajouter : « dommage qu’ils grandissent, parce que ça ne tarde pas à se gâter… »

La prison ne doit pas être un lieu privatif de santé

Lieu privatif de liberté, la prison ne doit pas être un lieu privatif de santé.

Nous entrons ce soir à Assemblée dans le débat sur le projet de réforme pénitentiaire. Lors de la discussion générale tout à l’heure, je défendrai le droit des détenus à la santé et le devoir du couple administration pénitentiaire-ministère de la santé de la prendre en charge et de s’en porter responsable.

Un homme, une femme quelquefois, que l’on prive de liberté se trouve privée des moyens habituels d’accès aux soins, aux actions de dépistage et de prévention, à l’information comme à l’éducation à la santé. Et ceci est d’autant plus grave qu’ils sont plus à risques d’affections physiques ou psychiques que la population générale. Vingt pour cent sont atteints d’affections psychiatriques caractérisées, 20 autres pour cent de troubles du comportement ou de l’humeur, 30% usent de toxiques, avec les risques qui vont avec, 60% sont tabagiques, et beaucoup sont atteints de maladies de la misère ou de l’insalubrité comme la tuberculose.

Du fait de cette privation d’accès à tout ce dont les personnes libres bénéficient, l’administration pénitentiaire et les acteurs qu’elle coordonne, doivent y suppléer dans tous leurs aspects : soins mais aussi dépistage, prévention, formation, éducation.

Cela suppose d’abord qu’à son entrée soit proposé au détenu un bilan de santé suffisamment complet, suffisamment expliqué et compréhensible pour qu’il prenne la mesure de l’intéret qu’il a à le faire pratiquer. Ce bilan doit comporter le dépistage de la tuberculose, une sérologie HIV, un contrôle de l’état bucco-dentaire et bien sûr un bilan psychiatrique.

Cela suppose que l’on mette en place, chaque fois que nécessaire, des mesures de prévention et de vaccination et l’on pense bien sûr à la pandémie grippale.

Cela suppose aussi qu’on donne au détenu les moyens de sa santé : activité physique suffisante et activité tout court, messages d’information et d’éducation à la santé sur un intranet accessible sur les écrans de télé. Voilà qui ne coûte pas cher et permet de toucher les 15% de détenus illettrés.

Cela suppose pour des détenus âgés ou handicapés des soins, des aides techniques ou humaines palliant à leur déficit d’autonomie puisqu’ils n’ont aucun moyen de recourir à des aidants naturels.

Tout cela doit être inscrit dans la loi, comme l’est la réalisation d’une visite médicale de sortie, sans qu’aucune précision d’ailleurs ne soit donnée sur sa nature, ni sur les examens qui l’accompagneront. Est-il moins légitime de prévoir un bilan d’entrée alors qu’au contraire le temps de détention va permettre de soigner et, d’autre part, qu’il peut être à l’origine de contamination ou d’aggravation ?

Je ne sais si, dans tous les cas, la durée de la détention puisse suffire à permettre l’insertion de personnes marginalisées de longue date, fragiles, perturbées. Ce dont je suis sûre c’est que la détention doit leur en donner au maximum les moyens, et en premier lieu cet outil fondamental qu’est l’état de santé.

Intervention (I) Projet de loi pénitentiaire

Discours de Michèle Delaunay face à la Ministre :

« Ce projet de loi est sans aucun doute une très belle occasion de nous interroger sur le sens de la peine, et le sens de cet outil parmi d’autres qu’est la prison.

Je ne sais si leur rôle est d’insérer ou de réinsérer ; je suis sûre par contre qu’il est de leur en donner les moyens.

Et le premier de ces moyens, c’est leur état physique et mental, c’est leur santé.

Or voilà un homme, une femme quelquefois que l’on prive de liberté, c’est-à-dire des moyens habituels d’accès aux soins, aux actions de dépistage et de prévention, à l’information comme à l’éducation en matière de santé; et ceci est d’autant plus remarquable que nous savons qu’ils sont plus à risque d’affections physiques ou psychiques que la population générale.

Il s’en suit que l’administration pénitentiaire et les acteurs qu’elle coordonne doivent y suppléer en totalité : soins, dépistage, prévention, formation, éducation.

Et pour tout dire doit lui permettre de sortir en meilleur état qu’il n’est entré.

C’est tout cela que demande le code de la santé publique. C’est l’intérêt du détenu, de ses co-détenus, et pas moins – ne l’oublions pas – du personnel pénitentiaire.

Cela suppose d’abord qu’à son entrée lui soit proposé un bilan de santé suffisamment complet, suffisamment expliqué, compréhensible, pour qu’il prenne la mesure de l’intérêt qu’il a à le faire.

Examen clinique approfondi

Bilan biologique standard : état hépatique et hématologique

Dépistage de la tuberculose

Sérologie HIV ; et pour ces deux affections nous sommes en présence d’un public à risque particulier, risque d’être malade, risque de contamination.

Bilan psychiatrique : 20% entrent avec des affections psychiatriques caractérisées, 20 autres avec des troubles du comportement ou de l’humeur, le risque de suicide est dix fois plus élevé qu’à l’extérieur.

Cela suppose que l’on mette en place chaque fois que nécessaire des mesures de prévention et de vaccination.

Cela suppose que ce bilan soit suivi de la mise en œuvre des traitements nécessaires et que l’on ne poursuive, au contraire de ce que dit l’article 22 bis, les traitements en cours que s’ils demeurent adaptés et cette précision devrait apparaître dans le texte.

Cela suppose qu’on lui donne les moyens de sa santé, qu’on l’y incite : activité physique suffisante et activité tout court; message d’information ou d’éducation sur un intranet à destination des détenus ; ça ne coûte pas cher et cela permettra de toucher des détenus illétrés.

Cela suppose pour les âgés et les handicapés des soins, des aides techniques ou humaines palliant à leur déficit d’autonomie, puisqu’ils ne peuvent recourir à des aidants naturels comme le prévoit le code de la santé publique.

Tout cela doit être inscrit dans la loi, au lieu que n’y figure que l’examen de sortie.

Plusieurs éléments sont d’ailleurs fréquemment pratiqués, il font partie du règlement des établissements, mais ils ne le sont ni systématiquement, ni obligatoirement.

Et les bras tombent de voir qu’est inscrit dans la loi une visite médicale obligatoire à la sortie, sans précision de ce qu’elle comporte, alors que le bilan est plus nécessaire encore à l’entrée puisqu’il va permettre de soigner et de prévenir la contamination.

Nous avons proposé un amendement dans ce sens refusé au nom de l’article 40 alors qu’il aurait dû relever d’un gage de la Ministre. Dépistage, prévention, soins, aide en cas de déficit d’autonomie, le détenu doit bénéficier de ce qui lui serait proposé à l’extérieur. Un lieu privatif de liberté ne doit pas être un lieu privatif de santé.

Au contraire, la prison doit être un lieu de réparation. Non pas, non seulement réparation d’une faute à l’égard de la société, mais réparation de celui qui l’a commise, physique et mentale, afin qu’il dispose au maximum des moyens pour ne pas récidiver et s’insérer sans trop de souffrance de part et d’autre dans la communauté des humains. »

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel