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Le suicide de Gradignan fait réagir Delaunay

‘Sud Ouest, le 24 août 2009

Alors qu’un troisième suicide en moins de trois mois s’est produit à la maison d’arrêt de Gradignan, la députée PS Michèle Delaunay a de nouveau pris sa plume pour dénoncer les mesures décidées par Michèle Alliot-Marie. « La fourniture de couvertures indéchirables ne répond en aucun cas à l’état de souffrance qui amène au suicide. Combien en faudra-t-il pour que la ministre prenne la mesure de la gravité de la situation ? ».

Mon instant sur cette terre

De nouveau devant ma fenêtre après deux jours à Bordeaux. Les dernières heures quelque part sont toujours les plus parlantes. Quitter un lieu, fût-ce pour quelques mois, en dramatise chaque son, chaque couleur et ici, surtout, cette impression de grand large, d’éternité de la nature malgré toutes les alarmes écologiques qui ne suffisent pas à la précariser.

Ma fenêtre s’ouvre, selon les heures, droit devant l’Amérique (juste derrière cette ligne, souvent indécise, de l’horizon), à l’aplomb du soleil couchant que je regarde ici, les yeux dans les yeux, depuis tant de soirs, ou devant cette masse grondante, presque effrayante, qui donne plus que n’importe quoi l’impression de la faiblesse de l’homme, qu’est l’océan. Selon les heures, c’est l’un ou l’autre qui donne le « la » au spectacle toujours grandiose, toujours changeant, toujours retrouvé, que contient l’arrondi de la haute fenêtre devant laquelle je travaille.

Aujourd’hui, ma fenêtre est ouverte à deux battants, ce qui est rarement possible. Même en des jours que l’on qualifie ailleurs de canicule, le vent toujours présent, est quelquefois si fort, qu’il faut interposer une vitre entre ciel et table de travail, si l’on veut se maintenir à son poste. Mais, en cette fin d’après-midi, ce ne sont que des brises qui viennent par bouffées, avec le bruit des vagues qui s’éboulent, jusqu’à mon ordinateur.

Car c’est maintenant lui, depuis 10 à 15 ans, je ne sais plus, qui joue le rôle de fenêtre dans la fenêtre. Dès la première fois où j’ai ouvert mon portable ici, j’ai été frappée par la similitude de couleur entre le fond gris bleu de mon écran et celui du ciel ; par la similitude de sens aussi. Ma fenêtre et mon écran sont ouverts sur le monde, un monde sans limites, sans autres repères que ceux que je crée moi même en imprimant des lignes de petits caractères noirs, qui avancent sagement comme des traces de pas, sur cet infini liquide.

Camus a appelé sa première résidence sur les hauteurs d’Alger, où il vivait en bohème avec sa femme inoubliée Simone Hué, « ma maison devant le monde ». Ma maison devant le monde a toujours été celle-ci, une fenêtre ouverte sur la mer, où que ce soit dans le monde. Même si je n’en ai connu que très peu, outre celle-ci où je suis ce soir, elles font toutes plus que se ressembler, elles sont les mêmes.

Un autre écrivain, Suédois celui-là, a écrit devant cette fenêtre (cette fenêtre universelle) un roman qui m’est toujours demeuré en mémoire, moi qui ne sais plus lire de romans. L’écrivain s’appelait Wilhelm Möberg, et le livre « Mon instant sur cette terre ». Rien que ce titre démontre le pouvoir et la signification universels de ces fenêtres ouvertes sur un large horizon et une mer grondante. L’homme qui regarde à travers elles ne peut qu’avoir conscience de la brièveté de cet instant qu’il lui est donné pour contempler au dehors et au dedans de lui même.

Le héros de Möberg, si je me souviens bien, va d’un chapitre à l’autre de ce dehors à ce dedans. A l’extérieur, comme ici, les couleurs du ciel, les formes mouvementées et les bruits de la mer, les échos d’un village situé quelque part à ses pieds. Au dedans, le souvenir d’un frère mort à la guerre, emporté avant lui et soustrait à la perception même de la brièveté de « son » instant.

C’est devant cette fenêtre, sur la longueur de cette plage, que j’ai commencé à écrire, il y aura dans peu d’années cinquante ans. Relativement à ce que j’ai connu alors (les paroles littéralement dictées par une voix extérieure, ou plus justement, totalement involontaire et inattendue), je peux dire que je ne sais plus écrire. La vie réelle est trop pressante autour de moi pour que cette sorte de grâce trouve son chemin. Ou peut-être, tout simplement, est-elle tarie.

Comme chaque année, je m’interroge : reviendrai-je ici ? pourrai-je encore marcher loin le matin en attendant que la fatigue me ramène d’où je suis partie ? Toutes les années sont délimitées pour moi entre ma venue et mon départ de ce front de ciel et de mer. Toutes les années apportent et emportent en proportions différents. Certaines m’ont donné de la force, d’autres ont creusé des vides. Aucune à ce jour, ne m’a enlevé l’envie d’être.

La potemkinisation des clients de magasin

Pas d’humour à l’ump ? Me voilà prise, pas plus tard qu’hier, en flagrant délit de sous-estimation de ce groupe d’amis, facétieux et rieurs.

Le dernier en date : Luc Chatel, entouré hier dans un supermarché d’élues ump des communues voisines pour vanter les bienfaits des fournitures scolaires à prix basique. C’était l’an passé Nadine Morano, même date, même lieu, qui interrogeait des militantes, toutes enthousiastes, sur la réforme de l’allocation de rentrée scolaire, qui pourtant correspondait à un moins donnant de l’Etat.

Ces innocentes facéties sont à vrai dire un grand classique du « Mouvement Populaire ». Les bains de foule de Nicolas Sarkozy ? Savamment pris au milieu de militants dont la carte est contrôlée par les forces de l’ordre. Bordeaux a connu cela lors d’une visite à la chambre de commerce. Les grands discours publics ? Devant un parterre du même métal, non moins bien organisé, pointé, contrôlé.

On se souvient du regretté Ministre Potemkine. Pas à l’ump, celui-là, mais avouons qu’il l’aurait mérité. Il faisait monter en hâte des isbas proprettes le long des routes et des villages que traversait Catherine de Russie. Si une escale était prévue, on ajoutait quelques moujiks roses et gras, témoignant des bienfaits du règne de l’impératrice.

La rentrée s’annonce sombre ? Que nenni ! les « pops » sont là pour l’égayer !

Proverbe chinois

On connait le célèbre et éternel proverbe « Quand on montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ».

On va adorer la version ump « Quand on montre un pendu, la Ministre soigne la corde ».

Les pendus se comptent en réalité par dizaines en prison (un tous les deux jours cette année), et la Ministre Michèle Aliot Marie ne peut y rester insensible : elle vient de proposer deux ordres de mesure
– rendre les cordes plus difficiles à faire grâce à des draps indéchirables et des pyjamas en papier
– offrir des mesures de détention plus clémentes au… compagnon de cellule du suicidaire

Au suicidaire lui-même, rien. Ni parloir rallongé, ni promenades plus fréquentes, ni soins médicaux, ni mitard raccourci, rien.

Mais pourquoi ai-je écrit « Ministre » et non « imbécile » dans ce proverbe revisité ?

Zéro pointé au projet de notation des Ministres

Parmi les plaisirs de la lecture des journaux des mois passés, celui de découvrir nombre de dossiers laissés en plan, d’affaires évoquées mais jamais menées à leur terme, et de grandes annonces qui ont fait florès et dont on n’entend plus parler.

De cette dernière variété, reconnaissons que les gouvernements Sarkozy sont particulièrement prodigues. Les ballons d’essai qui ont été pudiquement retirés et soustraits à la curiosité des journalistes par l’envoi d’une autre bombinette sont légion.

Parmi eux, l’annonce en grande fanfare il y a environ dix-huit mois de l’évaluation et de la notation des ministres. On allait voir ce qu’on allait voir. A chaque Ministre était fixé un « tableau de bord », à chacun serait appliqué « en toute transparence » une notation des résultats obtenus. La culture sarkozienne du résultat tenait là son fleuron.

Les mois ont passé. Le gouvernement a été remanié selon un jeu savant de chaises musicales qui tenait plus de l’inspiration du moment que de l’évaluation objective. Sur quelle appréciation, sur quelle note, MAM aurait-elle, par exemple, été déménagée du Ministère de l’intérieur à celui de la justice ?

Interrogé en septembre 2008, le premier Ministre avait d’ailleurs reconnu que l’évaluation chiffrée des Ministres s’était transformée « en un point d’étape sur la feuille de route confiée à chacun ». Le cabinet d’audit qui avait été embauché pour la notation (ou du moins qui devait l’être) a disparu du paysage. Les indicateurs que l’on avait soit-disant établi n’ont à aucun moment été transmis à la presse comme il avait été promis.

Dommage ! Les médias se seraient certainement beaucoup amusé de publier des tableaux d’honneur ou d’horreur, de distribuer lauriers ou bonnets d’âne.

En réalité, l’annonce n’était qu’une annonce, le projet irréaliste, comme, sous beaucoup d’aspects, cette culture du résultat qui relève plus souvent de l’intoxication que de l’objectivité.

Et si les Français se mêlaient à leur tour de noter à leur juste valeur les annonces du gouvernement et les résultats de sa politique ?

La réponse est simple : les Socialistes seraient au pouvoir pour dix ans. Il doit y avoir quelque part quelques chose qui cloche…

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel