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8 mai

Après le jardin, l’ordi et une deuxième mi-temps d’après-midi studieuse, consacrée à des travaux de rédaction plutôt embêtants. Ce matin, nous commémorions au monument aux morts le 8 mai 45, jour de la capitulation de l’Allemagne et de la fin de la deuxième guerre mondiale en Europe. La guerre a continué trois mois encore au Japon avec les drames que l’on sait.

Je suis toujours admirative de la sobriété et de la rigueur de ces manifestations militaires. Pas de démonstration de force, quelques bataillons inter-armes, passés en revue par les autorités militaires. Sonnerie aux morts, Marseillaise, lectures du message du Secrétaire d’Etat Jean-Marie Bockel, salut aux anciens combattants dont les rangs se clairsèment après que ceux de 14 – 18 se sont épuisés.

Le tout prend moins d’une heure et a quelque chose d’immuable. La solennité est présente mais elle n’est pas pesante, elle ne fait pas dans l’excès ni le pathétique. Le nom des Bordelais morts pendant les deux guerres, couvrant les hauts murs du monument, suffisent.

Le temps a gardé tout le jour le sérieux, le gris voilé de cette célébration. Bordeaux est silencieux, comme recueilli. Je vais essayer de travailler à l’unisson.

Hôpital, suite

Est-ce maître Maurice Garçon ou Jean-Louis Tixier Vignancour, tous deux célébrités du barreau du temps que j’étais encore petite fille, qui avaient terminé une plaidoirie par cette phrase demeurée célèbre « Madame, quand on a été prostituée, c’est comme quand on a été ministre, on garde le titre toute sa vie ! »

C’est de peu d’importance. Ce souvenir me revient juste pour dire « quand on a est médecin, on le reste en toutes circonstances ». Et, en effet, cet après-midi, présidant le Conseil d’administration de l’hôpital Charles Perrens, c’est exactement ce que je ressentais.

Le corps médical avait décidé de ne pas siéger pour manifester son opposition à la loi Bachelot. Je suis de tout coeur et esprit avec cette opposition, même si je la trouve tardive : devais-je moi même présider ce Conseil d’administration ?

Je l’ai fait, car ce rôle vient en représentation du Président du Conseil général et au titre de cette institution. Nous avions des dossiers importants, parmi lesquels le budget prévisionnel et je voulais, comme le Directeur l’a fait lui-même, commenter cette absence médicale et l’impact de la loi sur notre hôpital.

Pour les non-Bordelais, Perrens est à la fois notre hôpital psychiatrique et fait partie du Centre Hospitalier Universitaire en abritant les services universitaires de cette spécialité : il est donc au coeur du raz de marée libéral que sous-tend et prépare la loi.

Nous avions un autre problème à évoquer : un adjoint au Maire de Bordeaux, conseiller général ump du territoire de Perrens, s’est exprimé dans le journal sud ouest en sa qualité d’administrateur de Perrens pour regretter « qu’on jette les malades à la rue au lieu de les hospitaliser ».

L’article de Sud Ouest où ces propos sont rapportés concernait les drogués et les SDF d’un quartier de Bordeaux (cours Victor Hugo). Comme moi, l’ensemble du Conseil d’administration a vécu douloureusement :
– l’amalgame fait par l’adjoint entre malades mentaux, drogués et SDF. De tels amalgames, d’inspiration très sarkozienne, conduisent loin si on les prolonge, et ceci fut fait en d’autres périodes
– la mise en cause de Perrens, qui assure 24 h sur 24, chaque jour et chaque nuit de l’année, sa mission de service public. Chaque malade est reçu, à toute heure, si son état le justifie, par un médecin, et ce médecin, sans pression ni contrainte, décide médicalement soit de l’hospitaliser, soit de le suivre à titre externe. « Jeter à la rue » ne fait pas partie, jusque là, du vocabulaire, de la pratique, ni de l’éthique des hospitaliers.

Le Conseil d’administration unanime a adressé un droit de réponse à notre quotidien Sud Ouest.

Est-ce le premier effet de cette loi dont l’objet est de dissoudre le service public hospitalier, en hospices d’un côté à destination des pelés, des tondus et des dangereux, et en établissements privés pour les soins lucratifs de l’autre ?

Comment dit on « Pardon » en Turc ?

Non, non, c’est promis, je ne vais pas demander pardon à M Erdogan, Chef du gouvernement turc, mais… ce serait pleinement justifié !

Quel mépris, exprimé hier par Nicolas Sarkozy, envers ce pays ! Un processus est en cours avec l’Union Européenne pour examiner les conditions d’entrée de la Turquie dans l’Union, et voilà qu’il ferme la porte, tout seul dans son coin, à des fins purement électoralistes.

Le processus ne préjuge pas de l’entrée de la Turquie, encore moins de sa date. Encore faut-il le respecter, de même que le pays qui s’y est engagé et Nicolas Sarkozy a été doublement malencontreux dans sa déclaration.

Envers la Turquie. Envers les responsables de l’Union Européenne. N’est-ce pas lui qui présidait cette Union, il y a encore quelques mois. Il en fait désormais bien peu de cas.

Voilà une nouvelle ration d’excuses qui ne serait pas moins justifiée.

Prisons : les « pénitentiaires » interpellent le gouvernement

Il y a dans le mouvement des gardiens de prison deux points qui méritent d’emblée mention :

– Contrairement à l’image hâtive que l’on pourrait avoir d’eux, les gardiens ne manifestent d’aucune façon en opposition aux détenus. Je viens de recevoir leurs représentants. Tous insistent sur le fait que la difficulté de leurs conditions de travail aggrave celle des détenus et qu’à l’inverse, un supplément de personnel permettrait de rendre la vie en prison plus conforme aux directives européennes et à la simple humanité.

– Les forces de l’ordre ont été dépêchées dans certaines maisons d’arrêt contre leur mouvement. Curieux pays où les forces de l’ordre interviennent contre les forces de l’ordre !

Aucun de ces deux points n’est anecdotique. Revenons sur le premier.

Dans chacune de mes visites à Gradignan, comme aux responsables de l’administration pénitentiaire, j’ai été frappée par le souci que tous avaient d’améliorer la situation des détenus et de pouvoir appliquer correctement les prescriptions européennes (encellulement individuel des condamnés, lien téléphonique avec les familles…), de même que de rendre possible des améliorations circonstancielles comme l’allongement du temps de promenade quand la chaleur de l’été rend insupportable la vie en cellule.

Le problème est que la moindre action positive correspond à un supplément de charge auxquels les gardiens et l’administration ne peuvent le plus souvent pas répondre.

Gradignan aujourd’hui abrite 760 détenus pour 400 places (et en plus 100 « PSE », c’est à dire condamnés sous bracelet électronique). L’ouverture de la prison de Mont-de-Marsan n’a permis que le transfert de 50 détenus, n’amenant aucunement le « désengorgement » promis par la Ministre Rachida Dati lors de sa visite il y a un an.

La mise à disposition d’un contact téléphonique pour les 300 condamnés (par opposition aux « prévenus ») qui occupent le 4ème étage du bâtiment de Gradignan a obligé au transfert de trois personnes au courrier et au standard (définition pour chacun des numéros accessibles, contrôle…). Ces trois personnes manquent dans les autres postes.

Les gardiens sont contraints d’accepter les heures supplémentaires imposées par le manque de personnel. Ils en font en moyenne 20 à 25 heures par mois, s’ajoutant à leurs 157 heures réglementaires. Ils ne bénéficient d’un week-end entier qu’une fois par mois.

Ces quelques données pour montrer qu’en un an, malgré les promesses du gouvernement, l’agitation de la Ministre, les efforts du personnel, la prise de conscience de l’opinion et la mobilisation de beaucoup d’élus, parmi lesquels je me compte, la situation n’a guère progressé.

Et un nouvel été, rendant la détention, la promiscuité plus intolérables encore, la tension et le risque de violence plus preignants, approche. Nous sommes toujours au même point.

Pique-nique au pédiluve

Le défilé du 1er mai a convergé pour notre groupe de militants au miroir d’eau, le mal nommé. Manière, dirait le Maire de Bordeaux, de rendre hommage à son oeuvre. Manière en réalité de célébrer l’esprit malin qui a complètement détourné ce « miroir » de son objet. La lisse surface où la ville était censée se contempler, comme l’histoire du haut des pyramides, est devenue une piscine mono-moléculaire pour les pieds des enfants, les roues des skates et les pattes des chiens. On patauge, on déjeune, on bronze, on s’éclabousse sans façons, ni manières, dans un désordre social qui n’était sans doute pas inscrit dans la conception de Monsieur Corajoud.

J’ai employé intentionnellement, avec un peu de malignité, le mot « désordre » social. Une voisine de ma permanence m’a abordée il y a quelques jours: « Ces quais, décidément, ce n’est pas si mal, si ce n’était cette place de la bourse, défigurée… Avez-vous vu ce qui s’y passe ? Des vélos, des loubards, des gens déshabillés, vautrés ! On mange, on boit ! »

C’est vrai qu’on boit un peu trop la nuit, mais ce n’est pas à l’instant le sujet. En bonne politique, j’essaye de trouver entre elle et moi, le meilleur dénominateur commun. Pour les apprentis en politique -que je suis encore, mais pas sur tout.. – je me permets un conseil éprouvé : il y a deux sujets qui passent partout et qui n’obligent à trahir aucun engagement de fond : la santé et les enfants.

Donc, j’embraye sur le second : « Mais c’est un bonheur pour les enfants ! Vous savez comme moi, combien ils aiment les jeux d’eau ! Quel spectacle ravissant de les voir jouer et taper de leurs petites mains quand ils soulèvent autour d’eux une broderie de gouttelettes ! »

Comme d’habitude, ça marche. Quelle maman, même au coeur du XVIème (arrondissement, pas siècle), qui a vu son bambin taper dans l’eau de son bain, pourrait réfuter qu’il aime l’eau ?

J’apaise donc mon interlocutrice, qui entre-temps avait dénoncé les hordes descendant de la rive droite. Elle convient que les enfants sont heureux. Pour les adultes, il n’y a pas d’espoir de la convaincre, mais ce n’était pas l’objet de l’entretien.

Je reviens à notre pique-nique. Le temps n’était pas clément, le joyeux groupe de militants socialistes (« socialiiistes ! » aurait dit ma voisine) était moins nombreux que s’il avait fait le temps de rêve de ce matin de dimanche. Mais le style y était ! Ma voisine aurait été contente.

Un de nos amis fêtait de cette manière débonnaire son cinquantième anniversaire. Un autre, de Caudéran, y venait dans cet esprit joyeux et frondeur que j’aime tant. Nous avons donc pique-niqué (en évoquant à plusieurs reprises soeur sourire et Dominique-nique-nique), sablé le champagne en l’honneur du cinquantenaire de notre ami. Quelques-uns (que je condamne, pour la forme) ont fumé un cigare. Une boite de caviar aquitain a été ouverte pour l’ensemble de la troupe.

Et nous avons décidé que l’an prochain, si le temps était plus clément, nous amènerions des chandeliers, comme les aristos pique-niquant avec valets et malles d’osier sur le terrain de course d’Ascott.

Chiche que ma voisine nous rejoindra…

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel