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Manif’

Ceux qui ont partagé le défilé du 1er mai 2008 en ont tous convenu : la mobilisation, l’ardeur, l’atmosphère du 1er mai 2009 étaient multipliés par 10. Et ceci malgré le temps grisounet, la pluie qui toute une partie de la matinée a paru vouloir s’imposer, et le long weekend que ce vendredi férié ouvrait.

Tant mieux. Je ne suis jamais contente et j’aurais aimé une ville plus encore envahie, soulevée, aspirée dans un même élan.

J’aime assez les manifs. A ma manière à moi, sans doute, et pour cet « être ensemble » qui donne aux ciels les plus grisâtres, à l’asphalte le plus dur, une énergie particulière. La communauté des humains se retrouve pour faire quelque chose d’apparemment idiot : quelques kilomètres de marche entre un endroit où on n’a rien à faire vers un endroit où il n’y a rien à voir.

C’est cette vacuité apparente qui donne leur force aux manif’s et aux défilés : on est là, sans utilité personnelle, sans curiosité particulière pour des rues, pour un trajet, habituellement toujours plus ou moins les mêmes. On est là, pour dire et pour être ensemble.

La revanche éternelle des riches contre les pauvres

C’est à une nouvelle scène de ce scénario, éternellement rejoué, que nous assistons aujourd’hui à l’Assemblée, à l’occasion de la deuxième séance d’ « initiatives parlementaires » où nous déposons trois propositions de loi.

Trois propositions de justice sociale sont mises en débat :
1-Proposition « Hauts revenus et solidarité » centrée sur l’abrogation du bouclier fiscal, la suppression des stock options hors de certaines conditions, des parachutes dorés, et imposant la transparence des rémunérations des dirigeants d’entreprise ainsi que leur plafonnement entreprise par entreprise.

2- Proposition « augmentation des salaires et de protection des salariés et des chômeurs

3- Abrogation du « délit de solidarité »

Je reviendrai sur ces textes, tous et en particulier les premiers de haute actualité dans le contexte de crise qui est le nôtre : augmentation du chômage de 25 % en un an, et de 25% en trois mois pour les jeunes, perte d’un emploi par minute… Comment peut-on imaginer que l’effort qui est demandé aux Français, que la solidarité qui s’impose envers ceux qui sont touchés de plein fouet, puissent être compris et acceptés en dehors d’un contexte d’équité sociale ?

Comment peut-on imaginer que seuls les plus hauts patrimoines soient exemptés de tout effort ? Comment peut-on supporter qu’entre le salaire d’un dirigeant et celui d’un salarié au smic, il puisse y avoir un facteur 1000 ? Est-ce qu’il n’est pas de toute urgence de donner des signes de cette urgente obligation d’équité ?

Au lieu de répondre avec nous à ces interrogations, la majorité ump a consacré la matinée a faire feu d’arguties procédurières pour échapper au débat. Motion d’irrecevabilité présentée par Jean-François Copée, puis retirée, réservation de vote par le gouvernement, je n’explique pas le détail de ces procédures, l’objectif était de dédouaner les députés majoritaires du débat et de leur permettre de se soustraire au débat. Et de fait, la presque totalité d’entre eux ont quitté l’hémicycle avec un flegme méprisant qui ne peut que susciter en retour le mépris.

De fait, la majorité est en situation de faiblesse sur tous les sujets que nos propositions de loi abordent. Ils n’ont aucune réponse acceptable aux questions que je posais précédemment. Salaires de dirigeants d’entreprises bénéficiant d’aides publiques augmentant de 150 % quand on refuse une augmentation du smic de 0,3%, politique de défense du pré carré non seulement des riches, mais des très riches, elle ne peut ouvrir la bouche sans s’accuser.

Ainsi, nous débattons en face de quelques députés épars et de la Ministre, Mme Lagarde, laissée pratiquement seule face à nos questions et à nos propositions, ce qui manque sacrément de courage et d’élégance. Les options de la Ministre sont loin d’être les nôtres, mais elle répond face avec constance, sérieux et dignité.

Ce mépris d’un débat essentiel, concernant la base même de notre pacte social, a quelque chose d’insolent, de malsain, de décadent. Nous demeurons presque entre nous, sur les bancs de la gauche, nourrissant de l’expertise de beaucoup et de l’engagement de tous les présents, un débat que nous voulons au contraire respectueux de ceux qui souffrent et digne de ce que l’on doit attendre de la représentation nationale. Son contenu sera dès demain disponible sur le site de l’Assemblée et il m’apparaît que nous n’avons pas à en rougir.

Défense de l’hôpital public

Hier, 75% des médecins de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris étaient en grève, et un grand nombre manifestaient. Ce fait est sans précédent.

Nous avons auditionné ce soir à l’Assemblée trois des leaders de la fronde des hospitaliers. Trois médecins chefs de service de spécialités et de sensibilités différentes ; tous les trois attachés au service public hospitalier et décidés à le défendre.

Leurs inquiétudes, leurs arguments, sont ceux qui ont été développés dans maints billets de ce blog ; nous leur avons fait part de notre regret de ne pas les avoir vus mobilisés au cours des dernières semaines, quand nous étions sur le front à l’Assemblée. L’interrogation (voir billet précédent) demeure partiellement sans réponse. L’essentiel est aujourd’hui que notre bataille est totalement convergente. Il lui reste à être efficace.

Le premier pas est d’obtenir la levée de l’urgence. Petit cours abrégé de pratique parlementaire : la procédure d’urgence permet de ne faire qu’un passage des projets de loi dans chacune des assemblées. Pratiquement tous les textes sont désormais passés sous ce régime, sans la moindre justification. Si l’urgence est levée, le projet reviendra à l’Assemblée après son passage au Sénat et pourra être correctement revu et amendé.

L’objectif principal est en effet que le texte soit revu sur les points suivants : – abandon de la convergence tarifaire public-privé (c’est à dire définition de deux « ONDAM » différents pour le public et le privé, qui n’ont pas les mêmes charges)
– maintien des services, structure de base de l’hôpital, regroupés en département selon une logique médicale (spécialités complémentaires et synergiques) et non suivant une logique de gestion
– responsabilité du projet médical (détermination des pathologies méritant un effort particulier) rendue à la communauté médicale
– maintien du statut de service public hospitalier

Dans cet objectif, conforme à ce que nous avons défendu en séance (synthétiquement résumé ici), les médecins vont créer une association de défense du service public hospitalier et ont mis en balance leur démission massive s’il n’est pas atteinte.

Espérons que le gouvernement en prendra acte et en tirera conséquence.

Loi portant réforme de l’hôpital : pourquoi ce retard dans la prise de conscience des hospitaliers ?

C’est pour moi une véritable interrogation de voir hier défiler les hospitaliers, patrons en tête, quand nous aurions eu tellement besoin d’eux lors des 6 semaines où nous nous sommes battus contre la loi Bachelot à l’Assemblée.

Tous avaient connaissance de sa teneur, aisément lisible sur internet depuis des semaines. Nos débats, jour après jour, ont montré le danger de ce texte « portant réforme de l’hôpital » : non pas la « réforme », mais la dissolution à terme du service public hospitalier.

Eclatement du statut public en 13 missions, transférables à discrétion au secteur privé, introduction d’un paiement à l’acte au sein des services, déresponsabilisation des médecins qui ne seront plus même en charge du projet médical d’établissement, nous avons bataillé pied à pied. Ils le découvrent aujourd’hui.

Le Pr Bernard Debré, hospitalier et député ump, est le premier de ces découvreurs tardifs. En tête de cortège hier à Paris, il a retiré le mois dernier en séance tous les amendements qu’il avait déposé. Ces amendements témoignaient d’une vraie connaissance et d’un vrai soucis de l’hôpital : nous les aurions voté et ils seraient passé sans difficulté. Mais non : au moment où il pouvait l’emporter avec l’aide de nos votes et d’un certain nombre de médecins du centre et de droite, il s’est récusé, après une entrevue avec le chef de l’Etat, comme un petit garçon.

Aujourd’hui, il se flatte « de manifester pour l’hôpital pour la première fois depuis 1982 et s’amuse de se trouver aux côtés de Sud, de la CGT, de FO et de la CFDT. Il eût été plus efficace encore de voter avec les socialistes il y a un mois .

Où est la clef de cette prise de conscience tardive ?

Simple hypothèse : tout le monde se rend compte du risque considérable que fait courir cette loi. Demain, des secteurs entiers du soin risquent de ne pouvoir être accessibles qu’en secteur privé, c’est à dire à des tarifs bien supérieurs au tarif « opposable » pratiqué par l’hôpital. Les personnalités de droite qui manifestent aujourd’hui n’ont pas voulu déconsidérer la Ministre et son texte pendant le temps où nous étions au créneau.

Aujourd’hui, ils sont dans la rue pour influencer le sénat et laisser penser que, dans sa grande sagesse, la haute institution a écouté les revendications du monde hospitalier toutes sensibilités confondues. Et ainsi n’avoir ainsi pas à donner raison à la gauche et à sa bataille dans l’hémicycle.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel