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La pipe de Tati et la cigarette de Camus

J’entends dans le poste qu’un publicitaire prudent a enlevé sa pipe de la bouche de Jacques Tati pour se conformer aux normes ambiantes (et justifiées) de lutte contre le tabagisme.

Trop, c’est trop, comme n’a pas dit Pierre Dac, mais il aurait pu et dû ! Tati n’est plus une personne, il est une silhouette, un style, un « look » dans notre patrimoine intellectuel. Devrait-on l’interdire d’imperméable au prétexte que l’on n’aime pas la pluie ?

Quelques-uns, qui me connaissent et qui m’ont sur le dos de temps en temps, savent que je n’ai guère qu’UN dogmatisme : la lutte contre l’asservissement tabagique. Pesticides, alcool, mal bouffe, humeur grincheuse, rien n’est si nocif sur de multiples plans que l’addiction au tabac. Mais imagine-t-on qu’un seul jeune décide de s’y adonner pour avoir vu la maigre silhouette de Tati et de son chien suivre de près celle d’une pipe, qui d’ailleurs n’émet jamais la moindre fumée. Une pipe stylisée, presque lunaire, une pipe qui ressemble à une béquille allant vers le ciel (et, dans le cas, c’est sans doute exactement cela).

Un jour, dans un milieu savant et littéraire, je me suis trouvée prise dans une discussion : devons-nous accepter que l’on prive le beau visage de Camus de sa cigarette ? La photo de Camus, col d’imperméable relevé (décidément, les imperméables…) et cigarette tombante entre les lèvres, a fait le tour du monde. Pour une « pub », mais une pub très chic, qui a rempli les devantures de librairies, la cigarette a été discrètement soustraite. Et pour avoir comparé les deux images, Camus n’en était pas moins beau, ni moins présent.Camus n’était pas mort depuis si longtemps que l’idée qu’il fumait (trop) n’aurait pu assimiler écriture, succès littéraire et tabac. J’ai été de ceux qui approuvaient la soustraction de la cigarette.

Bataille totalement différente pour Tati : qui peut imaginer sa silhouette maladroite comme un vecteur promotionnel du tabagisme des jeunes ?

Le tabac tue. Le ridicule, non. Décidément, ça devrait être l’inverse.

« De la Santé en Europe à l’Europe de la santé », d’après Michèle Delaunay

www.aqui.fr,le 20 avril 2009

Michèle Delaunay, Députée de la Gironde, était l’invitée de la quatrième soirée de débat organisée par la gauche européenne ce vendredi 17 avril, au pub le Conemara, à Bordeaux. Le thème de la soirée portait sur le sujet de la santé en Europe. La députée, également médecin hospitalier, a saisi l’occasion pour rappeler quelques une des avancées européennes sur ce sujet, tout en regrettant fortement le manque d’ambition de l’Europe dans ce domaine, qu’elle perçoit comme pouvant être « un vecteur de ré-appropriation de la politique par les citoyens européens ».

(suite…)

Papa, c’est loin l’Europe ?

On connait la réponse : « Tais-toi, et rame… »

Eh bien, on est en plein dedans : l’Europe rame et tarde à faire envie. Nombreux sont ceux auxquels j’apprends qu’il y a dans 6 semaines des élections européennes. Les partis sont taisants, plus empêtrés d’eux-mêmes que de grands projets. On ne les a vraiment entendus qu’au moment de la composition des listes, moment de très petite gloire, à gauche comme à droite, si bien qu’on a voulu vite oublier.

Et pourtant ! Ce qui est fait autant que ce qui reste à faire devrait mobiliser les énergies. Nous parlions vendredi dernier avec la « Gauche européenne 33 » de santé. J’avais intitulé l’exposé « De la santé en Europe à l’Europe de la santé » pour montrer qu’en ce domaine aussi, il y avait beaucoup à ramer. Et qu’en plus il manquait le rameur.

Le sujet est a priori austère : l’Europe a, en matière de santé, des « compétences » mais elle n’a aucun pouvoir. Elle ne peut que susciter, accompagner, soutenir. Elle ne peut pas contraindre. La santé demeure un domaine régalien des Etats, qui n’en font pas tous, loin de là, le meilleur usage. A preuve notre dernière loi « portant réforme de l’hôpital », dissolvant le service public quand jamais dans ce domaine il n’a été si nécessaire.

Par des moyens détournés, sous la pression des événements (par exemple, l’épidémie de vache folle) ou des mécanismes (par exemple, et surtout, l’engrenage consécutif au principe de mobilité des personnes et des biens), l’Europe a pourtant fait beaucoup de choses pour notre santé et pratiquement que des bonnes choses.

Vous séchez ? C’est normal : 95% des Français en font autant. Ils ne voient en l’Europe qu’une grosse machine à calculer libérale, capable de vendre au marché jusqu’à la pharmacie familiale. Et ils n’ont qu’à moitié tort : tant qu’il y aura en Europe une majorité de droite, il y aura une politique de droite. M de La Palisse n’aurait pas dit mieux, mais justement nos candidats aux élections européennes ne parlent guère de ce hobereau trop oublié.

A moitié tort, disais-je, car nous sommes en matière de santé, redevables à l’Europe de très belles avancées :
– la validité des diplômes pour toutes les professions de santé dans tout le territoire européen. Ce n’est pas totalement sans effets délétères, mais très majoritairement, les conséquences sont positives et font élever le niveau des professionnels et des études dans les pays les moins en pointe, sans aucunement le faire baisser dans les autres.
– la dispositive REACH de sécurité sanitaire : les industriels sont aujourd’hui obligés de démontrer l’innocuité des substances entrant dans leurs produits pour qu’ils puissent être mis sur le marché. Aucun pays n’aurait réussi à l’imposer tout seul : timidement, on tentait, ici ou là, de demander gentiment aux industriels de retirer les produits dont on avait démontré la toxicité. Cette « inversion de la preuve » est si révolutionnaire, que la dispositive REACH est attaquée de toutes parts…
– la mise en place d’une autorisation européenne de mise sur le marché (AMM) : elle ne concerne pas encore tous les médicaments, mais elle répond à une évidence : un gosier calabrais n’avale ni mieux, ni plus mal une pilule qu’un gosier finnois. C’est une image bien sûr, je veux dire que la toxicité comme les bénéfices des médicaments sont les mêmes ici ou là. Et le fait de présenter le dossier devant une administration au lieu de 27 accélère le processus et en diminue considérablement le coût.

Je pourrais continuer longuement, ce qui n’est pas l’objet d’un billet dans un blog. Pourtant, j’ai gardé en joker, la plus belle, la plus utile pour chacun de nous, des réalisations européennes en matière de santé.

Vous séchez encore ?

Alors là, franchement, c’est pas bien.

Ce petit « détail » qui change beaucoup de choses c’est celui-ci : avec votre simple carte vitale, et même vos simples papiers d’identité, si vous avez un infarctus à Innsbruck, un fracture du fémur à Fribourg, un panaris à Prague, un livedo à Lisbonne, une uvéïte à Uppsala … vous serez remboursés de vos soins

– sans accord préalable pour tout ce qui est consultations, achat de médicaments.. – avec accord préalable pour tout ce qui impose une hospitalisation, en dehors de l’urgence

Ce léger détail a non seulement sauvé des vies, mais les a simplifiées dans des moments où ça fait du bien de faire simple et de faire vite. Il reste vrai que si vous avez une double fracture du bassin, doublée d’un état diabétique, sur fond d’insuffisance rénale, le tout compliqué d’impétigo, à Plovdiv, à Marsala ou à Vezprem, qui ne sont pas des hauts lieues de villégiature mais quand même, mieux vaut téléphoner à la maison de venir vous chercher dès l’urgence passée…

Consult’ à Bergonié

Les trombes d’eau qui sont tombées sur la ville ont retardé mes patients et je m’offre le luxe, un peu exotique en ce lieu, d’un minuscule billet. Ma salle de consultation est perchée au 4ème étage et ouvre largement sur Bordeaux sud et bordeaux est. Des toits, des flèches, quelques grands immeubles et au loin les doubles pointes de Sainte Marie de la Bastide.

Tout cela sous un ciel blanc de nuages, mou et, disons-le, légèrement cafardeux. Devant les fenêtres, court une piscine en zinc, où fréquemment des mésanges à longue queue viennent se baigner les pattes. Mais aujourd’hui, il n’y a que les gouttes et les bulles lourdes qu’elles soulèvent en tombant.

J’aime beaucoup Bergonié. C’est un de ces lieux où le sacré laïque parle à chaque coin de couloir et jusque dans les ascenceurs où l’on croise les malades qui se rendent à leurs soins. J’ai été interne ici en 1970 et j’y suis médecin consultant depuis 1972. C’est aujourd’hui mon seul lieu d’activité médicale, bien minime d’ailleurs et limitée à ma seule consultation deux fois par mois.

J’entends derrière la porte les voix des assistantes qui accueillent les arrivants. Fin de la récréation ; ça m’a fait plaisir de parler de « Bergo ».

Absentéïsme des députés : parole d’expert

Le projet de loi Hadopi a été rejeté en dernière lecture. Ce n’est ni la faute du texte (bancal, déjà dépassé et inapplicable), ni la faute des divisions de la droite, c’est la faute de ce vieux serpent de mer « l’absentéïsme-des-députés ». Au passage, on en met une couche côté démagogie et anti-parlementarisme primaire. Même technique qu’avec le projet Balladur : « vos élus locaux vous coûtent trop cher ».

La loi reviendra à l’Assemblée, contre tout principe démocratique, et, foi de Sarko, elle sera voté. Même si l’on doit pour cela menacer les députés récalcitrants comme ce fut le cas pour le dernier congrès de Versailles. Voilà, à coup sûr, une manière décisive de motiver les députés : balayer leur vote d’un revers de main et remettre le couvert.

Disons-les choses simplement : je ne suis pour ma part pas opposée à ce que l’activité des députés soit évaluée, comme c’est le cas au Parlement européen, ne serait-ce que pour montrer que la très grande majorité des députés travaille beaucoup. Pas non plus opposée que cette évaluation, si le résultat est médiocre, se traduise non pas par une « sanction » (le mot est en tous points malheureux) mais par une retenue sur indemnités. C’est là aussi le cas au Parlement européen : personne n’en est mort même si les députés les plus actifs n’en ont reçu aucune récompense.

Un point pourtant est essentiel : la définition des bases de l’évaluation. La présence aux séances n’est qu’un élément parmi d’autres. Pourquoi un député totalement non engagé sur un texte, sur lequel il n’a pas de compétence particulière et qui concerne pas ou peu son territoire, devrait-il être présent sans mot dire tout au long de 100 ou 150 heures de débats ? Il est impossible d’être à fond sur tous les textes et ce serait d’ailleurs contre-productif : il vaut mieux bien préparer ceux sur lequel on s’engage.

Doivent s’ajouter à cela : la présence en commission, la participation, voire la direction de groupes de travail, les auditions, les réunions thématiques, la participation à son groupe politique et le travail interne au parti. Ceci pour le seul travail parisien, auxquels s’ajoutent les rendez-vous et le courrier sur place. Et bien sûr, le travail en circonscription, que je ne détaille pas ici.

Est-ce à dire que les députés sont des anges, que tous travaillent également et constituent des moteurs de l’Assemblée ?

Que nenni, bien évidemment, mais ceux-là sont de très loin minoritaires et je n’ai aucune opposition à ce que les Français puissent au contraire apprécier le travail des plus nombreux.

Dire que la présence et le travail à l’Assemblée ruine tout avenir à la tête de notre pays, serait mensonge. Un expert en absentéïsme, constamment remarqué et brocardé pour cela, est aujourd’hui Chef de l’Etat. Alors que son groupe vient de déposer une motion de censure (25 mai 99), il déclare sentencieux « En démocratie, le Parlement est le lieu où s’exprime tous les différends ! »

Le Ministre Kofi Yamgnane lui répond sobrement « Vous n’y êtes pas souvent ! »

Las, notre honorable Président a oublié, outre son absentéïsme, que devaient en effet s’exprimer à l’Assemblée, jusque dans le vote, « les différends ». Réduction du temps de parole et du droit d’amendement et maintenant distribution de mauvais points. Sarkoy sait, non seulement de quoi il parle, mais de quoi il veut que les autres se taisent.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel