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L’hôpital ou la dynamique des fluides

A chaque pas d’une décision serrée, dense, de bon niveau, les intentions du gouvernement se découvrent : dissoudre les limites entre secteur public et privé. Les propos mêmes du rapporteur UMP du projet sont sans équivoque : les « établissements de santé ne sont plus définis par leurs statuts mais par leurs missions ». Il n’y a donc plus d’ « hôpital », mais des structures qui recevront au gré d’une seule personne, le Directeur Régional de l’agence de santé », une part plus ou moins grande du bouquet de missions de service public défini dans le texte.

Petit détail : c’est une chose de décrêter que le statut est désormais nul et non avenu, mais derrière les établissements que nous appelons encore innocemmment « hôpitaux » il y a le budget de l’Etat, derrière les cliniques, dans des cas de plus en plus nombreux, les fonds de pension américains qu’il s’agit de rentabiliser.

Treize missions de service public ont été définies. Signe des temps, trois sont en relation avec les lieux privatifs de liberté (deux pour la rétention, une pour la détention). Est-ce à dire que détenus et retenus constituerons un jour près de 25% du « public », c’est à dire vous et moi !

Les directeurs d’ARS, s’ils constatent la carence du service public, décideront, seuls, sans critères définis, ce qu’ils attribueront au privé. Avec les moyens qui vont avec. Ce qui s’appelle déshabiller Paul pour habiller Pierre. Sauf que Paul est toujours le même (le public) et Pierre aussi (le privé). Cela s’appelle en jargon gouvernemental « la fongibilité asymétrique ».

Il me semble que le mouvement devrait aller tout au contraire . Les leçons de la crise, la nature même de l’acte de soigner et tout simplement le fait que la totalité de la médecine est payée par les deniers publics. Ni eux, ni la santé des Français n’ont mission à alimenter les fonds de pension.

De plus, la crise sanitaire, la crise sociale qui s’aggravent chaque jour, augmentent chaque jour aussi le besoin qu’ont et auront les Français de l’hôpital, le vrai. D’ores et déjà, pourquoi les urgences sont-elles engorgées ? Parce que beaucoup n’ont d’autres moyens de se soigner. Dépassement des tarifs, carences de la permanence des soins en ville, désertification médicale de nombreux territoires, tout fait confluer les difficultés, les populations précaires, les malades « non rentables » vers la porte encore ouverte des hôpitaux.

Tableau trop noir ? Certainement pas. La Ministre répond à toutes questions qu’elle veut mettre de la « fluidité ». A ce niveau, ce n’est plus de la fluidité, c’est la dissolution de l’hôpital public.

Loi portant réforme de l’hôpital : quel hôpital ?

Aucune loi n’est ni tout à fait bonne ni tout à fait mauvaise, mais certaines ont des vices fondamentaux qui en dévoient les finalités.

C’est précisément le cas du projet de loi « portant réforme de l’hôpital » qui vient demain en discussion à l’Assemblée.

L’hôpital, dans l’esprit de tous les Français, c’est l’hôpital public. Si bien que, si on parle dans les milieux spécialisés d’ « hospitalisation privée », jamais on ne dit, jamais on ne voit écrit sur une façade « hôpital » quand il s’agit d’une clinique.

Le texte de loi, dès sa première page, commence par faire disparaître le mot « hôpital » au profit d’un de ces chefs-d’oeuvre du rien-disant actuel « l’Etablissement de santé ». Le but est très clair de confondre « public » et « privé », et d’effacer le beau mot d’hôpital et toutes ses déclinaisons de ce qui devrait être au contraire le fondement même de la loi quand un gouvernement républicain l’édicte : le service public et le service du public.

Et de fait, tout le corps du texte introduit en permanence la confusion entre public et privé et ne manifeste à aucun moment une quelconque ambition pour ce pivot de l’idée républicaine qu’est l’hôpital et la santé publics.

Bientôt, dans la même perspective, dans la même perverse confusion, nous n’aurons plus d’école, ni d’instruction, ni d’éducation, mais des « établissements d’enseignement ».

Mme Bachelot a réussi ce prodige, et je l’en féliciterai demain dans mon intervention, de présenter une loi « portant réforme de l’hôpital », sans que soit JAMAIS prononcé ce beau mot dans tout le corps du texte ; ce prodige que n’aurait pas renié Georges Perec, fera date sans doute dans l’histoire encombrée de l’écriture législative française.

Le fait n’est pas anecdotique. Les mots sont non seulement l’arme mais l’armature idéologique souterraine de la politique. Le texte n’est pas totalement mauvais, il est fondamentalement mauvais.

Je veux revenir sur les deux vices rédhibitoires que couvrent les mots, ou l’absence du mot.

Une énumération des « missions de service public » est présentée dès les premières pages. Treize missions dont la liste pourrait être discutée, acceptons-la cependant. On attendrait après cette liste une phrase simple, je dirais même qu’elle s’impose à la lecture. Cette phrase pourrait être : « c’est la mission de l’Etat d’assurer, à égalité entre les citoyens et les territoires, la bonne exécution de ces missions et leur égal accès ».

L’évidence est si forte, qu’on a une impression d’éboulement, en lisant aussitôt achevé l’énumération que licence est donnée, à discrétion d’une seule personne (le directeur de l’agence régionale de Santé, je reviendrai sur le sujet), de confier ces missions « à une personne publique ou morale » appartenant au système privé de santé .

En clair : si je constate une déficience, une carence, un défaut d’éxécution de ses missions par l’hôpital public, je les confie au privé.

En caché : si les moyens dont dispose l’hôpital public sont insuffisants, je transfère au système de santé privé ce qui lui permettra de les assurer.

C’est sans doute ce qu’on appelle la « rupture ». Et c’en est une. Bien d’autres exemples existent dans le texte de cette confusion « glissante » du public vers le privé. Et rien qu’en l’écrivant, je ressens une sorte de serrement de coeur.

voir aussi les billets du 4 février 09, du 13 janvier 09, et tant d’autres sur le sujet…

Tempête sur la Gironde

La tempête du 24 janvier a frappé plus durement l’Aquitaine que la tempête « historique » de 1999.

Trois cent mille hectares de bois à terre, dont 50 000 hectares en Gironde, touchant indistinctement des plantations jeunes ou des bois de plusieurs décennies prêts à être commercialisés. Dans notre seul département, 880 exploitations forestières sont touchées et souvent mises à mal.

C’est sur ce seul aspect forestier que je focalise ce billet, tout en sachant que dans le canton Grand Parc-Jardin Public comme dans la deuxième circonscription de Bordeaux dont je suis l’élue, les sylviculteurs sont sans doute peu représentés. Pour autant, je suis sûre que les amoureux des arbres sont nombreux (je m’en suis rendue compte à la quantité de réactions que j’ai reçues après ma proposition au Maire de Bordeaux « Faire parler les arbres »), et que ceux-là savent qu’un arbre arraché, c’est beaucoup plus qu’un certain nombre de mètres cube de bois tombés à terre.

C’est plus dramatique encore quand il s’agit de toute une forêt. Dans les landes, en Gironde comme dans le département homonyme, c’est toute une histoire, un patrimoine naturel qui, en plus de l’économie, sont en péril. Au point qu’hier, lors de la session d’urgence du Conseil Général, nous en sommes arrivés à poser la question « Brémontier, est-ce la fin ? »

Très lourde question. L’ère du pin maritime a non seulement marqué une victoire humaine sur une nature jusque-là pauvre et sauvage, mais elle a donné à notre territoire un visage, un tempérament qui fait partie désormais de notre patrimoine naturel et culturel. Aujourd’hui, après les deux coups de semonce survenus en moins de dix ans, les sylviculteurs en viennent à s’interroger sur l’opportunité de replanter. Il faut 40 ans pour amener un pin à l’âge de la commercialisation. Dix ans de récolte viennent de tomber à terre, tout cela a-t-il encore un sens ?

Les landes deviendront-elles bientôt une Beauce à maïs monotone ou un vaste champ de panneaux photovoltaïques ? La question est terrible mais elle se pose réellement, dans ces terres acides qui n’acceptent que peu de cultures.

Dès aujourd’hui, c’est un bouleversement complet du biotope qui s’annonce. Chevreuils, sangliers qui déboulent, qui ne sont que la partie la plus visible d’une économie animale complexe, vont-ils disparaître pour jamais ?

Le domaine de Marquèze et son airial ne sont plus aujourd’hui un musée des Landes d’autrefois, mais le triste spectacle des landes d’aujourd’hui, où les pins abattus cotoyent les pins déchiquetés comme des crayons taillés d’une main brutale.

Dans les forêts départementales dont nous sommes si fiers au Conseil Général, le bilan est accablant : 7000 M3 de pins maritimes tombés à Hostens… La liste est longue . Au total : 18 070 M3 de pins et 610 m3 de feuillus, en premier lieu des chênes.

Bien sûr, notre réunion d’hier ne s’est pas arrêtée à ce constat. D’abord elle a concerné tous les domaines victimes de « Klaus » : agriculture, ostréiculture, routes, bâtiments… Elle a fait état ensuite de la formidable mobilisation du personnel du département et de la solidarité qui s’est manifestée à cette occasion dans la population. Nous avons décidé de mesures d’aide d’urgence et d’aides durables.

Que démontre cette réunion ? L’importance de conserver des structures de proximité, des acteurs locaux, connaissant le territoire. Et en premier lieu, cette structure à taille humaine, parfaitement faite pour la proximité : le département.

Je tiens à disposition le rapport complet que nous avons examiné et voté hier. Merci de me joindre en tapant sur la rubrique « contact ».

Le zélateur converti et les délateurs

Cela pourrait être le titre d’un conte moral, forme littéraire qui,de Marmontel à Eric Rohmer, a connu des heurs et des usages bien différents, mais c’est un conte immoral, doublement immoral parce qu’il est vrai.

Tout le monde a « salué » l’habileté ou le cynisme politique de Nicolas Sarkozy de nommer l’ex-socialiste Eric Besson Ministre de l’immigration et de l’identité nationale. Ce délicat fumet d’arrière-cuisine politique a ravi les narines rompues au mal usage de l’art de gouverner.

Pour ma part, je l’ai interprété autrement, et c’est ce que j’ai exprimé lors de la conférence de presse de SOS Racisme à l’occasion de la campagne « 30 000 expulsions, c’est la honte ». Quel message, en effet, de nommer à ce ministère qui tient en mains le destin de tant de nos frères humains, celui qui est pour tous les Français l’image du traître !

J’attendais un mauvais coup, un surcroît de cynisme. Il est venu.

Aujourd’hui le zélateur converti de la politique sarkozienne comble ma crainte, si l’on peut s’exprimer ainsi. Comme peut-être il lui a été suggéré. Mais le propre du converti de la 25ième heure est de vouloir, dès la 26ième, devancer la pensée de son nouveau maître.

Il promet ainsi la régularisation à ceux qui « collaboreront » avec la police pour démanteler les réseaux qui leur ont permis d’arriver en France.

Ne soyons pas angéliques : les indics embauchés en échange de l’ « oubli » d’un acte de délinquance n’existent pas que dans les films. Mais en faire une règle, l’écrire dans une circulaire, c’est une marque de plus de l’impudence tranquille de ce gouvernement.

Huit, onze ou trente milliards ?

Je n’ai pas ouvert la radio aujourd’hui sans entendre une appréciation nouvelle du coût de la suppression de la taxe professionnelle.

Chiffre de départ, hier soir lors du « yes, I can show » présidentiel : 8 milliards d’euros. Nicolas Sarkozy n’a jamais été très fort sur les chiffres mais il les assène, comme toutes choses, avec une détermination très convaincante. Du moins, la première fois : ensuite, on a tendance à vérifier et je me souviens d’un certain chiffre sur les immigrés sans travail qui a fait couler beaucoup d’encre.

Même chose ici. Dès ce matin, Martine Aubry corrige et estime à 30 milliards la perte globale.

Lourde gène du coté de Bercy qui fait, sans doute sous sommation élyséenne, une première correction : non, non, ce n’est pas trente mais onze milliards.

Onze milliards ! Nous voilà encore loin de la parole présidentielle et un nouveau coup de semonce est sans doute tombé sur les services de Bercy.

En chemin, entre Bergonié et ma permanence de Saint Augustin, j’écoute ce chef-d’oeuvre : Bercy re-rectifie. Le déficit lié à perte de la taxe professionnelle est bien de 11 milliards MAIS les entreprises qui ne la paieront plus feront davantage de bénéfices et devront s’acquitter d’un impôt plus élevé. Et devinez à combien est estimé ce complément de rentrées fiscales ?

Vous avez gagné : il est estimé à trois milliards. Huit et trois faisant onze et onze moins trois faisant huit, voilà pourquoi le Président qui sait compter et prévoir en même temps qu’il parle, a avancé le chiffre de 8.

Elémentaire, mon cher Watson !

Sauf que… chiffres ou autres paroles, plus personne ne croit aux déclarations présidentielles.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel