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Demain, la vie va commencer*

C’est en réalité demain que pour moi l’année va recommencer. Après une courte pause, mais si bien occupée et située à mille milles de ce que je fais d’habitude, c’est demain que cette année porteuse d’un chiffre qui ne m’évoque rien (je veux dire : rien qui la situe pour moi ni dans l’histoire ni dans ma vie) va recommencer.

Recommencer ? Oui, je crois que les années ne commencent jamais, qu’elles se perpétuent et que, pour autant, elles se renouvellent mais porteuses des traces, des marques, des cicatrices, laissées par les précédentes.

La question n’est pas mince, une fois encore. Le plus grand mythe de l’humanité est celui de « l’homme nouveau ». Et au fond, c’est ce mythe que perpétuent, peu ou prou, bien ou mal, les « jours de l’an », les rentrées scolaires, les anniversaires où l’on entre dans « une année de plus », les remariages et toutes les formes de « nouveau départ » que l’on peut imaginer. Pour ma part, j’ai su très jeune que l’on n’était jamais nouveau, et je n’ai appris que beaucoup plus tard ce que cela pouvait bien vouloir dire.

Nos études médicales (le « nos » s’adressent aux étudiants prolongés qui ont aujourd’hui mon âge) ont été marquées du principe de l’homéostasie de Claude Bernard. Homéostasie, kézako ? Zako quelque chose de pas compliqué : un corps, un sujet, une matière tendent vers un point d’équilibre et cherchent toujours à la retrouver.

Ce qui, en sous-main, suppose que l’on revienne à cet état d’équilibre tel qu’on était avant de l’avoir quitté. Un truc un peu comme un élastique : on redevient celui que l’on fut et on reprend la même position.

Même pour les élastiques, c’est faux. Ils reviennent à leur position, mais un peu plus distendus, un peu plus fragiles, et pas guère capables de redevenir cet « élastique nouveau » qui correspondrait au mythe de l’homme nouveau.

Un autre physiologiste, d’outre-atlantique celui-là, a théorisé ce que je vous raconte très succintement et plus encore schématiquement. Ce pimpin, du nom de Cannon, a appelé cela le principe d’ « allostasie ». Non seulement, il n’y aurait pas de position d’équilibre, mais il serait impossible de revenir à un point que l’on a quitté dans le même état qu’on y était auparavant.

Il y a eu un moment de ma vie, où j’ai voulu écrire un roman dont l’héroïne s’appelerait « Allostasie », comme on s’appelle Anastasie, Mathilde ou, quand même plus StarAc’, Samantha ou Britney. Allostasie vivrait une épreuve, un succès, un amour, mais ne reviendrait jamais à sa position d’équilibre. Ce qui entre nous n’est pas forcément mauvais. L’équilibre, s’il existe, constitue-t-il une garantie quelconque de faire le meilleur. Et si l’on cherche des preuves, dans l’art en particulier, c’est bien plutôt l’é-preuve et le déséquilibre, qui sont les plus productifs. Si l’on a, comme notre vénéré chef de l’Etat, la culture du résultat, Allostasie a de meilleures chances d’être ministre au prochain remaniement, que sa soeur ainée, Homéostasie.

Donc 2009, recommence demain pour moi. Ni vous, ni moi n’êtes sans coutures, peut-être même sans blessures, laissées par 2008 ; et en tout cas, pas sans inquiétudes. Comment faire le mieux, dès demain matin, en partant de ce nouveau point, pas tout à fait nouveau, mais pas tout à fait neutre, puisque nous avons pleinement conscience de devoir en faire le meilleur ?

Sur mes cartes de voeux, j’ai écrit à plusieurs reprises « Faisons ensemble que 2009 soit meilleure que 2008 ». Je l’écris à nouveau pour tous les visiteurs du blog.

Promis, dès demain matin, et même dès ce soir en vous en parlant, en cherchant votre appui en même temps qu’en vous donnant le mien, on va essayer.

  • « Demain, la vie va commencer » est -je crois- le titre d’une chanson de Johnny Hallyday ; encore un qui n’a pas lu les théories de Cannon, ou qui est passé complètement à côté..

Vacance

Vacance, au singulier, qui est vide, qui est vacant. Et selon l’humeur, il s’agit d’une heureuse disposition, incitant à de nouvelles aventures et de nouvelles acquisitions, ou d’un sombre constat, du genre « du camembert dans la tête ».

Ni l’un, ni l’autre mon général. Seulement, comme une bonne petite fonctionnaire que je ne suis pas, je me suis mise en vacances (au pluriel cette fois), et qu’avec un seul jour (hier), j’ai fabriqué des grandes vacances de 4 jours, où je m’occupe des « choses de la vie », des gens qui les entourent. « Les choses » étaient un beau titre de Georges Perec. J’entretiens avec elles un rapport irrégulier et souvent conflictuel, et elles me le rendent bien. Il y a « les choses » qui aident à vivre, bien que quelquefois pesantes, et les choses qui empêchent de vivre.

Les deux mon général… Aujourd’hui, je me suis occupée des livres, « aides à vivre » s’il en est, mais lourds à vivre quand il s’agit de les transporter, de les ordonner… Lourds, au sens propre.

Voilà, je voulais juste vous raconter un peu ma vie, espérant que vous ferez de même.

Une histoire pour la Saint Sylvestre

Et en plus c’est une vraie histoire. Je n’en change que les noms et les lieux, comme il est d’usage.

Un de mes malades vient un jour consulter à l’hôpital. En réalité, au moment où il arrive à l’hôpital, il n’est pas encore un de mes malades, et cette histoire commence donc par un mensonge. Un tout petit mensonge, que quelques minutes suffiront à réparer : dès qu’il passe la porte de la salle de consultation (c’est ainsi que l’on dit dans les hôpitaux), il commence cette étrange carrière, « être un malade » et dans le cas, « mon » malade.

Je veux vous le dire tout de suite, car c’est une histoire de Saint Sylvestre, et je ne veux pas que vous soyez inquiets : cette carrière dure encore, ce qui est une très bonne nouvelle.

On pourrait discuter sur le fait que demeurer un de mes malades soit plutôt une bonne nouvelle. C’est pourtant le cas. Il y a des maladies dont la seule fin assurée est une mauvaise fin. Mieux vaut donc pas de fin qu’une mauvaise fin. Il y a de drôles de paradoxes comme ça dans « mes » maladies. Et par exemple, cette curieuse vérité que je vous garantis absolue : il vaut mieux une mauvaise grippe qu’un bon cancer. C’est comme ça ! Allez y comprendre quelque chose.

Il y a une autre chose très curieuse, plus profonde, plus grave, mais aussi plus belle. « Mes » maladies sont les seules circonstances, dans le monde entier, où que vous alliez chercher, où le temps qui passe soit une bonne chose et même une sorte de bénédiction…

Je reviens à mon malade que nous avons oublié sur le seuil de la salle de consultation et qui ne sait encore rien de tous ces prodiges que je viens de vous livrer.

Homme d’une bonne soixantaine, et pour tout dire plus près de soixante-dix que de soixante ; de ceux qui doivent se dépêcher de se réjouïr d’être des sex-agénaires, parce que ça ne va plus durer très longtemps, et que « septu’  » c’est quand même beaucoup moins prometteur que sex’. Cela par contre je pense que mon malade le sait déjà.

Grand, un peu gros, disons « épais » et très typé. Aux premiers mots, à son bel accent, on reconnait d’où vient ce caractère typé. Mon malade, nous l’appelerons Alberto, est un Argentin qui a quitté il y a bien longtemps Buenos Aires pour nos côtes.

Il arrive avec un dossier, lui aussi, épais, ce qui n’est généralement pas le meilleur signe. Je décortique les feuilles de tous formats et couleurs, j’examine les planches de scanner pendant qu’il raconte. L’épaisseur du dossier n’est pas contredite, le cas n’est pas léger et l’affaire pas dans le sac.

J’examine, j’explique, je propose des choses pas toutes agréables et même pour être honnêtes toutes désagréables. Dire qu’il en est enchanté serait excessif, et il repart avec une « feuille de route » comme dirait Sarkozy, le moral dans les chaussettes, et plus bas encore s’il est possible.

Rendez-vous à trois mois, après exécution de la feuille de route et nouveau bilan.

Si nous étions à un cours de théâtre, je vous mimerais la deuxième entrée de mon malade. Rien à voir. Pourtant la porte de la salle de consultation et la salle de consultation elle-même n’a pas changé, le motif de la consultation n’est pas plus guilleret, mais le malade lui, si.

Il est même radieux, un peu minci, non pas bel hidalgo, mais hidalgo sur le retour en assez bel état. Tout de go, il me dit : « je sais que je vais guérir ».

J’approuve d’un coup de tête extrèmement prudent, que seul un être perfusé de Prozac pourrait considérer comme une approbation.

-« Je sais que je vais guérir. J’ai rencontré le mois dernier une jeune fille que j’ai connu quand j’étais moi même jeune homme. Nous nous sommes retrouvés et aussitôt, je suis redevenu amoureux. Amoureux, comme on l’est à cet âge… »

« Cet âge », c’était celui de sa première rencontre. Je prends en main le dernier scanner sans chercher à aller plus avant sur les sentiments de la jeune fille, qui avait au demeurant son âge de maintenant. J’avoue que j’étais doublement craintive de trouver motif à le dissuader, pas sur la jeune fille, mais sur la première partie de sa phrase.

Eh bien, non, le scanner montrait plutôt des signes encourageants. En tout cas, il n’y avait pas d’aggravation, la maladie était stable, et quand on connait la mauvaise volonté des scanners dans le type de circonstances où j’ai l’habitude de les fréquenter, on peut considérer que c’était une bonne nouvelle. Je l’ai dit plus haut, les bonnes nouvelles se mesurent à des aunes très variées et il faut bien souvent savoir les attendre en même temps que n’en pas attendre tout ce qu’on voudrait.

J’explique tout cela à mon malade, qui n’était déjà plus, dans sa tête, mon malade. Ou du moins très différemment, persuadé qu’il était d’avoir le dernier mot.

Un mot sur la jeune fille : elle habitait en Espagne. Là non plus, l’affaire n’était pas encore dans le sac. Mon Alberto (le sien plutôt) allait devoir faire sa cour, écrire des lettres, faire des déplacements multiples qu’il allait falloir combiner avec mes propres prescriptions. De toutes manières, je comprenais que mes prescriptions passeraient le plus souvent au second plan.

De trois mois en trois mois, de petits pas en petits pas, la jeune fille se rapprocha et la maladie s’éloigna.

A ce jour, la jeune fille est au domicile du jeune homme (elle l’accompagne lors des consultations), et la maladie non décelable même aux yeux des scanners les plus sophistiqués, et Dieu sait qu’on en a trouvé depuis, encore plus récalcitrants et inquisiteurs, capables de plomber le moral d’un régiment d’Albertos.

Je ne vois plus mon malade qu’une fois par an, à l’approche de noël et de la Saint-Sylvestre. Il m’a fait souvenir, quand nous avons espacé le rythme des consultations, que c’est à l’approche de ces dates qu’il était venu me voir la deuxième fois, cette drôle de fois où il avait décidé de n’être plus « mon » malade, mais « son » jeune homme.

Et ça a marché. Finalement, ce Saint Sylvestre, c’est un chic type.

Les IUT : menace de gros temps sur navire gagnant

Il y a les IUFM (prononcer I-ou-fme) et les-Z-IUT. Les premières sont en voie d’enterrement, les seconds sont en plein dans ce que nous appelons en médecine « un syndrome de menace ».

Pour les non initiés (il n’y en a pas parmi les lecteurs de ce blog !), les IUT sont les Instituts Universitaires de Technologie. Au nombre de 116 en France, il forment depuis 40 ans des techniciens supérieurs et des cadres intermédiaires. Ce qui fait leur force et leur originalité, c’est de fonctionner en relation étroite avec le tissu économique local et de réunir trois types d’enseignants : enseignants chercheurs, enseignants de second degré, et enseignants issus du milieu professionnel. Grâce à cela, leurs étudiants bénéficient d’un taux d’intégration professionnelle de 85%, chiffre dont la plupart des Universités sont très éloignées.

Le 1er Janvier, les IT perdront une grande partie de leur autonomie de gestion en raison de l’application de la loi LRU (Liberté et Responsabilité des Entreprises) : ils ne recevront plus leur dotation directement de l’Etat mais des Universités. Enseignants et Etudiants craignent donc légitimement que les moyens humains et financiers qui leurs seront alloués soient revus à la baisse et ne suffisent plus à subvenir aux besoins spécifiques de l’enseignement technologique.

A Bordeaux, ce sont 4500 étudiants qui sont concernés.

Je viens d’interpeller la Ministre Valérie Pécresse en lui demandant de compléter la loi par des mesures réglementaires ou législatives permettant d’assurer la pérennité des IUT et de continuer ainsi à garantir aux étudiants un « passeport pour la réussite », denrée de plus en plus nécessaire mais de plus en plus rare qui convient de protéger à toute force.

Les trois piliers battent de l’aile

Entre deux gros tas de cartes de voeux, un « tour de journaux ». Expression non brevetée, sans doute obscurément inspirée du « tour de peigne » de Montaigne. Le vocabulaire de Montaigne, fort de toute la verdeur du français naissant, est une merveille dont on ne se lasse pas.

Mais rien à voir avec « ma pioche » dans les journaux.

Un sondage, initié par « la Croix » mais publié par plusieurs journaux et magazines montre que les trois beaux mots supposés figurer au fronton de nos mairies et de nos écoles filent un très mauvais coton dans l’esprit de nos concitoyens ; et peut-être pas seulement dans leur esprit. Où en sont la liberté, l’égalité, la fraternité, dans notre ressenti de tous les jours ? Où en sont-ils dans la réalité des faits ?

Les trois piliers de la République battent, inégalement, de l’aile. L’expression est osée, elle traduit en tout cas une grande inquiétude et un vécu où la dureté l’emporte.

Le plus mal en point des trois est l’égalité ; 32 % des Français seulement pensent qu’il s’applique bien à la société d’aujourd’hui. Même pourcentage qu’en 2002 (au mois de mars, les socialistes auraient sans doute du mieux l’examiner à cette date…, mais beaucoup moins bien qu’en 2004, où ils étaient 40% à juger, que de ce côté, ça allait plutôt bien.

Un Français sur trois aujourd’hui se disent satisfaits. Les deux autres pensent que le mot s’applique « mal » à « très mal ». Que répondrions-nous ? Pour ma part : mal.

La fraternité s’en tire un peu mieux ; 45% trouvent qu’elle s’applique bien à notre société. Pour tout dire, ce n’est pas mon mot favori : il a vieilli, je ne sais exactement pourquoi, peut-être un peu (comme pour les droits de l’ « homme » à cause de sa masculinité, mais ce n’est pas certain). Chaleur, amitié, proximité me sont plus familiers. En tout cas, le score n’est ici pas si mauvais : presque un Français sur deux fait l’expérience de la fraternité.

La liberté tient le haut de l’affiche, en tout cas, réjouïssons-nous, 60% des Français n’ont pas encore perçu sa limitation. Elle est en effet marginale, c’est à dire focalisée à des situations ou des groupes particuliers, et il faut savoir en renifler les moindres menaces pour sentir qu’elle aussi, a du soucis à se faire.

Voilà, je voulais juste vous livrer ces chiffres. Les trois mots en tout cas méritent qu’on soit autour d’eux comme de gros chiens fidèles et, si besoin, menaçants.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel