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La moutarde de la terre

« Et si le sel de la terre s’affadit, avec quoi le salera-t-on ? » Eh bien oui, c’est une traduction incertaine, comme toutes celles de l’époque, de l’évangile. Vous le savez : d’Henri Emmanuelli à Ségolène Royal, tous les socialistes aiment les références bibliques. Et ils ont raison : cela fait partie du fond et du tréfond de notre matrice culturelle, et tout le monde le comprend.

J’ai quand même une réserve vis à vis de la bilble : elle ne parle pas de la moutarde. Une réserve forte, comme la moutarde elle-même.

J’apprends à l’instant dans le poste qu’Amora va fermer le site de Dijon, et deux, trois autres dans la région. Amora ? Ma moutarde ? Ma moutarde « de Dijon », que j’aime à l’égal de ma camarade et collègue Pascale Got, députée du Médoc ?

Presque dans la même phrase, j’apprends que ma-moutarde-de-dijon appartient en fait à Unilever depuis des lustres.

Incroyable question, dont la plupart des socialistes occupés ce soir à voter pour un enjeu majeur que je partage, se moquent. Et pourtant…

Posons-nous des questions. Les socialistes -et ils ont raison- ne sont pas des fanatiques de l’ « héritage ». Mais quand même. Le pimpin, ou la groupe de pimpins, qui a hérite d’Amora et de la moutarde de Dijon, ne pouvait-il pas faire mieux que de la vendre à Unilever ?

Ne pouvait-il pas faire mieux que d’écraser, sans s’engager à les défendre autrement, tous les fabricants de moutarde du coin ?

Et M. Unilever, peut-il être si stupide de délocaliser la moutarde de Dijon à Oulan Bator (bien sûr que ce sera pas à Oulan Bator, c’est juste un mot-image) ?

Et nous, que ferons-nous ?

Si la moutarde de la terre s’affadit, avec quoi la relèverons-nous ?

Cela apparait comme un sujet politique bien trivial, surtout en ce jour de vote des socialistes. Nous devons être utopiques, irrationnels et réalistes. La moutarde de Dijon nous appartient. Elle est un mot, elle est un petit morceau du cerveau qui l’appelle ainsi.

Soyons simples. Postés sur l’essentiel, comme des chasseurs veillant le canard. « Plus canards que Duchène », ai-je dit hier à Gilles Savary. Seuls les Bordelais comprendront.

Je suis triste, tout me fait mal. Allons voter ! Cela, les socialistes bordelais, entrainés à l’intérieur de leur parti par toutes les étapes de nos instances et à l’extérieur par le cumul des élections partielles à Bordeaux et des élections nationales, sont des maîtres en la matière.

Le Beaujolais nouveau est arrivé !

A-t-on remarqué ce fait décisif : nous sommes le troisième jeudi de novembre !

Les connaisseurs, gastronautes, épicuriens de tous poils, dont je fais (très momentanément) semblant d’être, ont tout de suite saisi le message. Ce jeudi, ce jeudi précisément, est celui du Beaujolais nouveau !

Beaujolais nouveau… C’est clairement un signe : ce jeudi est aussi celui du Parti Socialiste nouveau, avec tout à l’heure, le vote des militants pour leurs premier(e)s secrétaires : nationaux, fédéraux, de section.

Sûr que la direction ancienne du Parti Socialiste qui, dans sa grande sagesse, a différé d’un an et demi la tenue du congrès pour des motifs obscurs qui ne sont que trop clairs, a misé aussi sur cette heureuse coincidence.

Demain, le Parti Socialiste nouveau sera à toutes les tables, dans toutes les têtes, et pèsera plus lourd dans l’avenir du pays et la situation des Français.

Au gymnase japy, ce soir

Retour (tardif) du gymnase Japy où Ségolène tenait, avec nous tous, sa dernière réunion d’avant vote. Un millier de militants, au coeur des terres de Bertrand Delanoë, dans une ambiance très naturelle et chaleureuse, telle qu’on aurait voulu la connaître lors du congrès de Reims.

Ce n’était ni le zénith (très loin de là), ni un meeting ordinaire, avec une grande partie des équipes de la motion E, tout le monde ayant beaucoup travaillé et se remerciant mutuellement d’avoir fait tout le possible.

Je suis à l’opposé de l’oblativité, du prosélytisme et j’espère que cela est apparu dans le blog. Je souhaite travailler avec tous ceux qui demain voteront en conscience, quel que soit leur vote.

Retour très tôt demain matin à Bordeaux, pour une journée pleine de l’ordinaire d’un député. Pendant les travaux, la vente continue.

Pendant les travaux, la vente continue

Le Parti Socialiste est comme l’assurance sociale : affronté à toujours plus de risques, sans être sûr d’éviter celui de la faillite.

C’est aujourd’hui du 5ème risque de la sécurité sociale que je vais parler à la réunion de groupe à l’assemblée. Ceci dans l’espoir de pouvoir intervenir sur le sujet lors des questions d’actualité.

La présentation d’une question est un jeu très convoité. Légitimement : nous sommes 204 députés au groupe SRC (bientôt 205 j’espère avec François Deluga) et chacun doit passer à son tour (nous n’avons droit qu’à 4 questions par séance). J’ai pour ma part posé déjà trois questions, c’est donc pas gagné pour aujourd’hui !

Retour au 5ème risque qui est le défaut ou la perte d’autonomie. Le principe d’un financement public-privé vient d’être acté au Conseil des Ministres, sans que nous ayons connaissance des conditions de ce rôle du privé, qui sera tenu par les assurances.

La question est alors celle du « contonnement ». Mot bizarre pour dire que les profits des assurances sur ce champ de manoeuvre doivent lui-être « cantonnés ».

Question d’actualité en ces temps où la régulation s’impose comme une évidence. Mais dont il n’apparait pas la moindre signe dans les intentions du gouvernementL

L’essentiel, ou du moins son approche

Quand je sens une légère odeur de désarroi dans l’air, je me demande « où est l’essentiel ». Variante du conseil d’Heminway en face de l’angoisse de la page blanche : « Ecris la plus petite phrase vraie, et toutes les autres viendront derrière elle »

La page du socialisme n’est pas blanche, mais elle est ce soir raturée, peu lisible, voire même peu franche. Toutes les contributions toutes les motions, tous les discours de Reims nous ont appelé au « rassemblement ». Combien l’ont voulu vraiment, autrement que derrière eux ?

Les quelques dizaines de participants à la commission des résolutions ont-ils tout fait, ou ont-ils fait tout le contraire ?

Vous le savez : quand on s’interroge, c’est bien souvent qu’on s’est déjà répondu.

Je suis rentrée hier de Reims peu contente et dans cette odeur un peu âcre dont je parlais tout à l’heure. Je le dis maintenant : ma solution favorite, dans la connaissance où nous étions qu’aucune motion ne pouvait être largement majoritaire, eût été un ticket entre le leader de la motion arrivée en tête, et le leader (ou une personnalité choisie) de la motion arrivée deuxième, ou -si elles se mettaient d’accord- des deux ou trois motions suivantes.

Je ne suis sans doute pas la seule à y avoir pensé. Personne ne l’a voulu. La guerre est si belle ! Et profitable ! Et utile !

Alors, où est l’essentiel ? Dans le train du retour, gavé de socialistes, sans doute un certain nombre se posaient-ils des questions similaires. Tant d’heures passées, d’énergie engloutie, et pour certains, tant d’années. « Tout ça, pour ça ? » entendait-t-on sur les plis des visages.

Aujourd’hui est presque pire. Le ralliement de Bertrand Delanoë sonne comme un aveu. Pourquoi ce qui ne fut pas possible l’avant-nuit précédente l’est aujourd’hui ? Quelle pression ? Quel instinct conservatoire ? Quelle aversion, plus forte que la raison ?

L’essentiel ? Vous avez remarqué qu’il fuit toujours un peu plus loin, comme la ligne d’horizon qui s’éloigne avec la marche.

L’essentiel : soyons nous-mêmes .

Pour moi, dans ce débat devenu confrontation, c’est

– être libres dans notre choix. Ni mot d’ordre, ni détestation superficielle, ni stratégie locale. Quel parti voulons-nous ? Celui qui a donné Reims ou celui qui fera que Reims ne se reproduira plus ?

– être individuellement responsables. Entre un parti réformiste, qui affirme ses priorités (éducation, santé, salaires, prévention sociale) ou un parti proclamant à Reims qu’il doit « s’ancrer à gauche » tout en faisant objectivement le jeu de la droite ? Entre un parti élaborant et soutenant des idées ou un parti mettant son intelligence dans le billard à trois bandes ?

– être unis, savoir être bien ensemble. Dès aujourd’hui, même en ne votant pas pareil. Combien j’ai détesté à Reims des visages glaciaux, des regards qui se détournent, des grands élus absents des repas militants !

Peut-être (sûrement) qu’il y a encore plus essentiel que cet essentiel. Mais nous sommes tous un peu cabossés et, ce soir, je ne sais pas le formuler.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel