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Stock options et journée de solidarité

Une proposition de loi visant à modifier la journée de Solidarité nous a été proposée hier à l’Assemblée : il s’agit de permettre aux entreprises de remplacer le jour travaillé du lundi de Pentecôte par un autre jour, ou encore de pouvoir débiter les 7 heures travaillées en tranches exécutables selon les besoins de l’entreprise, après négociation ou, en l’absence d’accord, choix du chef d’entreprise.

J’étais responsable du texte pour le groupe « Socialiste, Radical et Citoyen » et j’ai à ce titre exposé la position du groupe et notre décision de voter contre ce texte de loi.

– Cette proposition a été faite hâtivement à l’approche du Lundi de pentecôte et, reconnaissons-le sous la pression de l’industrie du tourisme. Elle a été bâtie sans négociation avec les partenaires sociaux et surtout sans assurances, en particulier sur la position de l’éducation nationale, qui détient pourtant la clef du problème. Dans ce secteur qui décidera et quel sera le choix retenu ?

– Le principe de la journée de Solidarité est inéquitable pour cette journée travaillée non payée est à la charge des seuls salariés et ne concerne pas les travailleurs indépendants, les professions libérales, les agriculteurs (…) ni les autres formes de revenus.

– Le gouvernement revendique pour cette journée une valeur pédagogique et une valeur d’exemplarité. La valeur pédagogique est plus que discutable : ce qu’il convient à mon sens d’enseigner c’est que la solidarité doit, au contraire de cette loi, être éxercée par tous les Français et ceci en proportion de leurs moyens.
Elle n’a pas non plus de valeur d’exemplarité comme aurait pu l’avoir au contraire un geste fort demandé aux contribuables les plus riches, ayant reçu un gros chèque au titre du bouclier fiscal ou une taxation des stock options.

C’est cette dernière solution que nous avons proposé. Les stock options pleuvent chaque année davantage dans l’escarcelle des grands patrons. Le président de la cour des comptes a lui même estimé que si elles étaient taxées comme les autres revenus, cela rapporterait __3 milliards d’euros au budget de l’Etat.

La journée de solidarité rapporte 2,1 milliards d’euros : notre proposition est donc plus efficace, plus juste et a une valeur symbolique de beaucoup supérieure.

Si un tel signe était donné aux Français, ils accepteraient beaucoup mieux les efforts qui vont s’imposer pour financer la perte d’autonomie et le grand âge.

– Le gain de cette journée est sans commune mesure en effet avec les besoins grandissants en matière de financement de la perte d’autonomie (grand âge et handicap) et pose la question du financement global du 5ème risque sur lequel nous n’avons d’autres renseignements qu’alarmants de la part du gouvernement. Le Président Sarkozy n’a à ce jour évoqué que le recours aux assurances privées et au patrimoine personnel des personnes.

Pour l’ensemble de ces raisons et malgré le maquillage de solidarité donné à cette loi, le groupe SRC a voté contre.

Pouvoir d’achat, vous avez dit pouvoir d’achat ?

Selon l’étude annuelle de Hay Group, publiée par « La Tribune », puis ensuite dans « Le Monde », les grands patrons français sont aujourd’hui les mieux payés d’Europe. C’est sans doute d’ailleurs le seul indicateur international où nous sommes placés en tête.

En 2007, 70% des PDG des entreprises du CAC 40 ont vu leur rémunération augmenter de 40%. Leur rémunération médiane est de 6,175 millions d’euros (les centimes ne sont pas précisés). Le même patron s’il est britannique ne touche que 5,85 millions en moyenne, et s’il est Allemand, 3,94 millions d’euros. C’est mal payer les excédents de toutes sortes (et en premier lieu du commerce extérieur) de l’économie allemande.

Pourquoi cette augmentation ? Ce ne sont pas tant les salaires de base qui ont cru, mais ce qui vient en extra, bonus et stock options. Les stock options en particulier ont augmenté de 48% pour 58% des 135 entreprises étudiées. Rappelons qu’au regard de la situation difficile de ces grands patrons, ces stock options ne sont soumises qu’à de très modestes contributions sociales : 10% sur 25% de leur valeur (manque à gagner pour l’assurance sociale relativement à une cotisation normale : 3 milliards d’euros).

Dernier point : la distribution des stock options ne sont pas conditionnées à la performance des dirigeants, et 60% d’entre eux bénéficient d’un « matelas de sécurité » pour leurs vieux jours, alors qu’ils n’étaient que 40% l’année d’avant.

L’argent va à l’argent, le pouvoir au pouvoir, rien n’inverse jamais la roue.

Petit, vraiment petit..

…et pour tout dire, minable. Je tombe ce matin sur une page du monde informatique : Cecilia ex Martin, ex Sarkozy, épouse Richard Attias, directeur de Publicis. La cérémonie s’est bien passée, merci, et les invités pouvaient prendre connaissance de la liste de mariage que les époux ont pris soin de publier sur internet.

Où sommes-nous ? A ma connaissance, le sens des listes de mariage est de permettre d’offrir à deux jeunes époux débutant dans la vie ce dont ils ont besoin. Les trois époux de Cecilia ne sont ni jeunes, ni fauchés. Elle et lui avaient, à mon avis, déjà deux ou trois cuillères à café dans un coin d’armoire.

Ce manque de sens commun et de décence me font tourner le sang. De quoi demander l’asile politique.

Mais pour aller où ?

Equinoxe de printemps

Alain J, Chantal, Nicolas, Pierre, Paul et les autres, on en oublierait presque qu’en ce moment même se produit un événement d’une autre importance : l’équinoxe de printemps. Pour moi, le plus beau moment de l’année, celui où la durée des jours égale celle des nuits, et pas à pas, des pas tous les jours un peu plus grands et optimistes, la dépasse pour culminer au solstice d’été.

Non, le plus beau moment n’est pas ce solstice, car s’il est plein d’éclat, il est aussi plein de menaces, et inéluctablement, à pas d’abord tout petits, les jours battent en retraite devant la nuit.

Une des grandes qualités des humains est d’être des animaux homéothermes, ce qui veut dire que dans certaines limites, la température de leur corps ne bouge pas. Beaucoup sont aussi « homéochromes », mot très incertain, extemporanément inventé, pour dire que leur humeur, leur inquiétude, leur vision du monde, ne dépend ni de la lumière du ciel, ni des couleurs du temp : je ne fais malheureusement pas partie de ce groupe et s’il en faut peu pour me réjouir (deux merles en ce moment bataillant ferme à la porte de ma petite halle aux grains), il en faut peu aussi pour que je m’interroge sur le sens de la vie et autres sujets qui ne font pas forcément grimper aux rideaux.

En ce moment précis, les feuilles des buissons tressaillent comme autant de petits miroirs, les oiseaux volettent en tous sens, et de cette agitation incessante nait une impression d’immense calme.

Retrouver son latin

En réalité, je sais bien pourquoi je me souviens de ce « capax imperii, nisi imperasset » évoqué dans le billet précédent. Dans un livre, Golo Mann, frère de Thomas, donne la phrase pour exemple de la densité et de la force de l’expression latine. Quatre mots pour exprimer ce que Golo Mann traduit par « Qu’il eût été un grand roi si seulement il n’avait pas régné ».

Traduction littéraire et non pas littérale, et pourtant pleinement justifiée par la nécessité de rendre l’équilibre roi/règne que l’on trouve dans imperii/imperasset. Il n’y a en français qu’une manière de régner, que l’on soit roi ou empereur, et la traduction littéraire est en effet meilleure que toutes celles que donnent les latinistes non écrivains (« si digne de l’empire » ou encore « si bien capable d »être empereur » pour les deux premiers mots, et « si du moins il n’avait pas régné » pour les deux derniers).

Les peuples heureux sont ceux où l’on se dispute sur la place du point virgule dans la phraséologie française ou sur la traduction d’un vers latin : on se doute que j’aimerais être disputée sur mon parti pris en faveur de la traduction de Golo Mann. Cher Jean Philippe Daney, n’hésitez pas à me contrarier, ni à me contredire sur ce point, vous qui évoquiez Lucilius et m’avez donné l’idée de ce billet.

Cette parenthèse étant faite, je reviens en effet à mon latin. L’Argentin Borges, qui figure lui aussi au rang de mes auteurs favoris, donne un autre exemple de la densité et de la force de contraction du latin, celui-ci carrément sublime.

Il s’agit d’un vers de Virgile, si doux à ce dire la nuit, seul ou à deux, quand la nuit l’emporte sur tout autre sentiment.

« Ibant obscuri, sola sub nocte »

« obscurs passagers de la nuit solitaire » . Traduction littéraire que je tente ici. Une autre est possible (bien d’autres..) : « l’un et l’autre ils marchent, obscurs sous la nuit solitaire ».

L’incroyable force de ce vers de 5 mots est dans l’inversion de « seuls » et « obscurs ». Un poète ordinaire (il n’y a pas en réalité de poètes ordinaires, même moins grands que Virgile, ils ne sont pas ordinaires parce qu’ils ont gardé cette possibilité d’entendre et d’exprimer la vie autrement) aurait écrit « ils marchent seuls dans la nuit obscure ». Mais qui ne sait pas que la nuit peut être, plus que toute autre chose au monde, solitaire ?

La tentation de Virgile… Quelqu’un en cette ville a eu « La tentation de Venise », que le merveilleux blog « Alain Youpi » évoque avec finesse comme « la tentation de Denise », l’une l’ayant finalement emporté sur l’autre. Quand je serai grande, et bien sage, je m’appliquerai et je prendrai du temps pour retrouver mon latin.

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