L’intervention hier de Nicolas Sarkozy, précédée d’habiles coup-de-mentonnades sécuritaires, n’a apporté aucune éclaircie véritable à ce double échec politique : notre pays se paupérise, et cette paupérisation est supportée en premier lieu par les plus pauvres.
Notre pays se paupérise : la politique de retour à la croissance, ce « choc de confiance » dont Christine Lagarde a entouré la promotion de loi TEPA (« travail, emploi, pouvoir d’achat »), est un échec complet. Six mois après l’ « avènement » de Nicolas Sarkozy, mais aussi après 66 mois de pouvoir de la majorité qui le porte et de lui même comme ministre, tous les indices, tous les paramètres économiques sont au rouge. Non, ce n’est pas une fatalité de notre Europe. Ce n’est le cas, ni en Allemagne, ni en Espagne, nos plus proches voisins.
Cette paupérisation est supportée en premier lieu par les plus pauvres : les plus riches ont reçu au contraire dès le mois de juillet le paiement de leur soutien et de leur concours dans la campagne passée comme dans la campagne permanente qu’est devenue notre vie politique. Pour exemple : un chèque d’une valeur moyenne de 50 000 euros aux propriétaires des plus gros patrimoines au titre du bouclier fiscal. Ce chèque n’a attendu ni l’année suivante, ni la fin de l’année, alors que la modestissime revalorisation des petites retraites a été reportée à 2008.
Quand il s’agit du pouvoir d’achat de l’immense majorité des Français, Nicolas Sarkozy dit : « Je ne suis pas le père noêl ». Avec un peu d’esprit polémique, j’ajoute : « en tout cas, je connais mes cheminées ».
Quelles mesures donc ont été annoncées hier ?
Deux bonnes mesures, issues du programme socialiste (voir billet précédent), concernant toutes deux le logement : l’indexation du prix des loyers sur le coût de la vie, et non sur celui de la construction ; la réduction à un mois du loyer « d’avance » et la mutualisation de la caution.
Une mesure inexistante, ou plutôt qui existait déjà : la « monétisation » (voilà un mot affreux, qui évoque la monnaie, et même la petite monnaie, plus que le salaire) des heures de RTT ou du crédit d’heures. Médecin hospitalier, je pouvais déjà en bénéficier : soit accumuler ce crédit d’heures en prévision de la retraite, soit le « monétiser ». Les réactions des syndicalistes me montrent que c’était déjà le cas dans de nombreuses branches.
Une mesure incroyablement choquante, presque méprisante : le travail du dimanche. « Que vous plaignez vous, vous qui gagnez peu, qui ne pouvez finir le mois, et qui devez rogner sur les petits plaisirs de la vie, quand ce n’est pas sur l’essentiel !!! Vous pouvez non seulement faire des heures supplémentaires (pour ceux qui ont un boulot et un boulot qui le permet… soit quelques petits pour cent de ceux qui ont un problème de pouvoir d’achat), mais vous pouvez travailler le dimanche ! » . Merci, Nicolas, de rendre possible que si j’ai un boulot idiot dans la grande distribution (car c’est principalement de cela qu’il s’agit), je puisse, en plus, renoncer à voir mon gamin jouer au foot le dimanche, ou aller en famille faire une balade en vélo, ou faire une visite archéologique avec les amis de la société savante qui me passionne. Oui, vraiment, merci, Nicolas !
Je vais vous dire ce qui me choque plus que tout : à chaque intervention de Nicolas comme des députés UMP à l’Assemblée, un seul mot d’ordre : tous nos malheurs viennent des trente cinq heures. Si la France plonge, ce sont les trente cinq heures; si on a été battus au rugby, ce sont les 35 heures… Mais s’ils le pensent, que n’ont-ils le courage de les abolir au lieu de les utiliser comme alibi permanent ?
Je dis cela d’autant plus à l’aise que, médecin hospitalier, je n’ai jamais été une fanatique des 35 heures. Mais je suis par contre une fanatique du courage en politique. Ou les 35 heures ont apporté du positif et on le dit, ou elles sont synonymes d’enfer et damnation, et on les supprime au lieu de les utiliser comme paravent!
Tout à l’heure, ce samedi après-midi, j’étais dans le hall de l’Opéra (que j’appelle toujours le Grand Théâtre) à une manifestation de sensibilisation au VIH-Sida. Une femme, entre cinquante et soixante, séro-positive, est venue me parler. Elle vit avec 300 euros par mois. Les franchises médicales qui s’ajoutent à ses soins pour tout ce qui ne touche pas directement sa séro-positivité ont fini de ruiner son budget.
Décidément, elle n’a pas bien écouté Nicolas : que ne travaille-t-elle pas le dimanche ?