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Hôpital Saint-André

Grande séance, ce matin, de déménagement, de mon bureau de l’hôpital Saint-André. On voit que j’ai mis à cet exercice peu d’empressement. Cinq mois que je suis élue et que le plus gros de mes dossiers, livres, documents divers demeurait dans ce bureau, juste à l’angle de la place de la République et du cours d’Albret.

Exercice peu agréable. J’ai « habité » plusieurs années l’hôpital Saint-André, et de toutes les maisons que j’ai quitté, ce n’est certainement pas la moins belle, ni la moins chargée d’histoire(s), au singulier comme au pluriel. Dans les couloirs aux hautes vitres, tout à l’heure, roulant mes livres comme on roule sa bosse, j’en ressentais à la fois le poids et la force et pour tout dire le caractère extraordinairement sacré.

Saint-André existe depuis le XVIe siècle. Il a traversé l’histoire de la médecine, qui est le noeud gordien de l’histoire des hommes. Hospice pour les miséreux pendant plusieurs siècles, il est devenu d’étapes en étapes le plus petit des établissements hospitaliers du CHU de Bordeaux, centré sur un pôle cancérologique de haut niveau. Entre ces deux situations, une révolution absolue, technique, sociale et culturelle, et pourtant Saint-André demeure « l’hôpital de Bordeaux » avec ce que cela suppose de tradition d’accueil de l’urgence et de la détresse. Je connais des endroits où couchent les SDF et dont on ne les dérange pas. Combien de fois aussi nous hospitalisons dans l’attente d’une situation sociale, pour faire passer un cap, ou pour faire un traitement avant même d’avoir trouvé la possibilité qu’il soit pris en charge.

Le matin, vers 9 heures, la petite cloche de la chapelle tinte sur la cour intérieure. Par ses hautes ouvertures alignées, elle ressemble à un cloître. C’est sans doute un des plus beaux endroits de Bordeaux. Ce n’est pas seulement l’architecture, bien que les proportions et l’ordonnance de l’ensemble soient très justes, mais l’atmosphère, et tout ce que l’on devine au-delà des travées dont chacune constituait autrefois une « salle ». On dit aujourd’hui une Unité, il n’y a plus (heureusement) de salle commune et dans chacune les chambres individuelles se disposent le long d’un couloir central. Les moyens de soigner ont changé, mais l’attente y demeure la même, attente de la visite, attente des résultats du scanner, attente de la venue d’un proche, attente de partir, crainte de revenir.

Je suis partie, roulant mes caddies de paperasse, le coeur un peu serré. Le jour tombe, des gouttes s’écrasent devant ma fenêtre. Novembre n’est pas mon mois favori.

Le pays aux deux langues

« Ma patrie, c’est la langue française », disait Camus. Les Belges, depuis des décennies, démontrent la profondeur du propos et la tension est aujourd’hui à son comble. De part et d’autre, on se dit que c’est cette fois sans retour, mais on se souvient aussi qu’on l’a pensé bien souvent depuis 30 ans (1977) qu’a été faite la partition de la Belgique en trois régions (Bruxelles, Wallonie et Flandre).

« Sans Bruxelles, il y a belle lurette que la séparation serait consommée », me disait un compagnon de train, fatigué de voir son pays s’épuiser en chicanes et en haines accumulées. Les Flamands se sentent humiliés d’être les moins nombreux jusque dans leur propre territoire, les Wallons n’en peuvent plus de voir la moindre parole en français sanctionnée, la moindre demande de traductions faire l’objet de tractations et de chicanes sans fins quand ils ont le malheur d’habiter du mauvais côté de la frontière linguistique.

Un sondage récent montrait que la majorité des Français étaient favorables à un rattachement de la Wallonie à notre territoire national. Comme mon Belge voyageur, j’ai envie de dire: « …et Bruxelles ? ». En faire une ville européenne, créer pour elle un nouveau statut ?

C’est bien sûr aux Belges de décider. Une manifestation a eu lieu à Bruxelles le 18 novembre pour l’unité de la Belgique, pour réagir contre les partis flamands et francophones qui n’ont depuis cinq mois pas réusssi à se mettre d’accord sur un gouvernement. Cent quarante mille personnes ont signé une pétition sur internet allant dans ce même sens de l’unité. Il n’en reste que dix millions à convaincre..

Il y a du malheur partout. Heureusement, nous avons la langue française …

Journal « extime »

Sud Ouest, le 23 novembre 2007

EDITION.Michèle Delaunay présente son dernier livre aujourd’hui à 17h30 à la Machine à Lire.

Ecrire un blog quotidien n’est plus original. C’est même devenu une mode. Les « politiques » ont vite vu le parti qu’ils pouvaient tirer de la réflexion personnelle sur Internet, eux qui se plaignent souvent que leur discours soit peu ou mal relayé par les médias. Ce qui est moins courant, c’est de réunir ces fragments électroniques sur le support papier d’un bon livre à l’ancienne. Le blog devient ainsi un peu moins éphémère, un peu plus durable pour atteindre à « l’éphémérité durable du blog », titre de l’ouvrage que vient de publier Michèle Delaunay, députée (PS) de la deuxième circonscription de Gironde depuis juin dernier.

(suite…)

Retenir le sable des jours

Une heure dans le noir à écouter la voix de Moravia et celle de Brel (France-Inter, tout simplement). J’avais besoin de m’isoler, de n’être plus rien qu’un animal qui a besoin de se remplir des autres. Et Moravia disant -cent ans déjà-, « je vis pour savoir pourquoi je vis », c’est déjà être deux, reprendre force, rallumer la lumière et rallumer l’ordi.

Journée pleine, c’est à dire sans trêve, et dont je ne sens que le vide. Pourtant, combien de contacts signifiants : avec ces parents d’élèves oeuvrant pour la mixité sociale dans leur école, avec cet avocat m’expliquant que si les stages en cabinet sont trop chers, n’en feront plus que ceux qui ont le « capital social » pour en trouver…

J’interromps les exemples de ces rencontres du jour pour dire un mot de celle que je viens de citer : j’ai fait une question écrite au gouvernement, en ma qualité de députée, l’interpellant le ministre du travail sur la faible rémunération des stagiaires (380 euros mensuels, à compter du premier jour du quatrième mois de stage). Les jeunes sont démobilisés, décridibilisés d’être payés sur l’ensemble de la période 30% du smic. Mais me dit mon avocat : nous n’avons aucune obligation de prendre des stagiaires, et pourtant le stage est obligatoire pour valider le diplôme. Si le coût du stage devient trop important, n’en trouveront plus que les fils de collègues, l’ami de l’ami, et ceux, comme je le disais, qui ont un « capital social » leur assurant des relations et leur ouvrant les portes nécessaires. Aujourd’hui, seulement 60 % des jeunes futurs avocats trouvent des stages…

C’est un sujet important, ne serait parce qu’il faut toujours s’interroger sur les multiples faces de chaque problème. Les contraires ne s’excluent pas. La démobilisation des jeunes est vraie, le risque de sélection par le piston l’est aussi. Tout cela, je l’entends.

Je reviens au vide des journées trop pleines. Aujourd’hui, à plusieurs reprises, on m’a interrogé sur le pourquoi du petit livre que nous allons présenter demain à la « Machine à lire » : une année de mon blog, l’éphéméride de cette année de campagne qui a changé la donne à Bordeaux. Mais pas tout à fait que cela : une année de vie dans une vie dont on ne sait jamais combien elle en compte.

Pourquoi ? Pourquoi aimer l’écriture comme une amie, comme une amie dont on voudrait qu’elle devienne familière d’un autre qui l’écoute dans le noir ? (Oui, quand on lit, on est toujours un peu dans le noir, seul avec un autre qui parle, comme moi tout à l’heure).

J’ai cherché, comme Hemingway le conseillait, la phrase la plus simple, la réponse la plus vraie : pour retenir un peu entre ses doigts le sable de chaque journée.

Ce soir encore. Combien encore ?

Une journée commence

Début de journée dans ma nouvelle maison : mon bureau, 3 rue Aristide Briand. Silencieux, blanc, lisse et ordonné. Même les piles de courrier sont droites et bien alignées, comme les cahiers d’une écolière studieuse.

En un mot, j’y suis bien. J’ai devancé l’appel du réveil pour travailler un moment dans ce calme. Paris est autour de nous, mais ne se fait pas entendre. Dans le couloir, premiers bruits, ceux de notre camériste indien vidant les poubelles de courriers et documents. Personne sait pourquoi il commence si tôt son travail, ni en ce moment comment il vient d’une banlieue sans doute éloignée. Nous échangeons plus de sourires que de paroles, le français demeure visiblement pour lui une langue très étrangère et je n’ai pas osé tenter quelques mots d’anglais.

Voilà. Une à une, les portes des députés vont s’ouvrir, les assistants vont arriver d’un pas toujours très décidé qui m’amuse. Petit monde studieux, majoritairement féminin et entièrement socialiste à cet étage, et disons-le sans réserve, très consciencieux. Amical aussi, et sans chichis.

Bonne journée !

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel