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« Macron ne se mouille pas »

C’est en ma qualité de correspondante* de @le_gofira que j’étais ce matin dès la première heure au pied du pont de Kehl** où Emmanuel Macron avait convoqué la presse européenne.

Temps frisquet, courtes bourrasques de pluie, l’emblématique fleuve européen qu’est le Rhin agité de soubresauts et de courants contraires, dessinait un long ruban soucieux. Une demi-heure d’attente et de conciliabules interrogatifs entre les journalistes ; premiers clichés, quelques essais de sons et d’éclairage. La voiture du candidat arrive, se gare et celui-ci descend posément, se tourne vers la presse, serre quelques mains, sourit sous les flashes des photographes, avant de tourner les talons pour résolument s’engager vers le fleuve. Un étrange silence s’installe. Sur l’autre berge, on devine un deuxième attroupement, des micros, des caméras, des camions porteurs d’antennes. Une sorte d’interrogation générale s’étend comme une brume sur les eaux grises de ce prime matin.

Et c’est dans le silence que Macron s’avance. Un pas, puis l’autre, sur les eaux, sans détourner le regard, ni accorder à quiconque le moindre signe.

Il marche, marche encore, et arrivé à mi-distance des deux rives, hésite un instant entre amont et aval de ce fleuve lourd d’histoire… Puis brusquement fait demi-tour, rejoignant la rive française où l’attendent micros et caméras. Sans un mot, mais rayonnant toujours de son légendaire sourire, il remonte dans sa voiture et repart.

C’est en exclusivité et avant toute publication que je suis dès maintenant en mesure de rendre compte des premiers commentaires politiques de mes confrères.

BFMTV : « Sous le pont de l’Europe**, Macron fait demi-tour et rate son rendez-vous avec l’Histoire » . Fillon, la minute d’après, enfonce le trait : « Imagine-t-on le Général de Gaulle s’arrêter à mi-chemin ? » .

Objectif, le correspondant du @monde.fr  en Allemagne s’interroge sur la signification de ce moment inhabituel et la position variable du SPD  « Venait-il saluer Martin Schulz ou la chancelière ? . Réponse de la Frankfurter « Macron bat en retrait avant même de mettre le pied en Allemagne ».

L’Humanité n’y va pas par quatre chemins en titrant sous une image de l’événement : « A quand la noyade ? » . Un éditorialiste ajoute « Macron marche sur des eaux troubles qui l’emporteront dès le premier tour« .

En référence à l’instant d’hésitation du marcheur entre amont et aval , Europe1 dégaine « Entre Baltique et  méditerranée, il va devoir choisir ! « . 

« La Croix » donne la parole au Cardinal Jean Vingt-Quatre : « Nul ne saurait ignorer l’allusion biblique de ce cette marche sur l’eau« .  Marine Le Pen met quant à elle un point final à tout débat sur la laïcité de cet étrange moment avec un magistral : « Nous, au moins, on sait nager.. »

Quant au « Point », le magazine,  fait sa couverture d’un gigantesque « Une fois encoreMacron ne se mouille pas »,  surimposé au visage du candidat.

La parole politique se lit et s’interprète à la guise de qui la reçoit. Qu’en est-il alors du silence …

 

*emploi fictif à salaire qui l’est aussi.. ** le pont de Kehl, entre Strasbourg et la rive allemande du Rhin s’appelle aussi « pont de l’Europe »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A Eric de Montgolfier

Monsieur le Procureur,

C’était un honneur pour nous tous de vous rencontrer et de vous écouter hier à Bordeaux. Un honneur et un plaisir particulier pour moi de vous accueillir dans ma circonscription comme c’est l’usage d’une République que tous nous voulons exemplaires.

Je ne partage pas totalement à titre personnel votre rejet de la possibilité d’inéligibilité en cas de faute avérée d’un élu, mais votre point de vue m’a permis de regarder autrement la question et je vous en remercie. Comme vous et selon votre formule, je suis convaincue qu’ « en démocratie, le soupçon, c’est le pire » et qu’il peut être spécialement dramatique à l’encontre d’un Président en exercice.

Je voudrais éclairer ma position concernant l’exemplarité de la République. Elle concerne bien évidemment en premier lieu ceux qui se sont portés candidats à y assumer des responsabilités. Pour cette raison, j’ai été totalement favorable à la publication des patrimoines et à la dénonciation de tout conflit d’intérêt. Concernant le premier point, un des rares où nous ayons été très légèrement consultés en 2012, alors que je venais d’être nommée Ministre déléguée, j’y avais souscrit sans réserve mais avec une remarque « les Français s’y intéresseront le premier jour, puis oublieront et ne le porteront pas à notre crédit ». Ce fut le cas. La question du bilan du quinquennat et de la nécessité de le porter ou non était hors de mon champ de vision, comme vous l’avez un instant cru.

Lorsque j’ai évoqué le sujet, vous avez répondu « Vous avez été nombreux à être contre ». Je ne pense pas un seul instant que vous puissiez avoir été prévenu à mon endroit, mais je tiens à ce que, ni vous même, ni le public n’ait le moindre doute sur mon attitude d’alors, comme sur mon exigence d’exemplarité.

Un point qui m’est important est l’appel à l’exemplarité, plus justement à l’honnêteté et à la probité du Peuple lui même. Une personne du public vous a d’ailleurs interrogé sur l’enseignement des valeurs, la nécessité d’apprendre aux jeunes à distinguer le bien du mal. A cela aussi, je souscris.

Il est important de poser les problèmes avec hauteur, mais vous en conviendrez j’en suis sûre, il est important pour un élu qui se présente de nouveau au suffrage, que « le soupçon » n’entrave d’aucune façon ses paroles et son action.

Soyez assuré, Monsieur le Procureur, de mon respect et de mon admiration dans chacune des phases de votre carrière de magistrat. Bordeaux, comme moi même, aura toujours honneur et intérêt à vous recevoir.  MD

 

 

Devons-nous vraiment nous taire ?

Parce qu’il était non mon ami, mais qu’il m’avait accordé sa confiance, je décide que la réponse est « non ».

Je me suis souvent disputée avec Henri Emmanuelli sur le fait qu’il était un fumeur invétéré et que je ne le voyais jamais sans que cela me fende le coeur. Il bougonnait, ronchonnait mais cela finissait toujours par « pour moi, c’est trop tard, mais tu as raison de te battre ».

De ces mots parcimonieux, de la confiance qu’il m’a faite en me confiant son diagnostic, en échangeant sur son pronostic qu’il connaissait avec la même acuité que moi, je m’autorise à « dire ». Je crois et j’espère qu’il ne me désavouerait pas.

Henri est mort d’un cancer du poumon, lequel s’ajoutait à un problème neurologique ancien, altérant sa capacité à vivre librement, mais -du moins, je le crois- pas son pronostic vital.

Il savait tout. Et pour une fois, ce « tout » a l’immensité de sa force. c’est aussi ce « tout », cette connaissance sans recours de l’inéluctable, qui m’a fait bien souvent sortir de la chambre de mes malades les larmes aux yeux d’une admiration sans bornes dont, chaque fois, je m’interrogeais si elle serait pour moi de même niveau.

J’ai écrit « Henri est mort d’un cancer du poumon ». C’est faux : Henri est mort du tabac. Devrons-nous longtemps continuer de le taire ? S’il ne me l’avait pas dit lui-même, si entre les lignes, il ne l’avait pas si souvent évoqué, moi non plus, je ne me sentirais pas autorisée à en parler.

Devrons-nous longtemps accepter de perdre ceux que nous admirons, ceux que nous aimons, ceux en lesquels nous croyons, ceux qui vont nous manquer et, dans le cas, manquer à la Politique, manquer au Parti Socialiste, ces deux derniers ayant en ces temps difficiles un urgent besoin de figures intègres, de personnalités entières, exigeantes, rudes, volontaires, qui ne louvoient, ni n’intriguent, en même temps qu’infiniment pudiques et sensibles ?

Trop, trop longtemps, dans un silence trop grand, une hypocrisie trop intolérable, les journalistes, mais aussi mes confrères, mais aussi bien souvent les familles de ces morts indus, se sont tus. Je me suis faite brocarder pour avoir relié au tabac la mort de Patrice Chéreau, jusqu’à chaque fois craindre de trahir l’intime secret de la médecine, alors que je n’était pas le médecin qui soigne. Mais Michel Delpech, Yohan Cruyff, Yul Brunner n’avaient pas caché ni leur maladie ni leur volonté qu’elle ne soit pas inutile dans la lutte contre ce fléau abasourdissant : le tabac. Et hier 20 mars pourtant, aucun candidat à la Présidentielle, mais pas toi, Benoit Hamon, qui était son « fils », n’a osé en parler.

Henri avait moins que mon âge, le désir, caché par impossibilité, de vivre et un de ses derniers tweets fut une image radieuse de sa petite fille. Nous ne devons plus supporter cet immense échec, ce terrible manque de courage. Merci à tous de votre aide.

 

 

 

 

Salut à Henri Emmanuelli

C’est pour moi un immense chagrin que la perte d’Henri Emmanuelli, qui m’honorait de sa confiance et qu’avec la sobriété qu’il exigeait, j’ai essayé d’accompagner dans sa maladie.

C’était un homme entier, intègre, volontaire, pudique que j’aimais et admirais beaucoup.

Le Parti Socialiste a besoin de femmes et d’hommes de cette trempe qui ne louvoient pas, qui n’intriguent pas et dont l’action marque durablement leur territoire.

Un coup de chapeau particulier à tout ce qu’il a réalisé pour les personnes âgées dans les Landes.

Salut à ses proches, à ses amis et à ses fidèles.

Le travail, une valeur de gauche

Beau et surtout très, très intéressant discours de Benoît Hamon à Bercy devant 15000 personnes. Changement de ton et magistral retour aux valeurs fondatrices de la gauche, en lettres majuscules. La GAUCHE historique, fondamentale, essentielle et qui, en effet,  fait toujours « battre le coeur ».

C’est un champ souvent évoqué dans ce blog, qui me retient une fois encore : la place et la valeur du travail. Ce champ est à ce point fondateur de la gauche que j’ai été gravement troublée de le voir jusque-là trop absent ou malmené dans la campagne de Benoît. Oubliées aujourd’hui, ou en tout cas non mentionnées, les phrases-clefs des Primaires :  « Notre rapport au travail doit changer », « le travail ne doit plus être au centre de la société », « qui n’est pas heureux dans son travail doit pouvoir arrêter bénéficier d’un revenu » .. (Je cite non littéralement, mais sans changer le sens) . Exit aussi, le fait que le travail doive inéluctablement se raréfier, voire disparaître, et en tout cas ne plus fonder notre rapport au réel. Il va changer, plus radicalement encore qu’on ne le croit, avec un retour majeur du travail non substituable par la technique quand nous serons demain près de 10 milliards de terriens, mais il demeurera à la base de notre place dans la société et de nos liens sociaux sous peine de basculer dans une socièté façon « le meilleur des mondes ».

J’ai entendu aujourd’hui dans le discours de Bercy : « Comme vous, je crois à l’effort, comme vous je crois au travail ». Et dans une phrase que je ne sais plus citer exactement, un salut sans réserve au rôle émancipateur du travail. Merci Benoit. Merci pour la petite fille dont tu as parlé et qui demain sera peut-être à ta place à Bercy, candidate comme toi à la Présidence de notre République ; merci pour les milliers de jeunes qui t’entouraient, merci pour tes parents (et en particulier ta maman, ce que toi seul comprendras..) qui ont travaillé, peiné, pour que tu sois ce que tu es. Merci tout court : mes grands parents et mes parents étaient, en tous points, semblables.

Et bravo pour tout ce discours. Pour ces accents de tribun, pour cet incroyable effort de concentration que suppose un tel exercice. Ne le négligeons jamais : ceux qui s’y appliquent n’ont pas « de la mémoire » mais de la volonté et une exceptionnelle capacité de travail. Toutes les cases susceptibles de rassembler la GAUCHE en lettres majuscules, celle que j’évoquais tout à l’heure, tu les as marquées et personne d’entre nous ne peut y être insensible. Oui, mon coeur a battu. Et c’est avec le coeur, mais aussi avec les mains de l’artisan, les pieds du marcheur et le réalisme du père de famille gérant un budget, que nous devons construire dans une Europe que, toi comme moi, nous aimons et à laquelle nous voulons appartenir pleinement.

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel