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Le ciel est par dessus le toit

Le soleil est entrain d’apparaître au dessus du mur blanc auquel mon bureau fait face. C’est un événement suffisamment important pour que j’ai envie de le partager. Un grand à plat de lumière barre maintenant le mur, comme dans un tableau de Nicolas de Staël. Il ne manque que quelques mouettes dehors, une falaise, l’objectif d’une caméra pour qu’un film étrange puisse commencer.

Je viens d’entendre les chiffres du chômage à la radio. « Le chômage n’a jamais été aussi bas depuis 25 ans » titrait Le Monde hier soir. Oui mais, ces chiffres et les méthodes de calcul qui y ont amené sont hautement contestés par les organisations internationales chargées d’établir des comparatifs, en particulier Eurstat. Oui mais, l’INSEE elle-même tord le nez et le gouvernement ne reconnait pas ses propres calculs.

Et surtout, le nombre de radiations administratives a augmenté de 4,2% en un seul mois. Et surtout une nouvellle méthode de réduction se met en place, la dissuasion à s’inscrire. Plusieurs de nos collègues députés rapportent des faits concordants issus de leur région. « Vous avez cinquante ans, vous n’avez pas de permis de conduire, totalement inutile de vous inscrire. Voyez ailleurs. » J’essairai d’interroger sur la situation bordelaise.

Pour une fois qu’il semblait y avoir une nouvelle favorable, elle est tout de suite contrecarrée. Le ciel pourtant est par dessus le toit, bien bleu comme un ciel grec.

31 juillet

Nicolas Sarkozy a si souvent célébré la mémoire de Jaurès pendant sa campagne (37 citations dans un seul discours..) que l’on aurait légitimement envisagé qu’en ce jour anniversaire de sa mort, il aurait demandé que l’on mît les drapeaux en berne au fronton des mairies. Que ne relit-il ce soir le volume des « Thibault » de Martin du Gard titré « juillet 14 » et le récit de la trainée de poudre qui, au propre et au figuré, a suivi son assassinat ?

Au lieu de cela, nous célébrons cet anniversaire en discutant de pied ferme d’un texte qui ouvre un coin dans le droit du travail et qui, plus gravement, sera inopérant. Le projet de loi intitulé « Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres publics réguliers de voyageurs » ne va nullement régler les perturbatiions des transports : 2% seulement d’entre elles sont dues à des faits de grèves ; l’immense majorité à des problèmes d’insuffisance ou de vétusté du matériel, de manque de personnel…

Il ne va pas davantage instaurer un « service minimum », comme l’avait promis le candidat Sarkozy : le texte se borne à fixer aux collectivités de fixer des objectifs sans garantie qu’ils soient tenus.

Il comporte enfin un certain nombre de dispositions, comme la déclaration personnelle de se déclarer gréviste à l’employeur 48 heures avant le début du conflit, qui enfreignent le droit de grève. D’autres dispositions, complexes à analyser dans un court billet ont mis aujourd’hui les syndicats unitairement dans la rue. Peut-être est-ce ce long défilé dans toutes les rues de nos villes qui fera finallement souvenir du peuple descendant dans la rue à l’annonce de l’assassinat de Jaurès « Ils ont tué Jaurès ! »?

Aucune banderole pourtant, à ma connaissance, n’a porté trace de ce souvenir. La collusion des deux événements eût pourtant été signifiante.

Je m’aperçois en finissant d’écrire que nous sommes déjà le premier aout. La 29ème séance de cette XIIIème législature n’est pas encore achevée et va sans doute se prolonger encore tard dans la nuit. Le temps file si vite.

Addiction

Ouf, je vous retrouve et je retrouve le blog comme un compagnon familier avec lequel on vient converser. Vingt-quatre heures de séparation (mon « wanadoo volant » refuse obstinément ses services) qui s’achèvent enfin grâce à l’installation d’un vrai grand ordinateur dans mon bureau de l’Assemblée.

Trois jours à Paris pour un texte très important, improprement appelé « continuité du service public ». Je lui consacrerai un billet tout à l’heure. Ma fenêtre est ouverte sur un grand mur blanc et au dessus un grand morceau de ciel d’un bleu pur. Au delà, on entend très confusément le rumeur de la ville, le roulement estompé des voitures. C’est très drôle d’être ici, à la fois à Paris, dans un des plus beaux bâtiments de la République, et pas à Paris, n’importe où quelque part dans le monde où se trouverait ce bâtiment.

Demain soir, je partirai sans avoir rien vu d’autre que mon bureau et le bâtiment principal de l’Assemblée qui se trouve de l’autre côté de la rue. Tout à l’heure, j’ai reçu une candidate au poste d’assistante parlementaire et je l’ai pilotée pour un bref tour des lieux. Je lui ai montré la collection de Marianne(s) dont les photographies viennent par groupes sur le photoblog.

Voilà, je voulais juste bavarder, dire comme on l’entend bien souvent dans les portables « je suis arrivée, je vais prendre le train », toutes ces choses rien-disantes qui sont juste là pour faire un signe, pour dire que nous sommes tous des humains, et tous un peu paumés quelque part dans un monde étrange dès qu’on se met à le regarder.

Devinette

Un muscle mou qui travaille plus dur que tous les autres.

Qu’est donc ce drôle d’organe que tout aujourd’hui concourt à anesthésier, à endormir, à déjouer quand il faudrait au contraire le développer, l’entretenir, l’aguerrir, l’entourer de soins et de vigilance parce qu’à tout prendre, il reste le meilleur de nos outils ?

Le cerveau bien sûr. Il ne faut pas en faire toute une histoire : un organe comme un autre, juste un peu plus malin et plus complexe, qu’il il faut protéger de l’ excès de tout ce qui n’a d’autre objet que de l’atrophier ou de l’anesthésier : la télé, les jeux stupides, les drogues, l’alcool, le grignotage toute la journée… A des degrés divers, tous ceux-là ont d’abord cette fonction, vider la tête, détourner la pensée d’elle-même.

Quand il y aura pour l’entretien de ce muscle autant de magasins, d’articles variés, de substances diverses, que pour tous les autres muscles, nous irons mieux. A quand un immense décathlon de la tête, un José Bové de la mal-bouffe intellectuelle ?

A vrai dire, pour ce dernier exemple, je me sens assez bien dans le rôle et je pose clairement ma candidature.

L’injonction de soins

Du jardinage -presque de l’agriculture, tellement mes efforts sont largement dispensés- au blog. Je m’approche du petit clavier fourbue et terrue comme au retour du binage des pommes de terre. « Terrue » n’existe pas, mais il me parait parfaitement appropriée à la situation. Les mots ainsi formés (chenu, ventru..) sont des mots plein de réalisme, légérement mais amicalement dépréciatifs. Terrue me parait digne d’accéder aux dictionnaires, pour le moins au dictionnaire des mots du jardin.

Il n’est en tout cas pas du tout le sujet de ce billet, comme le titre l’indique. En exposant les trois piliers de la loi de lutte contre la récidive (voir billet du 17 juillet), présentée à l’Assemblée par Rachida Dati, je m’étais réservée de parler plus tard du troisième, tant il est complexe et problématique. Ce troisième point, c’est l’ injonction de soins : en cas de faute grave, si un expert déclare que le prévenu est atteint de « troubles », la loi impose automatiquement de le soigner. Le juge peut, s’il motive sa décision, écarter cette disposition, mais relativement à l’état précédent, la règle est inversée. C’était, précédemment, le juge qui décidait si l’expertise devait amener au soin et non s’il ne devait pas automatiquement y conduire.

On pressent l’ambiguïté de la situation déjà dans les termes : qu’est-ce que le soin ? De quelle nature est-il ? Qui va l’administrer ? Implique-t-il un traitement ? De quelle nature là-aussi ?

La loi ne répond pas sur ces points. On pense bien évidemment d’abord au suivi psychiatrique. On sait que le plupart des délinquants souffrent de troubles psychiques ou de véritables maladies psychiatriques. Doit-on faire entrer les drogués dans cette catégorie ? Et qu’en est-il des délinquants sexuels ?

Les psychiatres, qui se sont exprimés par la voix de la Fédération de psychiatrie, sont opposés à cette mesure d’injonction de soins. La base de leur opposition (je schématise) est qu’un traitement ou un suivi psychiatrique n’a la moindre chance de succès que s’il est volontaire ou pour le moins librement consenti. C’est aussi la base même de la médecine : les médecins proposent, ils ont même obligation de le faire (« mettre à disposition les moyens de la médecine »), ils n’imposent jamais, hors l’urgence vitale où ils se substituent au patient.

Le problème des délinquants sexuels est d’une complexité particulière : on sait qu’en France, la « castration chimique » (par des substance anti-hormonales) ne peut se faire que sur demande expresse du malade. Mais la loi, ici, n’exclut pas radicalement cette possibilité du cadre de l’injonction de soins.

On pourrait écrire des pages par les problèmes posés par cette article de loi. Très objectivement, Rachida Dati ne m’a pas parue en mesure de les affronter. Notre questionnement a été écarté sans trouver de réponse.

Un point encore, mais il est majeur : les psychiatres de service public manquent cruellement. Les psychiatres libéraux n’ont aucunement ni l’envie, ni d’ailleurs la formation, de pallier à ce type de prise en charge. Questionnée sur ce point Rachida Dati, a dit péremptoirement « je m’engage à ce qu’ils soient en nombre suffisant en 2008 ».

Il faut douze à quinze ans pour former un psychiatre… J’ai pris la parole , de manière un peu osée je l’avoue, pour dire, que pour obtenir le résultat annoncé par le ministre, je ne voyais que la reproduction des psychiatres entre eux.

Une fois encore, la charrue a été mise avant les boeufs (on remarque que je reviens habilement à un thême agricole). La prise en charge médicale devait être pensée, renforcée, avant la loi, pas le contraire. Et sur le plan des principes, il me semble que la décision du juge, adaptée à chaque cas, était plus opportune que la rigueur obligatoirement générale de la loi.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel