Ouf ! Mes amis, j’atteris enfin, après une semaine quelque peu mouvementée, et sept mois avant elle qui n’avaient pas été trop calmes non plus. Comme les grands voyageurs, j’ai tellement d’histoires à raconter que je ne sais par laquelle commencer. Dans ces cas-là en général, cela se traduit pas de longues heures d’un silence pesant, personne ne sachant ni quoi dire, ni quoi faire … Ce serait pourtant dommage. Donc, je prends en vrac, « par sauts et gambades » comme disait si joliment, si inoubliablement, Montaigne, comme les collégiennes bavardent dans les cours de récréation.
Plein de belles histoires en effet. Dans mon quartier, qui n’est pas un fief de la gauche extrème, des voisins qui traversent pour me dire, très aimablement « vous savez que je ne partage pas vos convictions… » (oui, je sais), mais je tiens à vous présenter mes félicitations pour la votre campagne, et aussi pour l’attitude d’élégance et de respect que vous avez eue dès le soir des résultats, à propos de la démission ministérielle d’Alain Juppé, et de son mandat municipal ».
Et bien sûr, je confirme : j’ai porté pendant la campagne l’idée que les enjeux étaient distincs et j’ai regretté qu’AJ ait obscurci celui du scrutin législatif du poids de sa fonction ministérielle. La rigueur veut que j’ai confirmé cette position. Les principes comme une pratique saine de la République exigent que l’on ne mêle pas les questions, qui sont déjà difficiles à bien faire mesurer aux électeurs. Je me tiens à ce principe.
Dommage qu’une fois encore Alain Juppé ne soit pas en phase avec ses électeurs le plus convaincus. Il ne m’a ni félicitée personnellement (ce que le moindre candidat à la mairie de Cucugnan fait à l’égard de son concurrent victorieux), ni il n’a rendu hommage à la correction de ma campagne et de mon attitude le jour des résultats. Tout au contraire : sur France bleue Gironde, il a dit d’un ton supérieur « que nous avions deux conceptions de la déontologie » , et ce matin avec Jean Pierre Elkabach, que ma victoire était celle « d’une certaine forme d’aggressivité politique ».
Pourquoi Alain Juppé sait-il si bien décourager la moindre ébauche d’un mouvement de sympathie ? Sympathie que j’ai exprimée le soir des résultats, qui a incité toute mon équipe à réprimer tout mouvement du genre « Juppé au Québec » (ceux qui avaient commencé à le scander se sont fait tancer) ; pourquoi faut-il qu’il prétende « aggressive » toute personne qui n’est pas obédiente, et en particulier, cette espèce modeste et inférieure qu’est une femme qui ne soit pas exclusivement cantonnée au rôle d’épouse et que l’on utilise comme figurante sur les documents électoraux ?
Pourquoi ? S’est-il jamais interrogé lui-même sur ce profond et vrai sujet ?
Une histoire infiniment plus belle. Je racontais dans mon billet précédent mon arrivée à la consultation de Bergonié. Matin clair et léger où le soleil réchauffait déjà les quelques sièges du jardin. Un jeune homme, vraiment très jeune, tenant de la main gauche le pied à sérum qui le rattache aux perfusions et aux médicaments, humait ce début d’été, avec cet air si particulier de ceux qui s’interrogent à chaque instant sur le nombre de ceux qui leur reste, et qui vivent chaque minute de grand air et de soleil comme une minute particulière. Il tourne la tête vers moi, se lève, vient jusqu’à moi :
– Madame Delaunay, vous nous avez donné beaucoup de bonheur…
Je suis arrivée à ma consultation le coeur serré d’émotion. Je la ressens encore en écrivant.