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Soleil de Pâques

J’ai commencé ce jour de Pâques, comme beaucoup d’enfants, par un tour de jardin. Je n’y ai trouvé ni oeufs, ni petites poules en chocolat, ni sacs de confiseries, mais de jeunes feuilles vertes pleines d’avenir, les premières hampes des hostas qui ne se trompent jamais de date pour sortir de terre, et au bout des doigts du marronier de gros bourgeons duveteux entrain d’éclater. Belle moisson de cadeaux. En dehors de sa signification religieuse, c’est cela que Pâques veut dire : le renouveau des saisons, le nouveau départ, ce mythe éternel de l’homme. Que cette nature nouvelle soit l’occasion d’un homme nouveau, ou pour le moins de la prise de conscience de sa nécessité dans un monde qui est lui tout à fait différent que celui des siècles précédents, c’est bien sûr mon souhait en cette veille d’échéances éléctorales.

Notre pratique laïque garde surtout des fêtes religieuses ce qui est heureux et positif, et aussi, avouons-le ce qui a un accompagnement commercial : noël fête la lumière et les liens d’amour entre les hommes (que les cadeaux représentent) ; Pâques fête la résurrection de la nature, le triomphe de la vie sur la souffrance et la mort. Vendredi dernier, qui était le vendredi saint et qui a été l’occasion de ce malheureux incident à la mairie (voir billet précédent), je pensais dans le chemin qui m’amenait de l’hôpital vers la mairie, que la vie laïque a su bien moins s’emparer des jours d’affliction, ou du moins de réflexion sur la souffrance et la mort, que des jours de fêtes. Je venais de quitter dans mon service un homme jeune, formidablement combattif, terrassé par la maladie à son dernier stade. Je parle souvent de Kafka. Beaucoup ont à l’esprit sa dernière photographie, si impressionnante, par l’aspect de terreur que donne en particulier l’exorbitation des yeux aux stades ultimes de certaines maladies. Mon malade avait exactement cet air de terreur. Pleinement conscient, incapable de parler, il m’a fait sentir combien notre société ne partageait pas assez la souffrance. La mort a lieu presque toujours à l’hôpital. Sa grande leçon qui est la relativité de toutes choses et l’unicité de la condition de l’homme, est escamotée et dissimulée.

Or je crois que la renaissance de la nature est d’autant plus belle et surtout vécue avec d’autant plus de profondeur qu’on a levé les yeux vers les branches noires et regardé à ses pieds les feuilles pourrissantes rejoignant l’humus. Et que partager la joie c’est s’engager à partager la peine.

Cafard et démocratie

Ces deux-là ne devraient rien avoir à faire ensemble. Pourtant, revenant à l’instant de la mairie où avait lieu la remise des cartes d’électeurs aux jeunes nouveaux inscrits sur les listes électorales, je ressens l’un et l’autre m’interroge.

Les faits sont modestes. Lors de notre dernière réunion du Conseil Socialiste de Ville, nous avons convenu que dans les réunions de la mairie, nous porterions un badge avec nos noms, notre titre de conseiller municipal et un petit logo du PS (le poing et la rose) sur le côté, nullement aggressif, de la hauteur exacte de l’écriture. Six badges -autant que de conseillers PS- ont été fabriqués par l’assistante du groupe, qu’elle nous a remis. J’ai mis le badge à demeure dans mon gros sac-cartable.

Ce soir, remise de carte aux nouveaux électeurs. Je sortais de l’hôpital, j’arrive à la mairie et je mets mon badge. Je pense en effet qu’il est très souhaitable que les personnes qui s’adressent à nous sachent qui nous sommes. La mairie avait confectionné parallèlement des badges tous uniformes, qui ne permettaient pas de savoir qui était de la majorité, qui de l’opposition.

La remise de cartes se passe normalement. Personne n’avait prêté la moindre attention au badge que Brigitte Nabet (une de mes deux collègues conseillères municipales PS) et moi-même arboraient. A la fin de la remise de carte et du discours d’Alain Juppé, Hugues Martin fond sur moi, m’embrasse d’abord, puis est pris d’une grande colère « tu n’as pas à afficher ton appartenance, c’est une honte, la démocratie est bafouée.. ». J’étais interloquée. J’essaye d’exprimer que j’ai seulement voulu que ceux qui souhaitaient nous parler sachent qui est qui…

Brigitte pendant ce temps n’avait reçu aucune invective et portait tranquillement son badge avec notre mini-logo.

Je reste quelques minutes, car je pensais ne pas m’attarder. Je vois arriver la journaliste de Sud-Ouest, MC Aristegui. Elle venait d’être alertée par Hugues Martin et Alain Juppé et invitée à constater l’ignominie de mon acte.

Elle ne m’avait pas si tôt rejointe, qu’Alain Juppé arrive, furieux, dans un état de colère extrème, m’invectivant à son tour. J’étais tellement sidérée que je peux reproduire exactement ses termes. Il a parlé de prosélytisme, de honte, des tas de grands mots que sa colère rendait insignifiants. Je lui demande seulement « permettez-moi de vous répondre.. « . Il tourne les talons aussitôt sans entendre un mot de ma part.

J’explique à MC Aristegui la décision de notre groupe. Nous étions quatre ce soir, appartenant à l’opposition municipale. Brigitte portait le badge, Jacques les deux badges (celui de la mairie et celui de notre groupe). Daniel portait seulement le badge municipal. Il n’était pas présent à la réunion du Conseil Socialiste, mais il m’a dit que s’il avait été là, il n’aurait pas été d’accord sur le projet de porter un badge distinctif.

J’ai demandé à deux groupes de jeunes gens quel était leur avis. Etait-il choquant qu’une conseillère municipale socialiste veuille qu’on sache qui elle est quand on lui adresse la parole ? Trouvaient ils mon modeste badge, avec ce petit logo, choquant, anti-démocratique, prosélyte ? (Je répète qu’il n’y avait sur le badge que mon nom, mon titre et le petit logo). Aucun n’a trouvé cela choquant. Ils ont au contraire trouvé normal de savoir qui a quelle fonction, qui est dans la majorité et qui ne l’est pas.

J’ajoute que si Alain Juppé, calmement, était venu me parler et me dire « je ne suis pas d’accord avec le fait que vous portiez un badge distinctif. La municipalité est une entité en soi. Je serais heureux que tout le monde porte le même badge », j’aurais expliqué, calmement aussi, mes raisons, et peut-être me serais je rendue aux siennes pour ce soir, convenant d’en reparler plus longuement.

Cet épisode ne devrait pas mériter un billet. Sans la colère d’HM et d’AJ, presque personne ne se serait aperçu de mon badge et surtout, personne n’en aurait été choqué. Les jeunes me parlaient naturellement, avec le simple désir de s’informer. Quant à moi, je sortais de l’hôpital, à vrai dire encore dans le monde des choses essentielles, et j’ai appliqué en arrivant à la mairie une décision de notre groupe que je trouve bonne.

La politique rend bêtes ceux qui ne font que cela. Je le crois profondément. Ce n’est pas une règle générale, mais c’est un danger considérable. Il me semble que l’aggressivité dont j’ai été entourée l’illustre une fois de plus. Et cela me rend incroyablement cafardeuse.

Nous étions des milliers..

« Nous étions 20 et cent, nous étions des milliers.. ». On se souvient des mots du poète : en réalité, nous étions plus de 15000, autour, avec et pour Ségolène Royal pour ce meeting présidentiel de Bordeaux. Une foule incroyablement réactive, majoritairement jeune, chaleureuse, enthousiaste. Un ami qui n’était jamais venu à un meeting a dit qu’il ne croyait pas possible une telle atmosphère ; mon expérience n’est pas très longue, mais je n’ai jamais vu pour ma part une telle affluence et une réunion aussi formidablement rythmée par l’implication du public. Ségolène a décliné de manière très humaniste le beau thême et le beau slogan « La France présidente » pour finir sur l’Europe et la place de la France dans le monde. Un discours très écrit, peut-être trop, bridant un peu l’élan spontané et le côté charnel de l’art oratoire.

Les Français ont retrouvé la goût de la politique . C’est une très bonne nouvelle.

le fil invisible et fragile qui va d’un mot à l’autre

Le drame de l’écriture, fût-ce d’une page de blog, c’est qu’on ne sait jamais si la page écrite hier n’a pas été la dernière et si on y arrivera encore le lendemain. Devant mon clavier, j’ai mille choses à raconter : le bon échange que nous avons eu avec les commerçants de Fondaudège, la rencontre avec Richard Zeboulon et son suppléant qui se présentent comme moi dans la deuxième circonscription, l’hôpital dont on sait que je ne dis presque rien… Et pourtant la capacité à raconter est en panne, les mots trainent sur la ligne, le fil conducteur ne se tend pas tout seul de l’un à l’autre. Dans ces cas-là, Hemingway disait qu’il faut écrire « la plus petite phrase vraie » : la chose la plus vraie, la plus simple que l’on ressent sous la forme la plus courte.

C’est ce que je viens d’essayer. Peut-être que demain, ou cette nuit, ce petit fil ténu qui tient les mots entre eux sur la ligne comme une corde à linge invisible se renouera. Demain, ou plus tard, quand je serai grande, quand la fée libellule voudra bien recommencer à me raconter des histoires qui existent déjà quelque part, qu’il suffit seulement de retrouver et d’étendre au gré des souffles sur le fil..

Fief, vous avez dit fief ?

Une fois encore aujourd’hui, le Journal Sud-Ouest désigne la deuxième circonscription de Bordeaux (celle où je me présente) comme « la circonscription d’Alain Juppé ». C’est faire bien peu de cas d’Hugues Martin qui est en fait le député sortant. Il commence à en avoir l’habitude, Juppé lui même ne lui donne jamais cette place dans les cérémonies officielles.

Un peu plus loin dans le même article, on parle du « fief d’Alain Juppé ». Cette dénomination, comme la précédente, est tout à fait regrettable : elle accrédite l’idée qu’AJ y est indéboulonnable, et donc démobilise les électeurs qui pensent que le scrutin est joué d’avance.

C’est la dernière fois à 580 voix que j’ai été battue par Hugues Martin ; 580 voix sur 123 000 habitants, peut-on parler de ‘ »fief » ?

Ce qui est vrai, c’est que cette circonscription, comme la ville elle-même, appartient depuis 60 ans à la même majorité de droite. Mais c’était aussi le cas, du canton (Grand Parc-Jardin public) où j’ai été élue en 2004..

Toutes les voix compteront.

Encore un effort et le dialogue, l’alternance et l’équilibre des pouvoirs auront leur place dans la ville de Montesquieu .

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel