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Secret professionnel ou prise de responsabilité citoyenne ?

Les psychiatres américains s’interrogent actuellement,  au regard de ses responsabilités potentielles, s’ils doivent s’exprimer en tant que professionnels sur l’état de Donald Trump.

Le sujet n’est pas léger. Il s’agit bien sûr de leur part d’un diagnostic à distance, posé sur certains marqueurs de comportement. Ces psychiatres, comme tous les médecins, seraient tenus par le secret médical si Donal Trump avait été, à un moment où un autre, leur patient. La question ne se poserait pas davantage en dehors de la perspective de fonctions pouvant amener à mettre en jeu la vie d’autrui, voire le sort d’un groupe, et aucun médecin ne s’interrogerait si le diagnostic n’interférait pas obligatoirement avec les responsabilités briguées par la personnalité en cause.

Qu’on y réfléchisse : aujourd’hui, hier, mais aussi dans l’histoire contemporaine, bien des drames (et au delà) auraient pu être évités par la prise de position du corps médical, à condition que celui-ci s’exprime en dehors de tout engagement autre que strictement professionnel et non idéologique ; c’est à dire réunissant des personnalités incontestées, d’horizons différents et libres de toutes contraintes.

La question se pose actuellement dans le milieu académique aux Etats-Unis. Elle ne me parait pas négligeable.

Une « assurance verte » selon les habitudes de vie ?

La question revient régulièrement : doit-on assurer différemment les personnes selon leurs habitudes de vie ; dans le viseur évidemment : tabac, alcool, alimentation, addictions diverses… Et en effet, les données statistiques étant très claires, on pourrait considérer que tel assuré est à risque de coûter beaucoup plus cher qu’un autre.

Le mouvement a été donné par l’assurance automobile avec des degrés variables, plus ou moins intrusifs, de prise en compte des données personnelles : âge, délai depuis l’obtention du permis.. Jusqu’au « mouchard automobile » placé dans le véhicule qui renseigne l’assureur sur le fréquence d’utilisation de votre véhicule, votre vitesse par rapport à une vitesse moyenne sur le trajet donné …. Les tarifs sont augmentés ou diminués selon l’ensemble des paramètres enregistrés.

Les « données personnelles » sont d’un tout autre ordre concernant la santé et elles ne sont pas toutes directement dépendantes de la volonté. Etre la victime d’une addiction ne fait pas de vous un coupable (et je pense, bien sûr, d’abord au tabac). Ne pas arriver à en sortir, peut vouloir dire que vous n’avez pas trouvé sur votre route ni les personnes, ni les techniques qui vous y aident. Vous ne pouvez être pénalisé pour cela.

C’est, brièvement exprimée, ma principale raison d’être radicalement défavorable à ce principe d’assurance au comportement, que l’assurance soit privée ou publique ; ceci est d’ailleurs aujourd’hui interdit en France, mais je sens dans l’air électoral une sorte de syndrome de menace sur cette interdiction. Les tenants de la position contraire mettent en valeur le caractère incitateur de ce bonus/malus comportemental  qui dans tous les cas surtout constituerait un bonus global pour les assureurs.

A l’inverse, assurances et mutuelles pourraient s’investir plus largement, comme le font pour la prévention du vieillissement les caisses de retraite (ateliers sommeil, mémoire, équilibre…), dans l’accompagnement du sevrage. On sait qu’une des chances de « sortir » du tabac ou de l’alcool est de s’engager dans un nouveau mode de vie. Activité sportive, soins esthétiques, groupes de parole, yoga, danse..  Autant d’éléments qui selon les goûts de chacun  peuvent contribuer aux bonnes décisions et à leur caractère durable. Restons à l’écoute de toutes les propositions qui pourraient être faites en ce sens.

(à lire aussi « Assurance, votre vie privée vaut bien une ristourne » in « le monde économie » du 7 septembre.

 

 

Burkini, burka : l’universalité de l’égalité

Ma réserve sur le burkini  : c’est qu’il n’existe pas de modèle « hommes ». Cela paraît une plaisanterie, c’est le fond du problème. Interviews, chroniques, débats, éditoriaux, citations de candidats divers : pas un pour poser la question en termes d’égalité entre femmes et hommes. Pas davantage d’associations féministes, ni de personnalités s’y référant qui  se soient véritablement exprimées. Reconnaissons-le, les micros se sont tendus de préférence devant les vieux briscards masculins de la politique.

De retour d’une marche sur la plage, par un petit 35° que rien n’allège sauf de marcher les jambes dans l’eau et de recevoir sur la peau embruns et écume des vagues,  j’imaginais ce que pouvait représenter le même exercice dans un vêtement totalement couvrant, sombre ou noir, doublé d’une sorte de cape, serrant d’abord la tête jusqu’au ras des sourcils puis s’évasant pour que la silhouette elle-même disparaisse. Les bons apôtres de la liberté pour les femmes de « s’habiller comme elles veulent », imaginent-ils l’inconfort (en particulier dans la chaleur que les couleurs sombres absorbent), la contrainte des mouvements (spécialement pour la natation ou le sport) et la soumission que suppose ce mouvement ? Quant à la parole, imaginez un instant une femme voulant tenir un discours politique ..

Pour autant, les arrêtés pris par quelques Maires de droite sont en effet ridicules et nous ont légitimement discrédités dans la presse étrangère. Non seulement en raison de l’image choquante de  policiers en armes verbalisant sur une plage une femme habillée de pied en cap, mais plus radicalement parce que cette interdiction est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’absence de trouble à l’ordre public mais un recours à la Cour européenne des droits de l’homme aurait de même fait condamner notre pays . Pour cette même raison, la France n’a pu légiférer sur le port de la burka que par le biais de l’obligation pour tout citoyen d’être identifié et donc de ne pas garder son visage couvert. L’Allemagne en ce moment même envisage de légiférer, avec la même contrainte, sur une interdiction partielle, limitée à certains lieux.

Le deuxième aspect méritant réflexion, c’est que la présence de burkas, de niqabs, et maintenant de burkinis dans nos sociétés, est un outil politique d’introduction récente visant d’abord à radicaliser les positions de part et d’autre ; mais aussi à créer une sorte d’ « empeachment » du rôle inclusif des femmes dans une société moderne . Le prophète n’a pas changé de point de vue depuis le Coran ; pas davantage, nulle autorité musulmane suprême -puisqu’il n’y en a pas- n’a décidé d’une nouvelle loi sur l’habillement des femmes. Il s’agit de choix politiques, par des responsables politiques, qui comme trop souvent, se font au détriment des femmes afin de les maintenir dans un rôle subalterne de fait.

Nous sommes en effet très démunis devant cet outil politique, et nous, femmes qui avons bénéficié d’une émancipation toujours à défendre mais bien réelle, ne pouvons nous contenter de détourner le regard et de dire « elles sont libres de faire ce qu’elles veulent ». L’éducation des filles, puis leur accès à un travail les extrayant du mariage, de la quasi-séquestration à leur domicile et  du silence politique, constituent les enjeux essentiels. Une étude américaine a montré que lorsque la mère travaille à l’extérieur, les enfants ont moins de comportements déviants et d’attitudes de violence. Gageons aussi que leurs filles seront plus résistantes à l’étouffoir des vêtements couvrants. Le philosophe Edgar Morin éclaire ce rôle de manière définitive : « les femmes, ces agents secrets de la modernité ».

Si nous avons peu d’outils politiques au sens juridiques, nous avons une valeur, qui transcende en ce XXIème siècle, les opinions religieuses et la laÏcité elle-même : l’égalité entre les êtres humains, et donc entre les hommes et les femmes. Cette valeur a pour moi, une égale universalité que la « règle d’or », qui transcende toutes les croyances : « Tu ne tueras point ». Et c’est au nom de cette valeur que nous devons d’abord nous exprimer. Quelque religion que ce soit, quelque constitution que ce soit introduisant une différence entre les hommes et les femmes recevrait de ma part la même opposition.

D’autant plus, nous ne pouvons en tous cas rester silencieuses, ignorer ce maintien très intentionnel aux arrière-postes de femmes dont on sait justement que c’est par elles, d’abord par elles, que la modernité et l’adhésion aux droits universels et à cette valeur d’égalité, l’emporteront.

 

 

 

Haro sur l’horrible « du coup.. »

L’été a bienheureusement eu raison du pokemon go qui a rempli pendant quelques semaines nos rues de jeunes gens avançant courbés sur leurs téléphone portable. La cyphose numérique de la génération du même nom n’est pour autant pas prête de disparaitre..

Las, ce même été n’a rien pu contre l’affreux « du coup » qui parasite désormais les phrases des locuteurs hexagonaux. « Du coup » est non seulement laid, mais il est presque toujours fautif : ce n’est jamais d’un coup d’un seul que Pierre a choisi Lourdes plutôt que Chateauroux pour ses vacances, que Paulette s’est résolue à porter un jean pour fêter l’anniversaire de Paul, ni que, finalement, Robert a choisi Marguerite Yourcenar comme sujet de sa thêse. Le choix du bon verbe suffit bien souvent à se passer de l’intrus. Mais ce n’est pas tout..

« Donc », commode pour sa brièveté, « en conséquence » ou « par voie de conséquence » pour leur sérieux cartésien, « in fine » délicat quand il s’agit de parfumer son discours d’un poil de latin, « enfin » (« enfin, j’ai choisi de.. ») servant là comme dans nombre d’autres circonstances… Tous ceux-là, pourtant nombreux er variés sont désormais réduits au chômage et notre langue ne s’en porte certainement pas mieux.

Les mots s’usent et tendent à disparaitre quand on ne s’en sert pas. Ils sont comme les légumes anciens : il serait dommage d’en perdre la saveur.

Les mots simples

Les mots simples sont comme les pierres dures : inusables, inaltérables, traversant le temps et frappant les consciences. Le problème est justement qu’ils sont si forts que presque plus personne ne les utilise : politiques, journalistes, penseurs de tous poils.. Il n’y a plus guère que la religion pour être capable de parler simplement des pauvres, des riches, de la beauté de la nature..

Ce mot « pauvre » est sans doute le plus caractéristique. Comme les autres, j’ai toujours un peu de réserve à l’utiliser, craignant que l’on y voit la moindre nuance de mépris. Pourtant, je déteste par-dessus tout l’usage de « modestes » les qualifiant (« les personnes modestes », « les ménages modestes ») : les pauvres ont-ils en plus le devoir d’être modestes ou considérés comme tels ?

Pendant mon temps de Ministre des « personnes âgées » -et maintenant encore- je répugnais pourtant à utiliser le mot « vieux ». Tout simplement, parce qu’il n’est pas, en français, le contraire de « jeune », lequel est « âgé ».  « Vieux » contient une nuance de diminution, de perte, de vulnérabilité, qui n’est aucunement le fait de tous les âgés. « Vieillir » en français n’est pas l’équivalent de « to age » en anglais (par exemple dans « active ageing »), dont la juste traduction est seulement « avancer en âge ». Un mot simple doit être pur de toute mésentente.

« Pauvre », « riche », « beau », « laid », « fort », « faible », « infirme » pour les adjectifs,  « mensonge », « humiliation », »mépris »  pour les substantifs et tant d’autres  … sont si directs que vous ne les lirez guère dans les colonnes des journaux. L’un appartiendra à « un milieu favorisé », l’autre sera « fragile », le troisième « vulnérable »..  Les « paysans » ont disparu, les « ouvriers » restent le corps social majeur de notre pays mais sous le nom de « salariés » ; les artisans, reconnaissons le, survivent grâce à la fierté de leurs mouvements, syndicats et associations ;  le « repas » est de plus en plus cantonné à ses usages commerciaux, le « jour de repos » .

Le plus simple des mots simples, et si j’ose dire, le plus définitif, est « la mort ». Que n’invente-t-on pas pour ne pas l’utiliser ? La rubrique nécrologique en constitue la preuve quotidienne: tel a disparu ou s’est éteint, tel autre nous a quitté quand il n’a pas été « rappelé à Dieu ». Faisons-nous un mot de condoléances ? La mort devient le décès (le « trépas » est, lui, mort de sa belle mort..) ou bien l’on use des périphrases précédemment citées. Pire, si c’est d’un cancer (autre mot simple) qu’est mort le défunt : ce sera alors une « longue maladie » qui l’a emporté.

Les titres de livres ou d’oeuvres artistiques se contentant de ces mots simples, ne sont pas les plus nombreux, mais ils sont à l’égal de leur titre, des livres forts : « la peau » de Malaparte, « le mépris » de Moravia (et du même « l’ennui ») , « la peste » et « l’étranger » de Camus…

Deux mots simples, en titre, ne perdent rien de leur force : « l’exil et le royaume », « la puissance et la gloire »… Mais ils jouent non seulement de la simplicité mais de la réminiscence biblique.

On l’aura deviné, c’est une lecture qui me précipite sur mon ordinateur : l’encyclique « sur la sauvegarde de la maison commune » du pape François. Outre son intérêt politique profond, le texte frappe par la simplicité et l’essentialité de son langage.

Que l’on m’autorise un mot encore sur le génie de la parole de ce Pape. En plein débat dans  sur « le mariage pour tous » et la  place des homosexuels dans l’église, François a eu cette parole définitive  : « Qui suis-je pour juger ? »

Les phrases simples, les mots simples, ne sont jamais de simples mots.

 

 

 

 

 

 

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