Peut-on accélérer le temps des religions ?
Sur @franceinter ce 6 août, le recteur de la mosquée de Bordeaux Tareq Oubrou s’est exprimé sur les propositions qui naissent pour mettre en meilleure cohérence l’Islam de France et la République. Il a parlé avec une immense prudence, qu’il faut comprendre : ceux qui l’écoutent peuvent s’accrocher à un mot, mal entendre une expression, ne sont pas à même niveau de culture religieuse. Parler à tous, être sûr d’être compris n’est pas chose facile.
Tareq Oubrou est un esprit cultivé et d’une grande finesse. Il déplore avant toute chose ce manque de culture religieuse, de connaissance des textes et de la nécessité de ne pas les interpréter au premier degré mais en fonction de leur contexte historique. Je retiendrai de cet entretien avec le journaliste deux points.
Tout d’abord, cette vérité sous forme de question : »Les Musulmans peuvent-ils faire en deux ans ce que l’église catholique a mis deux siècles à réaliser ? ». Il parlait de l’adéquation entre la pratique religieuse et les règles de la République, laïcité en tête. La réponse est en effet sans doute « non ». Pour autant, le XXIe siècle, peut-il accepter que des croisades meurtrières puissent aujourd’hui avoir lieu? Le temps s’est beaucoup accéléré, la conscience humaine a aujourd’hui intégré un certain nombre de principes qui devraient fonder toute civilisation. L’Islam a besoin d’exprimer aujourd’hui ce que l’on considère comme un dénominateur commun universel (oecuménique) de nos religions : « Tu ne tueras point ».
Deux questions qui lui ont été posées, celle du « burkini » (ou plus généralement du corps intégralement couvert pour les seules femmes). Réponse de Tareq Oubrou : cela ne met pas en danger l’ordre public.
C’est vrai -du moins jusqu’à un certain point- , mais cela est incompatible avec une règle, chèrement acquise, de la République : l’égalité -et en particulier l’égale liberté- entre les hommes et les femmes. C’est sans doute un des points « qui ne peut évoluer en deux ans ». J’ai connu le temps où les femmes n’entraient à l’église que la tête couverte. Cinquante ans plus tôt, elles portaient encore des maillots très couvrants. Sans doute ne nous faut-il pas exiger trop et trop vite, mais n’est-ce pas en la matière une régression à laquelle nous assistons? Là aussi, ne faut-il pas quelque peu bousculer le temps ?
Ecrire est ici pour moi une manière de réfléchir. J’ai grande estime pour Tareq Oubrou,et je suis quelquefois inquiète à son sujet, car sa modération n’est pas admise par tous. Mais, certainement, pour vivre et faire ensemble, il faut aujourd’hui accélérer le temps .