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De la crédibilité de la parole politique

A Bordeaux, une élue de la liste municipale de droite, a déclaré au cours d’un débat sur le logement (sujet crucial à Bordeaux en raison de l’enchérissement considérable de l’immobilier) que « vouloir être propriétaire relevait de l’ancien monde ».

Dépassé, carrément ringard, le souhait d’avoir sa maison ou son appartement à soi ? Sans doute, s’il s’agit d’une volonté trop précoce : nombreux sont les jeunes ménages qui se sont endettés et n’ont pu acquérir qu’un bien situé à des kilomètres de leur lieu de travail ; ils s’interrogent aujourd’hui à la fois devant la lourdeur des traites et devant le frein que leur logement constitue à leur mobilité professionnelle, condition bien souvent de réussite et d’avancement.

Mais, y a-t-il plus légitime, à mi-parcours, de vouloir être chez soi, aménager à sa famille un cadre plaisant, chaleureux et conforme à ses goûts ? Et surtout celle qui proclame la ringardise de la propriété l’applique-t-elle à elle même ?

Que nenni ! Pour se colorer en Bordelaise à son arrivée dans notre ville et vivre dans un confort que nul ne lui reproche de parti pris, elle a aussitôt fait l’achat d’une maison dans un quartier central. Mais de grâce qu’elle ne proclame pas pour les autres l’inverse de ce qu’elle pratique pour elle-même !

Au cours du même débat, cette élue, décidément facétieuse, a proposé comme solution à l’immense problème bordelais du logement (16% seulement de logements accessibles aux revenus de 80% des Bordelais) a proposé « de construire des appartements plus petits », sans préciser ce qu’il en était du sien -ce qu’au demeurant on ne lui demande pas- mais surtout en allant en contradiction complète de la volonté de l’ensemble des édiles de la ville qui, au contraire, souhaitent faire revenir à Bordeaux des familles et non seulement des « ménages » composés de personnes isolées.

Moralité : mieux vaut ne rien dire, ne pas se poser en spécialiste universelle en vue de quelque « delphinat » que ce soit, que de dire sans savoir et surtout de prescrire ce qu’en aucun cas on n’applique à soi-même. La crédibilité de la politique est à ce prix.

Suite de ce billet en commentaire en date du 12 avril

« Arrêter les conneries »

En face d’une droite qui soit ne dit rien (Juppé), soit force le trait (Sarkozy, Wauquiez..), pas question de dire « gauche et droite, c’est du pareil au même ». Moins encore question de le penser, ni de le souhaiter.

La vie politique a besoin de clarté, les politiciens d’identité et je ne m’inscris pas davantage dans le « ni gauche, ni droite ». Pour autant, j’affirme que nous ne sauverons notre pays d’un irrelevable déclin qu’en sortant du manichéisme outrancier qui décrédibilise nos positions et les transforme en postures de comédie.

Quel modèle alors ? Ce n’est d’ailleurs pas un modèle car il n’est pas reproductible à l’identique en France. Mais c’est une matrice, c’est à dire un schéma où nous pourrions nous inscrire. Je ne doute pas d’ailleurs que François Hollande y pense et que, s’il faisait un deuxième mandat, se sentant plus libre, il imagine de le tenter.

Cette « matrice », c’est la grande coalition allemande. Chaque parti garde son identité, mais les partis au Gouvernement tirent dans le même sens. Le Parti Social-démocrate allemand (SPD) ne s’est pas déconsidéré en signant un contrat de Gouvernement où il apportait notamment le salaire minimum et la prise en charge de la perte de l’autonomie à hauteur de 6 milliards d’euros. Ceci est fait et porté à son crédit. Les dernières élections allemandes dans 3 Länder, ont montré une progression de l’extrême droite (majeure en Saxe-Anhalt avec 24 % pour l’AFD), mais dans les deux autres dont l’énorme Bade-Wurttemberg, c’est bien la gauche (le Ministre Président est un vert) qui est demeurée maîtresse du jeu. En Rhénanie Palatinat, la Ministre Présidente est bien SPD.

Qui a été le meilleur soutien de la chancelière pour l’accueil des réfugiés ? La gauche, et elle y a gagné en honneur. En France, nous sommes parvenus à un point tel que si le Gouvernement avait décidé un accueil de réfugiés plus large, l’ex-ump l’aurait voué aux gémonies pour aspirer les électeurs FN. Si elle n’en avait accueilli aucun, même chose : elle aurait été contre, systématiquement contre, automatiquement contre. La politique est devenue pavlovienne : la droite est contre la gauche, la gauche de la gauche contre la gauche, et la droite de la droite contre tout le monde , reprenant en cela le poncif pourtant bien usé de la lutte contre le « système ».

Il est temps « d’arrêter les conneries », selon la vigoureuse expression de Daniel Cohn-Bendit (titre de son dernier livre), temps d’être honnête, temps de dire que l’important c’est que ça marche et que l’objectif l’emporte sur les positionnements ; l’important est que nous soyons enfin capables d’expliquer avant d’appliquer, et de comprendre avant de condamner. La loi travail montre,  de part et d’autre, que nous en sommes bien loin.

Y’a du boulot aussi pour que chacun comprenne qu’au point où nous sommes, hors les plus faibles revenus et les plus faibles tout court, c’est chaque Français qui est appelé à faire mieux avec moins. Chaque Français, chaque groupe, chaque profession.

Nous sommes tous dans le même bateau et s’il faut condamner rudement ceux qui s’en exonèrent (évadés fiscaux et autres catégories), nous ne devons pas nous en exonérer parce qu’ils sont condamnables. Les Français, c’est nous, pas eux, et nous ne retrouverons l’estime de soi sans l’estime de nous.

 

 

 

 

 

Poissons et merveilles

Que sont les poissons d’antan devenus ? Ceux que l’on cherchait à dénicher dans les colonnes des journaux ou les annonces de la radio ? Ceux qu’on était le premier à identifier, ceux au contraire dans lesquels on tombait et qui donnaient matière à joyeuse discussion pour des journées entières ?

J’ai vu un des services hospitaliers où j’ai travaillé très animé tout un jour parce que le chef de service avait reçu un courrier ultra-confidentiel du Maire de Bordeaux lui demandant de traiter par radiothérapie les momies de l’église Saint Michel. Où allions-nous les stocker, quelles doses utiliser ?.. La blague n’a pas fait long feu, mais longue conversation, et c’est très bien comme ça.

A l’Assemblée nationale lors de la dernière loi santé un amendement a été proposé à la signature des députés. Il proposait d’imposer une date de péremption pour les bouteilles de Bordeaux, qui comme on le sait sont remplies de polyphénols et de dérivés anthocyaniques qui en vieillissant sont susceptibles de donner naissance à des phénophtalates polycarbonés dont le nom seul n’est pas bien recommandable.. La revue « Science » ayant validé cette pesante inquiétude dans une publication récente, le Parlement français ne pouvait demeurer taisant plus longtemps…

Le précédent billet de mon blog, apparaît tout entier comme une blague. Serions-nous donc si bêtes, nous les Européens, d’utiliser l’anglais comme langue véhiculaire entre nous alors que cette langue n’est pas majoritaire et qu’en cas de « Brexit » elle ne sera parlée maternellement que par moins de 10% des Européens ?

Eh bien, ce n’est aucunement une blague : nous sommes aussi bêtes ; ça le devient quand on en conclut à l’enseignement obligatoire de l’allemand dans toutes nos écoles dès le 23 juin.

Cette année, à peine la petite queue d’un tout petit poisson : l’installation de Disney Land à Bordeaux. Si j’osais, je dirais que c’est déjà fait et que beaucoup croient déjà tenir la queue du Mickey.

 

 

Langues : ça bouge pas mal en Europe

A 90 jours (23 juin) du referendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne, les institutions se préparent à toute éventualité. Economie, statut des places financières et en premier lieu de la City (die city), mobilité des Européens et contrôles aux frontières… le « Brexit » (GrossBritannien-Austritt) est la cause d’un grand remue-méninges, tant chez les europhiles que chez les europhobes.

Un aspect avait jusque-là été quelque peu oublié, comme il le fut lors du traité constitutionnel de 2004 : la situation des langues européennes. Les « langues de travail » des diverses institutions (Commission, Cour de Justice..) qui sont en quelque sorte les langues officielles de l’Europe sont aujourd’hui l’anglais, le français et l’allemand. Des décisions sont pourtant d’ores et déjà prises même si elle demeureront confidentielles jusqu’à connaissance du résultat du vote…

La langue anglaise verra en effet, en cas de sortie du Royaume-Uni, sa position dégringoler de manière spectaculaire. De 63 millions de locuteurs, elle passera à 9 800 000, habitant principalement en Irlande et à Malte, Etat certes important mais peu destiné au leadership (Furhrung) européen. Dans l’hypothèse où l’Ecosse demanderait à rejoindre individuellement l’Union, le groupe anglophone se verrait renforcé de 5 millions d’individus. Au total : les anglophones ne représenteraient alors que moins de 10% des européens dans le 1er cas ou 11% avec l’appui des Ecossais.

La conséquence est claire, et les décisions déjà dans les tiroirs : les trois langues « officielles » deviendront alors, par ordre d’importance de leur représentation : l’allemand (90 millions de locuteurs), le français (74 millions) et l’Italien (65 millions) . Mais, ce qui importe bien davantage aux européens, l’allemand, désormais langue dominante sera enseigné à titre obligatoire après la langue maternelle dans l’ensemble des écoles européennes. Pour l’Allemagne elle-même et les territoires germanophones au Luxembourg, en Belgique et en Italie, le Président Hollande a obtenu de haute lutte de la chancelière Merkel que ce soit le français qui soit alors enseigné en deuxième langue. Qu’il en soit remercié.

L’anglais retrouvera donc sa juste place, celle de langue accessoire de l’américain, une sorte de dialecte plutôt chic, assez branché, mais d’autant moins signe de modernité et d’avenir qu’il est partout battu en brèche. Aux USA, il recule devant l’espagnol, en Australie devant les langues asiatiques. En Europe, il pourra tout juste bénéficier des dispositions relatives aux « langues minoritaires ou régionales » du Conseil de l’Europe.

Immobile, l’Europe ? Ca bouge pas mal au contraire dans les cerveaux des Eurocrates, et je vois déjà se réjouir ceux qui ont un instant frémi à l’idée d’une réduction de l’enseignement de l’allemand. Cerise sur le gâteau, il est aussi question  d’imposer dans les médias le remplacement des mots ou expressions anglo-américains par leur équivalent germanique. On notera à mon crédit que j’ai déjà anticipé cette disposition de bon sens.

Les deux piliers de la République

Les deux piliers de la République comptent-ils si peu en face de la cigarette ?

Le premier, l’Education nationale dont la mission est de faire connaître, comprendre et respecter les lois de la République et qui s’autorise aujourd’hui d’y déroger par une circulaire sibylline aux responsables scolaires après la mise en place de l’état d’urgence. On en notera le caractère sibyllin :

 » Dans les lycées, des zones spécifiques peuvent être aménagés au sein des établissements scolaires dans les espaces de plein air pour éviter que les élèves ne sortent du lycée pendant les interclasses »

Nombreux ont été les proviseurs qui ont interprèté ces « zones spécifiques » comme des zones où serait donnée la possibilité de fumer. L’imprécision laisse cependant l’imagination aller plus loin.

Cette possibilité viole par deux fois la loi. L’article R35 -11-1 datant de 2007, lequel précise la loi Evin et étend l’interdiction de fumer à la totalité de l’enceinte scolaire, cours et préaux compris et d’autre part l’interdiction de vente de tabac aux mineurs, complétée par la loi santé exigeant la présentation d’un titre d’état civil.

Le second pilier, celui de la santé publique et de son bras armé, la sécurité sociale. Le Gouvernement a présenté cette année un Programme National de Réduction du Tabagisme avec comme priorité le tabagisme des jeunes et l’ambition d’une prochaine « Génération sans tabac ».

En sera-t-il de même pour la COP21 : l’excellence des résolutions sera-t-elle aussitôt réduite par l’inconséquence des décisions ? Car enfin, autoriser de fumer pendant les pauses récréatives (la pause méridienne n’est pas concernée) n’est-ce pas accepter l’idée que les jeunes sont d’ores et déjà en addiction (s’abstenir de fumer pendant 3 h ne paraît pas insurmontable ; accepter aussi que ceux qui ne sont pas déjà en addiction vont y entrer (c’est le cas dès la centième cigarette) ?

N’oublions pas enfin que l’état d’urgence risque, après les événements récents, de se prolonger. Une mauvaise habitude n’est pas pour autant facile à interrompre et il y a fort à parier que si nous les tolérons aujourd’hui les coins fumoirs s’installeront définitivement dans les établissements scolaires.
J’ai été sidérée d’entendre dans les médias un proviseur approuver la mesure sous le prétexte de la hiérarchie des risques, le risque terroriste lui paraissant beaucoup plus menaçant que le risque du tabac. Autorisons-nous d’être cynique, M le Proviseur : vos élèves ont-ils plus de chances de mourir du tabac -lequel tue un fumeur sur deux ou du terrorisme ?

Mon père disait « les galons se cousent, l’autorité se construit ». Quant au courage, c’est sûr, il ne s’achète pas dans les bureaux de tabac.

 

 

 

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