Ce fut au début du siècle dernier entre ces deux villes une rivalité, plus justement une émulation, artistique, urbanistique, architecturale, littéraire qui a fait date ; tout cela dans un contexte européen sans doute plus solide que l’actuel, parce que la culture en était le centre.
La guerre a absurdement, dramatiquement et par deux fois, fait voler en éclats ce couple si particulier et jamais reproduit. Aujourd’hui « Paris-Berlin » demeure dans la formulation politique un « axe », un couple politique inégal et donc fragile. De retour de deux jours dans la vieille/nouvelle capitale de l’Allemagne, l’occasion de comparer deux atmosphères, deux pays, deux interrogations si différentes sur l’avenir.
L’Allemagne n’a aujourd’hui qu’un sujet : les réfugiés. Ce sujet n’est pas mince, il est à la dimension du monde et il interpelle au premier chef le leader économique de l’Europe. Mme Merkel, aujourd’hui contestée sur sa droite a beaucoup fait pour l’honneur de l’Europe et de son pays avec trois mots « Wir schaffen das » (« ça, nous pouvons le faire »). Trois mot à la fois petits et à la taille du « Yes, we can » d’Obama. D’ailleurs, ils sont dans deux langues différentes l’expression d’un même appel à la fierté et à la capacité d’effort qui va avec. Avons-nous entendu, venant de qui que ce soit et de quelque parti que ce soit, même appel aux Français de surmonter la crise suicidaire où notre pays s’enfonce ?
Un million cent mille de ces réfugiés déjà arrivés an Allemagne en 2015, et 100 000 autres pour le seul mois de janvier 2016. Pendant cette même période, la France en a reçu moins que le seul Etat du Schleswig Holstein, qui compte comme deux millions d’habitants, à l’égal du département de la Gironde.
L’Allemagne est sans doute au maximum non peut-être de sa capacité d’accueil mais certainement de sa capacité d’accueil en un temps aussi court. L’extreme droite attise les craintes et les rancoeurs et grimpe dans les sondages en vue de l’élection législative prochaine de trois länders. Le SPD, membre de la grande coalition qui dirige le pays, peine à faire accepter le « paquet social » (contribution d’Etat assurant apprentissage de la langue et formation professionnelle pour les adultes, crèche et école pour les enfants). A cette première partie du « Paquet » un effort en faveur des Allemands les moins riches et en premier lieu une augmentation des petites retraites) afin de contrer le leit motiv des populistes « tout pour eux et rien pour nous ».
Voilà un beau combat pour le parti socialiste allemand. A la hauteur aussi, reconnaissons-le, de l’état économique de l’Allemagne puisque le SPD propose en fait d’attribuer l’excédent budgétaire national pour moitié aux réfugiés et pour moitié à l’amélioration des conditions sociales des Allemands les moins favorisés. Soit 10 milliards pour chacun. Heureux pays !
Une plaisanterie (à moitié) circule outre-Rhin dans les milieux internationaux « les Allemands veulent être aimés, les Français veulent être pris au sérieux ». On en comprend le sens caché en lisant en parallèle la presse allemande et la nôtre, où on trouve que déchirures à tous les étages de la gauche comme de la droite. Le sujet des réfugiés, cette question majeure et inéluctable au seul examen de la démographie mondiale, ne couvre chez nous que peu de colonnes, largement distancée par la tribune de Martine Aubry ou les huées reçues par le Président de la République au salon de l’agriculture.
Mais au fait comment font-ils les agriculteurs allemands auxquels nous reprochons de vendre moins cher que nous ?
Alors, n’y a-t-il pas quelques leçons à prendre de nos voisins concernant les relations entre les Partis, la capacité des dirigeants capacité d’appeler à l’effort (et il en a fallu depuis les années 2003-2005 où l’Allemagne a du consentir des réformes douloureuses, de la possibilité d’exercer gauche et droite réunies quand la situation l’exige. Nous en restons trop souvent aux querelles de tribus quand c’est tout le pays qui prend l’eau. Les syndicats (Medef et FNSEA en tête en ce moment) font de la politique au moins bon sens du terme quand il s’agirait d’écoper et de ramer pour sauver le bateau France.
Dire que je suis revenue de ces deux jours follement optimiste serait excessif…